Ce processus, démarré dans le courant des années 90, se fonde sur la conviction que le démantèlement des monopoles d'État sur les postes et télécommunications serait un moyen de rendre ces services moins chers, plus rapides, plus efficaces et plus innovants pour un usager transformé dans le même temps en consommateur. Rien n'est moins sûr.
Il ne nous appartient pas aujourd'hui de juger de la pertinence de ce postulat. Précisons toutefois que la question de savoir laquelle des configurations de marché – monopolistique ou concurrentielle – présente les plus grands avantages n'est pas définitivement tranchée.
Ce qui doit nous préoccuper c'est de répondre par des mesures concrètes aux inquiétudes légitimes que ce mouvement de libéralisation suscite parmi les personnels de La Poste comme chez l'ensemble de nos concitoyens. Les 2,5 millions de votants qui ont exprimé leur refus du changement de statut de La Poste lors de la consultation organisée le 3 octobre dernier montrent l'ampleur des inquiétudes que soulève cette transformation.
Cette importante mobilisation, que vous semblez nier, ainsi que les résultats convergents de toutes les enquêtes d'opinion conduites sur ce sujet expriment avec force les craintes de nos compatriotes. Si la sensibilité est grande en la matière, c'est que La Poste fait indéniablement partie de notre identité nationale. La simple évocation de son nom nous renvoie à des représentations fortes, porteuses de valeurs qui nous sont communes. Celle de la tournée quotidienne du facteur permettant à la fois de distribuer le courrier et de prendre des nouvelles, exprime notre désir de lien social et de solidarité. Celle des 17 000 bureaux de postes présents dans nos communes symbolise la cohésion entre nos territoires. Toucher à La Poste, c'est poser la question de l'avenir de ce service public et de son inscription dans la proximité.
Ce constat dressé, l'attachement quasi viscéral des Français à La Poste est paradoxalement à la mesure de l'insatisfaction qui peut parfois exister à l'égard du service effectivement rendu. Si le facteur conserve une image très positive dans l'opinion, celle des bureaux de poste reste plus mitigée : ils sont, trop souvent encore, mal installés n'ayant pas subi à temps le lifting de leur enseigne.
Sans trop forcer le trait, le point de vue général est que La Poste peine à se moderniser pour devenir un service public dynamique, attentif et adapté aux besoins des usagers. Étonnant si l'on considère la volonté de rénovation affichée par la hiérarchie et les plans de restructuration qui en découlent depuis plusieurs années déjà. Cette situation s'explique en fait par les tensions, et donc les échecs, d'un mouvement de modernisation accompli contre les personnels et sans véritable concertation avec les usagers.
Là comme ailleurs, il faut incriminer une approche comptable dogmatique, préférant à la notion de service du public, celle de service minimum. En chiffres, cette approche se traduira par 11 000 suppressions d'emploi pour l'année 2009 et par la disparition de très nombreux bureaux de poste.