Force est de constater que, pour le moment, rien n'est éclairci.
Concernant la justification de ce texte, vous maintenez que ce changement de statut est l'unique moyen d'injecter 2,7 milliards d'euros dans l'entreprise, car il permet d'écarter toute accusation de favoritisme par rapport aux autres entreprises de transport et de distribution de courrier et colis.
Cet argument demeure particulièrement discutable. Avec des missions de service public comme l'aménagement du territoire et le service universel, sans oublier un engagement sur l'acheminement de la presse – le tout étant extrêmement coûteux pour l'entreprise –, la situation de La Poste et de ses services est singulière. En cela, tout apport de capitaux supplémentaires ne saurait être vu comme du favoritisme, mais bel et bien comme une compensation pour des services qui deviennent sans cesse plus onéreux.
Un autre point concerne l'argument, que vous ne cessez d'utiliser pour tenter de museler l'opposition – ce que vous n'arrivez pas à faire, fort heureusement ! –, des privatisations passées et en particulier de celle de France Télécom.
D'abord, il me semble bon de rappeler la parenté de destin entre les deux entreprises et les craintes légitimes que la situation actuelle de France Télécom peut faire naître pour l'avenir de La Poste et de ses salariés.
Ensuite, je souhaiterais revenir sur la privatisation de France Télécom et sur le rôle des uns et des autres. Comme le rappelait notre brillant collègue Jean Gaubert, nous ne sommes pas fiers du maintien de la procédure de changement de statut par le gouvernement Jospin en 1997. Néanmoins, il ne faut pas oublier qui avait eu cette volonté et qui avait ordonné sa mise en oeuvre. C'était bien Alain Juppé et son ministre des postes de l'époque, un certain François Fillon !
Et, si nous allons plus loin, la privatisation est, elle, bien survenue en 2003, encore une fois sous un gouvernement de droite, avec comme Premier ministre M. Raffarin et comme ministre M. Francis Mer. Votre argument de la gauche qui privatise est donc loin d'être honnête intellectuellement. Une fois vos arguments mis de côté, que reste-t-il ? Des craintes et des bonnes paroles.
Les craintes, nous les connaissons tous. Parmi elles figure celle de vous voir utiliser ce changement de statut pour préparer en douceur une privatisation en bonne et due forme, avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer en termes de management et de qualité de service.
Du côté des paroles, monsieur le ministre, tous les néologismes du monde ne pourront jamais nous faire oublier les engagements rassurants et similaires pris dans le passé et qui ont abouti, in fine,à faire exactement le contraire. Comment vous faire confiance aujourd'hui, alors que vous n'avez cessé, par le passé, de fouler aux pieds vos engagements ?
Prenons l'exemple du personnel. Le texte que vous nous présentez borde juridiquement les problématiques de personnel, comme ce fut le cas, en son temps, avec celui de France Télécom. On sait ce qu'il en est advenu !
Il reste néanmoins le problème des fonctionnaires reclassés. Le Sénat semble avoir trouvé pour eux une solution, mais elle ne vous satisfait pas. Toutefois, les craintes les plus importantes ne résident pas dans l'aspect juridique du statut des fonctionnaires ; elles tiennent dans la montée en puissance des contrats de droit privé et, surtout, dans la politique managériale qui sera menée dans le futur. On sait ce qu'il en est à France Télécom !
Comment pourrait-on vous croire et pourquoi le ferait-on ? La Poste est un sujet bien trop important ; les enjeux sont bien trop nombreux. L'aménagement du territoire, l'acheminement du courrier et de la presse : tout cela ne peut supporter la moindre omission, le moindre objectif caché.
Demain, nous risquons de voir s'amplifier le mouvement, notamment en milieu rural, et se multiplier les « points de contact », aux contours si flous aujourd'hui. Or – j'en veux pour preuve mon département, la Haute-Garonne –, les réalités territoriales peuvent être particulièrement différentes, de même que les enjeux économiques. Qu'en sera-t-il du bureau de poste ou du point de contact au fin fond d'une vallée des Pyrénées, avec une population vieillissante et donc moins mobile ?
À cet égard, je voudrais m'arrêter un instant sur cette catégorie de population, monsieur le ministre. On voit le peu de cas que vous faites de nos aînés et le cynisme dont vous témoignez en faisant payer des franchises médicales aux bénéficiaires de petites pensions de retraites. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)