Ce projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales vise à ouvrir le capital de cette dernière pour pallier l'insuffisance des capitaux nécessaires à la croissance de ce groupe.
À compter du 1er janvier 2010, il transforme La Poste en société anonyme. Pour l'instant – j'insiste sur ce « pour l'instant » –, son capital demeure public. Il est détenu à la fois par l'État et toute autre personne morale de droit public.
Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse concernant la date d'entrée en vigueur de ce texte. Je me joins à la demande formulée avant-hier par notre collègue François Brottes, et renouvelée aujourd'hui, afin de connaître la nouvelle date prévue.
Monsieur le ministre, la nouvelle société créée par votre texte récupérera l'ensemble des biens, droits et obligations de l'exploitant public. Elle sera soumise, pour l'avenir, au droit commun des sociétés anonymes. Vous prévoyez un transfert des droits de propriété d'un EPIC à une société dont le capital social pourra être fractionné en actions détenues par différents propriétaires. Ces dernières pourront ultérieurement être introduites en bourse, ce qui, indubitablement, se fera.
Notre collègue, Henri Jibrayel, que je salue, a fait, la nuit dernière, un excellent historique de La Poste. Je me contenterai donc d'apporter quelques compléments, autant que faire se peut.
La Poste assure, avec ses différents points, la collecte et la distribution de courriers et de colis, partout sur notre territoire, tant en milieu urbain que rural. Pour cela, elle dispose du premier parc roulant en France, et c'est bien ce dernier qui lui permet de délivrer un courrier le lendemain de son envoi.
Dans mon département de Dordogne, 92 % du Périgord vert est couvert grâce à quatre-vingt-dix-neuf points de contact. Si l'on y regarde de plus près, on constate que quarante-trois de ces points de contact sont des agences postales communales, et six des relais poste commerçants. Ce mode d'organisation n'est pas sans risques : il a pour conséquence la dispersion sur le terrain, qui génère une cristallisation des tensions au niveau local et une dégradation des relations.
Plusieurs opérations symboliques se sont déroulées en Périgord vert pour protester contre les projets de restructuration ou de fermeture des bureaux. En effet, la direction de La Poste a demandé à plusieurs communes d'accepter la transformation de bureaux de poste en simple agence ou en point postal, sous peine de fermeture. Elle a annoncé le diminution des horaires d'ouverture pour de nombreuses communes de ma circonscription, alors que La Poste est, avec l'école, le dernier service public présent.
L'un de nos collègues du groupe de l'UMP a expliqué que les incessantes modifications des horaires d'un bureau de poste avaient eu pour effet de décourager les usagers de s'y rendre. Face à une telle situation, les élus, dans l'impossibilité d'assurer leur obligation de bonne gestion, sont contraints de renoncer à leur bureau de poste et finissent par le fermer. C'est ainsi, monsieur le ministre, que l'on démantèle les services publics sur le terrain.
La Poste assure également, à travers la Banque Postale, un service financier représentant en moyenne plus des deux tiers de l'activité d'un bureau de poste. Je me joins d'ailleurs à notre collègue Jean Gaubert, qui a exprimé des inquiétudes quant au statut particulier de La Poste. Qu'en sera-t-il de la distribution de crédits à la consommation ?
Vous insistiez avant-hier, monsieur le ministre, sur le caractère « imprivatisable » de La Poste. Ne nous tenez pas rigueur si nous ne vous croyons pas : comme le dit l'adage, les promesses n'engagent que ceux qui y croient ! Vous avez vous-même reconnu hier, lors de votre intervention, que ce qu'une loi fait, une autre loi peut le défaire, et nous avons tous en mémoire les propos de M. Sarkozy sur GDF.
L'ajout que vous nous proposez n'apporte aucune sécurité juridique supplémentaire sur l'avenir de La Poste dans le secteur public. Il n'est, par ailleurs, précisé nulle part dans le texte que le capital de La Poste demeurera public à 100 % ; il est simplement prévu que « les personnels de la Poste et de ses filiales ainsi que leurs ayants droit ne peuvent détenir qu'une part minoritaire de La Poste » – le niveau de participation n'étant pas précisé.
Je tiens également à rappeler le changement de tactique du Gouvernement à ce sujet. Peu avant la crise financière, il était encore question d'ouvrir le capital de La Poste. Vous êtes revenus sur votre choix après avoir constaté par vous-mêmes les limites du système que vous défendez. Vous indiquez vouloir faire cela pour les Françaises et les Français, alors que vous ne prenez pas la peine d'écouter les près de deux millions de nos concitoyens qui se sont exprimés à l'occasion du référendum. Vous n'avez pas non plus pris la peine d'organiser une consultation pour recueillir l'opinion des Français. Ils auraient éventuellement pu vous conforter dans votre position, mais vous avez craint d'être désavoués.
Cela est d'autant plus vrai que vous reconnaissez, monsieur le ministre, que la directive européenne n'impose pas le changement de statut au moment de la transposition de celle-ci. À ce sujet, permettez-moi de faire un retour en arrière : la directive 9767CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 fixe des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service.
Cette première directive postale européenne constitue aujourd'hui encore, bien que largement modifiée depuis son adoption, le cadre réglementaire de référence au niveau communautaire, en définissant notamment les caractéristiques minimales du service universel que doit garantir chaque État membre sur son territoire, ainsi que les obligations qui en découlent et les limites communes pour les services pouvant être réservés dans chaque État membre aux prestataires du service universel.
La directive 200239CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 poursuit l'ouverture à la concurrence des services costaux de la Communauté. Le Gouvernement de Lionel Jospin s'était battu, lors des négociations, pour le maintien d'un secteur réservé et contre une libéralisation automatique et intégrale du marché – et avait obtenu gain de cause.
Enfin, malgré le combat livré par la délégation socialiste française au sein du Parlement européen pour le maintien d'un domaine réservé, la directive 20086CE et du conseil du 20 février 2008 a achevé la mise en place du marché intérieur des services postaux de la Communauté. La libéralisation totale a été validée et est prévue pour 2011. Je précise, pour information, que l'UMP ne s'est jamais battue pour défendre le service universel postal.
Avant-hier, monsieur le ministre, vous prétendiez que nous voulions avant tout que rien ne change. Au contraire, nous aspirons tout autant que vous à une Poste efficace et fournissant des prestations de qualité. Cependant, nous ne voulons pas faire cela à la va-vite.