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Intervention de Gérard Bapt

Réunion du 17 décembre 2009 à 9h30
La poste et les activités postales — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Bapt :

C' est mesquin. Je disais donc qu'il n'est pas un exemple d'établissement public transformé en société anonyme qui n'ait été conduit à terme à une banalisation et à une privatisation de sa gestion, c'est-à-dire à la disparition de ses missions publiques, quand ce n'est pas à sa disparition tout court, y compris en gardant parfois des actionnaires majoritairement publics – je citerai TDF, la CNP, la CAECL devenue CLF-DEXIA.

Vous affirmez, monsieur le ministre, avec la direction de La Poste, que les textes applicables interdisent à la Caisse des dépôts de souscrire à une augmentation de capital d'un établissement public et qu'il est donc nécessaire de modifier le statut de La Poste pour lui permettre de réaliser celle-ci. Ainsi, ce serait uniquement le projet de participation de la CDC au capital de la Poste qui justifierait sa transformation en société anonyme.

C'est en vérité exactement le contraire. La Caisse des dépôts, établissement public autonome du Gouvernement et, pour ce faire, placé sous le contrôle du Parlement, est notamment un investisseur d'intérêt général et de long terme qui, à l'appui d'un mandat public, peut investir pour renforcer les fonds propres ou soutenir les projets d'investissement d'une autre personne morale de droit public. Sans revenir à l'exemple de la CNP, de la CAECL ou d'EDF avant qu'elles ne soient transformées en SA, prenons l'exemple plus récent d'OSEO, EPIC agissant dans un champ hautement concurrentiel, qui regroupe la BDPME, l'ANVAR et la SOFARIS et que la CDC finance à plus de 40 %. Autre exemple, l'agence nationale de la rénovation urbaine, EPIC fortement financé par la Caisse des dépôts et d'autres opérateurs publics. Rien dans le droit interne ou dans le droit communautaire, rien non plus dans la « Doctrine d'investissement de la Caisse des dépôts » publiée en décembre 2008 après la promulgation de la loi LME, n'interdit à la Caisse d'investir dans un établissement public.

Il est même précisé en page 11 de cette « doctrine » que, « de par son positionnement historique, sa neutralité et son expérience au service de l'intérêt général, la Caisse des dépôts joue son rôle de tiers de confiance au service des acteurs publics et du développement local… Ces caractéristiques, associées à sa capacité d'investissement permettent de répondre de manière originale au financement de certains besoins collectifs ».

Il en va, au contraire, tout autrement quand la Caisse des dépôts intervient en qualité d'actionnaire dans un cadre de société anonyme banalisée.

Partenaire de !a Poste depuis plus d'un siècle, dans une logique de complémentarité de missions publiques, qu'il s'agisse de l'aménagement du territoire, de la lutte contre l'exclusion bancaire, de la collecte et de la centralisation de l'épargne populaire, la CDC pourrait parfaitement, dans le cadre d'un mandat public, investir dans le renforcement et la modernisation nécessaires des moyens de l'établissement public La Poste.

Vous prétendez que les missions publiques, les emplois, ne peuvent être menacés puisque les seuls actionnaires sont 100 % publics. Vous vous êtes même engagé personnellement, monsieur le ministre, à ce qu'un amendement interdise tout autre investisseur que la CDC. Mais il s'agit là d'une fausse garantie qui ne saurait durer éternellement.

Tout d'abord, bien sûr, parce que ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire, mais surtout parce que la qualité publique d'un actionnaire, qu'il s'agisse de l'État ou de la Caisse des dépôts, dès lors qu'il agit dans le cadre "banalisé" du capital d'une société anonyme soumise au code du commerce, n'induit pas un comportement fondamentalement différent de celui d'un actionnaire privé. Il en est ainsi de l'ensemble des filiales "concurrentielles" de la CDC à capitaux majoritairement ou totalement publics : ICADE – détenue à 60 % par la CDC –, qui fut un temps le premier bailleur social français et qui aujourd'hui cède la plupart de ses activités de services – 1500 salariés – et la totalité de son patrimoine de logements à vocation sociale – 500 salariés concernés – ou encore TRANSDEV, troisième réseau européen de transport en commun – détenu à 70 % par la CDC, plus de 40 000 salariés en Europe – que la CDC s'apprête à céder à son concurrent Veolia. Faut-il citer l'exemple du fonds stratégique d'investissement – FSI –, société anonyme détenue à 51 % par la CDC et à 49 % par l'État, dont la gouvernance est dominée par des grands patrons issus du privé et dont les premières actions d'investissement sont plus inspirées par des logiques d'allégeance aux marchés que par la défense de l'emploi industriel ? Citons les exemples de Valeo et de Trèves, ou encore le fonds de modernisation de l'industrie automobile, dont je vous avais parlé en particulier et qui a abandonné, avant votre arrivée, le site Molex de Villemur sur Tarn à ce prédateur américain en même temps que démarrait un plan social. Lorsqu'elle agit en investisseur privé, la Caisse des dépôts exige un rendement de ses actifs à peine inférieur à celui fixé par les autres investisseurs.

On peut lire, à la page 7 de la « Doctrine d'investissement de la Caisse des dépôts », que la CDC peut attendre un retour financier significatif de participations substantielles dans de grandes entreprises françaises dont la rentabilité est indexée sur la croissance mondiale.

On voit mal comment la Caisse, dès lors qu'elle investirait dans le capital d'une société anonyme, pourrait se voir interdire durablement la possibilité de céder tout ou partie de sa participation au capital de La Poste.

Voilà pourquoi votre engagement vaut peut-être pour la participation de l'État – je vous donne acte de votre bonne foi, monsieur le ministre – mais rien n'empêchera demain la Caisse des dépôts de céder ses participations au secteur privé. Voilà pourquoi nous dénonçons la privatisation comme un danger bien réel. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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