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Intervention de Thierry Mariani

Réunion du 15 décembre 2009 à 16h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani, rapporteur :

Malgré les mesures d'harmonisation adoptées depuis dix ans, des différences fondamentales demeurent dans les décisions de reconnaissance ou de rejet de demandes d'asile présentées par des personnes venant d'un même pays. L'effort d'harmonisation doit impérativement être poursuivi. Chacun sait que, selon que l'on dépose une demande d'asile en France, en Italie ou en Grèce, les résultats sont radicalement différents.

La Commission européenne a présenté le 9 décembre 2008 trois propositions qui font l'objet du présent rapport : refonte de la directive sur les normes minimales d'accueil, refonte du règlement de Dublin et du règlement Eurodac. Le 10 septembre 2009, la Commission a également présenté une proposition fondée sur le troisième pilier tendant à permettre l'accès des services répressifs aux données contenues dans la base de données Eurodac. Elle sera également examinée dans le présent rapport.

La première proposition vise à assurer des normes de traitement plus élevées en termes de conditions d'accueil.

En premier lieu, elle s'appliquerait aux personnes demandant une protection subsidiaireet non plus aux seuls demandeurs d'asile. La France a déjà mis en pratique cette extension. La proposition étendrait également la notion de membre de la famille. En second lieu, elle vise à faciliter l'accès à l'emploi des demandeurs d'asile. La Commission européenne propose de prévoir que les demandeurs de protection internationale auront accès au marché du travail au plus tard six mois après le dépôt de leur demande, contre un an aujourd'hui. En troisième lieu, la proposition modifierait l'accès aux « conditions matérielles d'accueil ». Ces dernières devraient être alignées sur le montant de l'aide sociale octroyée dans l'Etat membre. En quatrième lieu, la proposition modifierait les conditions de mise en rétention. Le placement en rétention des mineurs non accompagnés serait interdit. La décision de placement devrait être réservée à l'autorité judiciaire, sauf cas d'urgence.

D'une manière générale, les ONG et associations compétentes en matière d'asile ont salué les objectifs portés par la Commission européenne. La proposition a suscité en revanche une vive opposition des Etats membres sur plusieurs points majeurs.

S'agissant de l'accès au marché du travail, les autorités françaises sont, en l'état actuel des négociations, réservées sur un abaissement du délai d'accès à six mois. Elles craignent en effet un impact sur la demande d'asile en renforçant l'attractivité du territoire. La question de l'interdiction de la mise en rétention des mineurs non accompagnés soulève des difficultés. Le projet impliquerait notamment d'admettre sur le territoire tout mineur demandant l'asile à la frontière. Il conviendra d'examiner dans quelle mesure une telle prescription est compatible avec la sécurité desdits mineurs non accompagnés.

J'estime notamment que des mesures qui pourraient avoir pour conséquence de renforcer l'attrait pour les Etats membres pour des motifs économiques et non pour un besoin de protection internationale, facilitation de l'accès au marché du travail, ne permettront pas d'améliorer les conditions d'accueil des personnes ayant besoin d'être protégées.

Le règlement dit de « Dublin II » établit les critères pour déterminer quel est l'Etat membre responsable d'une demande d'asile présentée par un ressortissant de pays tiers. La proposition qui refond le règlement vise à accroître l'efficacité du système, garantir des normes de protection plus élevées et mieux faire face aux situations d'urgence dans lesquelles les capacités d'accueil sont soumises à des pressions particulières.

Il est notamment proposé de mettre en oeuvre un mécanisme de suspension temporaire des transferts vers un Etat membre responsable d'une demande d'asile mais qui serait soumis à une situation d'urgence particulière. Cela vise à faire face, en partie, à la situation dramatique dans laquelle se trouvent les demandeurs d'asile arrivant en masse sur le territoire de l'Union par la Méditerranée et à la saturation des régimes d'asile dans les pays du Sud de l'Union, principalement à Malte, à Chypre, en Grèce et en Italie.

Les ONG et associations ont accueilli de manière mesurée la proposition de la Commission européenne, regrettant que le système de Dublin ne soit pas totalement remis en cause. De nombreux acteurs soulignent que le système de Dublin fait peser une trop lourde responsabilité sur les Etats membres aux frontières extérieures de l'Union.

D'une manière générale, si les autorités françaises saluent la volonté de résoudre les problèmes urgents auxquels doivent faire face les régimes d'asile de plusieurs Etats membres, elles estiment que la suspension du mécanisme de transfert n'est pas la voie la plus appropriée. Une aide par le bureau européen d'appui en matière d'asile serait notamment préférable.

Deux propositions relatives à Eurodac ont enfin été déposées. Une proposition d'ordre principalement technique propose de réviser le règlement Eurodac, pour le rendre plus efficace et plus protecteur des données.

La seconde proposition tend à permettre l'accès des services répressifs à Eurodac. La Commission européenne indique que l'accès, pour les services répressifs, aux bases de données des autres Etats membres contenant les empreintes digitales des demandeurs d'asile est problématique. Il n'existe aucun système unique accessible aux services répressifs et permettant de déterminer si un Etat membre dispose d'informations concernant un demandeur d'asile.

La décision dite de Prüm permet aux Etats membres d'avoir un accès automatisé, entre autres, au système automatisé d'identification par empreintes digitales national d'un autre Etat membre. Néanmoins, de nombreux Etats membres ne conservent pas de données relatives aux demandeurs d'asile dans leur système automatisé d'identification par empreintes digitales, qui répond à des objectifs de sécurité et non de traitement des demandes d'asile.

En outre, il convient de rappeler la jurisprudence du Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 avril 1997 qui avait censuré les possibilités d'accès, par les agents habilités des services du ministère de l'intérieur et de la gendarmerie nationale, aux données du fichier informatisé des empreintes digitales des demandeurs d'asile créé à l'époque à l'OFPRA.

Plusieurs limites encadreraient l'accès en question : finalité, lutte contre le terrorisme et les infractions graves ; autorités autorisées à effectuer une demande ; protection des données ; non communication à des pays tiers.

La proposition a reçu un accueil favorable des Etats membres, notamment de l'Allemagne et du Royaume-Uni. La délégation française l'a soutenue. Le contrôleur européen de la protection des données a émis un avis défavorable, tout comme les associations et le HCR.

J'estime qu'un accès des services répressifs pourrait être d'une réelle utilité et constituer une avancée pour les services, tout en étant suffisamment encadrée pour garantir le plein respect des droits des demandeurs d'asile. Cependant, des résultats complémentaires pourraient être fournis sur la situation des Etats membres dans lesquels les autorités répressives ont accès aux bases nationales des demandeurs d'asile. Le débat n'est probablement pas encore suffisamment abouti.

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