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Intervention de Jacqueline Maquet

Réunion du 17 décembre 2009 à 9h30
La poste et les activités postales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Maquet :

La Ch'ti que je suis voudrait commencer son intervention par un clin d'oeil. En effet, si le film, désormais culte, Bienvenue chez les Ch'tis, a connu un immense succès, cela est évidemment lié à la culture des Ch'tis, mais aussi à l'attachement des Français à leurs facteurs et aux postiers.

Alors qu'au début de l'année, le Président de la République renonçait à la privatisation de La Poste et à son changement de statut, aujourd'hui, le projet de loi modifiant le statut de La Poste revient sur le tapis à l'Assemblée, après avoir été débattu en urgence au Sénat.

Que d'incompréhension pour l'ensemble de nos concitoyens très attachés au service public de La Poste ! La très forte mobilisation citoyenne du mois dernier pour sauver le service public postal en atteste. Dans nos communes, plus de deux millions de personnes ont participé à cette mobilisation citoyenne, et 90 % des votants se sont exprimés contre le projet de changement de statut et la transformation de l'établissement public en société anonyme.

Leurs craintes sont tout à fait justifiées. En effet, la transposition de la directive européenne qui ouvre totalement le marché des services postaux va à l'encontre de la définition du service public national. L'arrivée de nouveaux opérateurs brisera immanquablement le monopole évoqué au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.

Par ailleurs, ce projet de transformation de La Poste en société anonyme à capitaux publics risque de mettre à mal ce service public sur l'ensemble du territoire. Car même si le principe de service public national est inscrit dans la loi, rien n'empêchera le Gouvernement de déposer, dans un futur proche ou lointain, un nouveau projet de loi pour revenir sur ce principe. On observe d'ailleurs aujourd'hui des mouvements de rapprochement avec certaines banques, qui accréditent fortement cette thèse.

Monsieur le ministre, vous promettez le maintien des quatre missions de service public, au premier rang desquelles se trouve le service universel postal qui recouvre le tri, l'acheminement et la distribution des envois postaux.

Ce service universel concourt à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire. Il est assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale. Il garantit à tous les usagers, de manière permanente, et sur l'ensemble du territoire national, des services postaux répondant à des normes de qualité déterminées et offertes à des prix abordables pour tous les utilisateurs. Les services de levée et de distribution relevant du service universel postal sont assurés tous les jours ouvrables

Au service universel postal s'ajoutent trois autres missions de service public : l'aménagement et le développement du territoire, le transport et la distribution de la presse, et l'accessibilité bancaire, notamment avec le livret A. Ces quatre missions sont indispensables au respect du principe d'égalité des Français devant les services publics : elles ne doivent en aucun cas être démantelées. La Poste constitue aujourd'hui le dernier rempart du service public.

Vous prétendez que La Poste restera à 100 % publique, malgré le changement de statut. Pourtant, les expériences du passé, avec EDF et France Télécom, nous disent tout le contraire ; elles légitiment totalement l'inquiétude qui s'est manifestée pour l'avenir de La Poste.

L'hostilité de l'ensemble des syndicats à l'égard du projet de loi, et les craintes relatives au risque d'introduction en bourse du capital de la Poste et de privatisation de cette dernière, exprimées par de nombreuses associations, sont justifiées.

Que d'incompréhension de nos concitoyens et des élus de terrains ! C'est que ni les directives ni les normes communautaires ne comportent d'obligations juridiques concernant le statut des opérateurs ou leur privatisation. Cette décision est du seul ressort des États membres. Quant aux considérations financières, elles ne sont pas plus valables.

Alors, pourquoi cet acharnement à vouloir changer de statut ? Peut-être est-ce pour pouvoir, à moyen terme, privatiser La Poste ?

L'ouverture de capital de La Banque postale risque de faire éclater l'unité du groupe. Elle compromet, de fait, son développement en le privant des bénéfices non négligeables générés par les activités bancaires, ce qui condamne La Poste à dépérir.

Je souhaite revenir sur la présence postale sur le territoire.

Qui pourra à l'avenir assurer aux Français que le prix du timbre sera le même dans toute la France ? Qui pourra garantir que le courrier sera toujours distribué partout, et aux mêmes fréquences qu'aujourd'hui, même si cela est peu rentable ? Qui pourra assurer aux foyers modestes une accessibilité bancaire ?

La loi de 2005 interdisait que plus de 10 % de la population d'un département se trouve éloignée de plus de cinq kilomètres et de plus de vingt minutes en automobile des plus proches points de contact de La Poste. Votre nouvelle rédaction prévoit de compléter ce critère de proximité et de fixer dans la loi le nombre de points de contacts à 17 000.

Cette rédaction n'apporte toutefois aucune assurance sur la qualité de la présence postale, car ces points de contact regroupent les bureaux de plein exercice, les agences postales communales et les relais commerçants. En conséquence, les inégalités s'accentueront sur le territoire entre les zones rurales, les zones urbaines sensibles et les grosses communes.

Le facteur, dont le rôle est plus que nécessaire dans nos campagnes, ne risque-t-il pas de disparaître faute de rentabilité ? Pourtant, il a non seulement pour mission la distribution du courrier au quotidien, mais il permet également de maintenir du lien social, notamment pour des personnes âgées qui ont du mal à se déplacer et qui sont parfois seules, sans personne à qui parler. Dans les zones rurales, le facteur aide les personnes isolées : il leur parle, il leur rend de petits services afin d'améliorer leur quotidien. Sa présence est indispensable !

Dans ma circonscription – je pense que je ne suis pas la seule concernée, mes collègues ont évoqué le sujet à maintes reprises –, les horaires d'ouverture d'une vingtaine de bureaux de poste situés en zone rurale ont été revus à la baisse ces derniers mois, en plein débat sur La Poste. Désormais, ils ne sont ouverts que quelques heures dans la journée : il s'agit bien d'une attaque contre le service public de la poste, ce qui n'est pas admissible. Cela l'est d'autant moins que l'État se désengage en transférant de nouvelles charges aux collectivités locales pour que ces bureaux de postes restent ouverts. Des maires mettent ainsi à dispositions des agents municipaux pour tenir un bureau de poste, ce qui a un coût.

La Poste ne doit pas changer de statut. La Poste doit être un service postal rénové, modernisé et universel. Pourquoi faudrait-il privatiser La Poste ? Ne peut-on pas réformer, améliorer et moderniser les services dans le cadre de l'EPIC ?

Pour y parvenir, il est essentiel de le faire avec l'ensemble des acteurs, en menant un grand débat public précisant les objectifs et les missions de La Poste : égalité, tarif unique, sécurité, sûreté et confidentialité, refus de tout dumping social ou d'écrémage territorial.

Monsieur le ministre, il vous appartient d'engager ce large débat public et de le clôturer par un référendum. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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