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Intervention de Henri Nayrou

Réunion du 17 décembre 2009 à 9h30
La poste et les activités postales — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Nayrou :

L'objectif affiché de ce texte est donc de mettre La Poste en situation de s'adapter aux nouveaux défis auxquels elle est confrontée, tout en lui donnant les moyens d'améliorer les conditions d'exercice et la qualité de service de ses différents métiers. En voilà des bons mots, qui vont très vite devenir des gros mots.

Qu'en est-il de ce texte tel qu'il est issu du Sénat ? Tout d'abord, le processus d'ouverture progressive à la concurrence du secteur postal n'implique nullement le changement de statut de La Poste. Cela a été abondamment démontré lors des débats au Sénat. La Poste peut parfaitement s'adapter et se moderniser sous son statut actuel, d'autant qu'un très grand nombre de ses filiales sont déjà organisées en société anonyme.

Dès lors, on peut légitimement se demander si ce n'est pas le premier pas vers une privatisation qui ne dit pas son nom, du moins pas encore, un peu comme lorsque M. Sarkozy, il y a cinq ans, siégeant au banc du Gouvernement, nous jura la main sur le coeur que Gaz de France ne serait jamais privatisée. Tiens, déjà un gros mot…

Bien sûr, la majorité tente de justifier sa démarche en invoquant une condition nécessaire à la concurrence. La mission de cohésion et de service sur nos territoires va bien au-delà de l'aspect purement financier, et devrait justifier l'engagement des pouvoirs publics. Certains parlementaires, dans cet hémicycle, je pense tout particulièrement aux élus des zones rurales, connaissent ces problématiques par coeur. Ceux de l'opposition vous l'ont dit, monsieur le ministre, ceux de l'UMP n'ont pas osé vous en parler, mais ils pensent comme nous, du moins ceux qui ne survolent pas leur circonscription à 10 000 mètres d'altitude et les yeux bandés.

Acheminer le courrier, délivrer le service bancaire universel et assurer une présence sur l'ensemble des territoires ruraux et de montagne, mais aussi dans les zones urbaines sensibles, c'est une mission qu'aucune entreprise privée ne souhaitera jamais remplir parce qu'elle ne représentera aucune valeur ajoutée. On ne le sait que trop : les missions juteuses, c'est très bon pour le privé, les missions sacrées, c'est tout juste bon pour l'argent public.

Deuxième point, le changement de statut de La Poste en société anonyme ne garantit en rien la préservation du statut public de la banque postale. Il s'agit d'un élément tellement essentiel que j'ai tenu à appeler votre attention sur lui. En effet, dans la mesure où la loi de 2005 a filialisé les activités financières de La Poste, en créant la banque postale, elle permettait à tout moment la remise en cause de l'unité du groupe, problème que François Brottes et d'autres avaient soulevé à l'époque.

Il est patent que le risque d'un démantèlement de La Poste avec une vente par appartement est donc bien réel. Certes, avec l'aval du Gouvernement – je le signale, car il ne sert à rien d'occulter l'évidence – nos collègues sénateurs ont précisé que le changement en SA ne peut remettre en cause le caractère de service public national de La Poste. C'est dans ces circonstances, monsieur le ministre, que vous avez déclaré que La Poste était devenue imprivatisable. L'expérience devrait pourtant vous conduire à plus de prudence, car ce qu'une loi a fait, une autre peut le défaire. J'ai même entendu un député UMP l'avouer à cette tribune.

La prudence est d'autant plus de mise que de nombreuses inquiétudes se font jour quant au contrat de service public liant La Poste à l'État. Cette majorité et les précédents gouvernements de droite ont progressivement réduit le contenu des contrats de plan à leur portion congrue. Comment dès lors se prévaloir d'une vision à long terme et assurer le développement du projet industriel et de service public ?

Finalement, la mise en oeuvre de la dérégulation du secteur des services postaux ne saurait seule suffire à assurer les conditions d'un développement des services postaux. L'exemple des pays pionniers de la libéralisation et de la privatisation des services postaux ne laissent rien présager de bon pour l'avenir de La Poste.

J'en viens à l'aménagement du territoire. Je suis député d'un département de montagne, comme Frédérique Massat, qui vient de nous préciser l'impact de la votation citoyenne en France. Il y a bien longtemps que j'ai pu mesurer les difficultés et le retrait des services postaux sur notre territoire ariégeois. Hélas ! nous n'en avons pas l'exclusivité, car les élus de gauche et de droite sont nombreux à pâtir en montagne des méfaits de la dernière modification de La Poste, dont ils avaient d'ailleurs dénoncé les risques.

L'article 2 du projet de loi consacre les quatre missions de service public de La Poste. Bien que le Gouvernement se limite ici à transposer les obligations rappelées par la troisième directive postale européenne, cela n'apporte aucune garantie supplémentaire à partir du moment où le financement des surcoûts des missions de service public n'est pas assuré. Or, avec la fin du secteur réservé, programmée pour le 1er janvier 2011, acceptée et soutenue par les gouvernements UMP successifs depuis 2002, ce sont les moyens de financement du service postal universel qui vont disparaître. Et La Poste va se trouver opposée à des concurrents qui se positionneront sans le moindre scrupule sur les secteurs d'activité offrant la plus forte valeur ajoutée. C'est la règle, je le sais. C'est pour cette raison justement qu'il convenait de ne pas la changer.

Soyons clairs, monsieur le ministre, car, lorsque vous étiez député, vous étiez membre de l'association nationale des élus de la montagne, …

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