Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jacques Barrot

Réunion du 16 décembre 2009 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Jacques Barrot :

Hier soir, était débattue au Parlement européen la question des crucifix sur les murs. Le débat, quelque peu animé m'a ramené en arrière de quelques années en France. Ma réponse en la matière est que de telles questions relèvent du droit interne des États membres. Le Parlement européen ne peut pas se substituer à ces derniers. Ce n'est pas dans ses compétences.

Nous sommes très hostiles à toutes formes de discrimination. Mais, si un État membre décide, par exemple, que, pour des raisons de sécurité, il préfère ne pas voir de burqa, je ne vois pas comment l'Union européenne pourrait considérer cela comme une discrimination. Reconnaître les gens dans la rue me paraît important pour un État. Les États membres sont souverains dans ce domaine.

M. François Rochebloine a mille fois raison : nous devons faciliter l'attribution de visas aux étudiants. J'ai accordé aux étudiants ukrainiens et aux étudiants biélorussiens la possibilité d'avoir des visas moins cher et plus facilement. On ne pourra pas sortir les jeunes Biélorussiens de leur système politique, proche de la dictature, s'ils n'ont pas le goût de l'Europe et ne peuvent pas la découvrir.

Un des moments les plus émouvants de mon mandat de commissaire européen reste celui où j'ai supprimé les visas pour la Serbie, le Monténégro et l'Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM). Les Serbes sont tellement heureux que, la veille de Noël, ils viennent à Paris pour me remercier.

M. Boucheron a également posé une question très intéressante sur les fichiers SWIFT. Les Américains, après avoir découvert ce système interbancaire basé en Belgique, qui facilitait les transactions financières, ont décidé, après le 11 septembre 2001, que le Trésor américain exercerait une surveillance sur les données transitant par ce système. À un moment donné, le Conseil européen s'en est alerté et a envoyé le juge Bruguière vérifier l'usage que les Américains faisaient de cet accès aux transferts bancaires internationaux transitant par SWIFT. Celui-ci est revenu en disant que, selon lui, les États-Unis n'utilisaient pas les données à d'autres usages que la lutte antiterroriste.

Depuis, SWIFT a modifié son organisation. Outre les données en Belgique, un nouveau centre de stockage de données sera construit en Suisse en remplacement du centre actuel situé aux Etats-Unis. Le système étant uniquement en Europe, les Américains sont obligés de passer un accord avec nous. Un accord provisoire, de neuf mois, a été conclu, qui n'a pas encore, d'ailleurs, été complètement ratifié par le Parlement européen. Une négociation s'engagera ensuite en vue d'un accord définitif.

Nous voulons, monsieur Boucheron, une réciprocité complète. Or, les Américains ont des règles très contestables en matière de protection des données. Le Privacy act leur donne la possibilité de faire rectifier les fausses données sur leur compte devant n'importe quel tribunal aux États-Unis. Un Européen ne le peut pas. La négociation s'annonce donc très dure.

Dans un tel domaine, nous devons pouvoir procéder, nous aussi, à des contrôles inopinés pour vérifier que le Trésor américain utilise ce moyen uniquement pour la lutte antiterroriste et ne conserve pas les données éternellement. Une durée de conservation de cinq ans nous paraît justifiée, mais elle ne doit pas dépasser ce délai.

Pour avoir aidé un peu les Américains à fermer Guantanamo – je le dis devant l'ex-président du groupe d'amitié « France-Amérique », Axel Poniatowski –, pour avoir facilité un certain nombre d'opérations avec l'administration Obama, pour avoir réussi l'accord de l'Open Sky avec les États-Unis, j'estime ne pas avoir recueilli les fruits de notre bonne coopération. L'administration américaine reste très réservée et la partie est très difficile dans ce domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité. S'agissant de la protection des données, nous ne sommes pas d'accord. J'ai obtenu, non sans mal, que soit supprimée l'obligation de déclaration de la séropositivité, qui n'a jamais été une maladie contagieuse, sur les documents que doivent remplir les personnes qui se rendent aux États-Unis. Mais c'est mon seul exploit. Une bonne coopération transatlantique nécessite un climat de coopération et de réciprocité. C'est fondamental.

Comme vous le voyez, l'espace de liberté, de sécurité et de justice prend maintenant une dimension extérieure très importante. C'est pourquoi je vous remercie de m'avoir invité. Toutes vos suggestions seront les bienvenues.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion