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Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 17 décembre 2009 à 9h30
La poste et les activités postales — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Si ces deux raisons ne sont pas les vraies raisons du changement de statut, la seule qui ait un sens est celle que certains d'entre vous – peut-être pas vous, monsieur le ministre, qui êtes sûrement de bonne foi –, doivent avoir en tête, c'est-à-dire une ouverture du capital, qui conduira tôt ou tard à une privatisation.

Vous le contestez, mais nous avons des exemples de propos similaires, qui ne remontent pas à un passé très lointain : un ministre des finances expliquait, en 2004, que GDF ne serait jamais privatisée, ce qui s'est produit quelques années plus tard. Ce ministre des finances, comme vous le savez, c'est l'actuel Président de la République.

Il serait temps qu'en Europe on réfléchisse sérieusement à la dérégulation à laquelle on a procédé dans tous les secteurs. Dans certains secteurs, cela avait un sens, notamment dans ceux qui ont connu une révolution technologique. Dans celui des télécommunications, par exemple, il faut, effectivement, assurer les missions de service public d'une autre façon, parce qu'il est devenu concurrentiel, avec un certain nombre d'opérateurs européens. Les missions de service public doivent être organisées, au sein de ces opérateurs, avec un régulateur.

Mais est-ce le cas dans les autres secteurs ? Je me souviens, par exemple, des cours de Marcel Boiteux expliquant que l'électricité était un monopole naturel. Est-ce que cela a changé, aujourd'hui ? Non, il en va toujours ainsi. Y avait-il un sens à changer les règles dans le secteur de l'électricité ? Pas du tout. Il a fallu inventer une concurrence fictive entre des consommateurs à un endroit, des producteurs à un autre, comme si les électrons pouvaient passer d'un producteur bien déterminé à un consommateur bien déterminé… Pour introduire la concurrence dans ce secteur, avec cette idée folle qu'il fallait le faire partout, l'Europe a trouvé le moyen d'inventer des marchés fictifs !

Il faut s'arrêter une seconde sur ces marchés fictifs, qui ne correspondent à aucune réalité technologique. Les marchés fictifs, c'est aussi, en grande partie, ce que la finance n'a cessé d'inventer depuis la libéralisation d'il y a une vingtaine d'années ; et c'est aussi ce qui a conduit l'économie mondiale à la crise.

Alors, arrêtons ! Revenons au bon sens, y compris économique ! Dans le secteur de la poste, comme dans celui de l'électricité et dans beaucoup d'autres, il n'y a aucune raison de changer fondamentalement la façon dont sont assurées les missions de service public.

Et puis, puisque vous faites souvent appel à des économistes comme Joseph Stiglitz ou Amartya Sen, puisque le Président de la République les consulte pour parler du bien-être, il devrait aussi les consulter sur leur conception du service public. Joseph Stiglitz a écrit des textes tout à fait passionnants, montrant que, finalement, le modèle français de service public était peut-être beaucoup plus efficace…

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