…, voire comme menant une croisade contre les moeurs et les traditions afghanes. Je suis donc cette fois d'accord, bien entendu, avec Jean Glavany : il faut le répéter inlassablement, notre présence n'a d'autre but que de permettre aux Afghans de prendre leur destin en main.
Je ne peux naturellement résumer en quelques mots la mosaïque afghane et pakistanaise. Rappelons tout de même que l'Afghanistan n'est pas, et ne sera pas avant très longtemps, un État-nation au sens occidental du terme. Il s'agit d'une addition de vallées, de tribus, de clans où l'intérêt de la famille, du clan, de la tribu passe évidemment avant l'intérêt national afghan. Quant au Pakistan, nous connaissons tous les ambiguïtés de son armée. Là encore, la France a raison de vouloir encourager le pouvoir civil à reprendre les rênes du pays et inciter l'armée à attaquer les intégristes pakistanais, mais aussi à mettre un terme à la présence des terroristes afghans sur son sol. Mais ce combat est extrêmement difficile.
Faudrait-il abandonner la lutte ? Faudrait-il renoncer ? Imaginons un instant les conséquences d'un retrait de la France et d'une défaite des alliés occidentaux. Cela reviendrait tout d'abord à abandonner le peuple afghan à un triste sort, au retour pur et simple de la barbarie que le pays a hélas déjà connue. Aujourd'hui, les talibans essaient d'empêcher les filles d'aller à l'école, y compris en leur jetant de l'acide ou en assassinant les courageux parents qui continuent de les y envoyer, et ils n'hésitent pas à tenter d'empêcher la tenue d'élections libres. Ne l'oublions pas.
Mais surtout, abandonner reviendrait à faire de cette zone ô combien stratégique un arc de crise, ce qui pourrait entraîner des conséquences redoutables pour le Pakistan, puissance nucléaire.
Enfin, on adresserait ainsi un message très significatif à tous les fanatiques qui défigurent l'islam et partent en croisade contre les valeurs occidentales.
Mes chers collègues, songeons un instant à ces conséquences avant de décider hâtivement de jeter le manche.
Un mot enfin sur la contribution que doit à mon sens apporter la France, compte tenu de cette nouvelle donne. Rendons d'abord hommage à nos soldats, bien entendu, ainsi qu'à nos diplomates et à toutes les associations humanitaires, notamment aux médecins qui aident le peuple afghan au risque de leur vie, avec un désintéressement absolu.
À mes yeux, la France peut jouer un rôle déterminant dans deux domaines. D'une part, le vieil État que nous constituons, doté d'une culture de l'État, peut mieux que d'autres aider les Afghans à consolider leur propre État, si fragile. Il faut donc continuer d'investir massivement dans la formation des juges, des policiers, des soldats, naturellement, et aussi des gouverneurs, en s'inspirant par exemple du modèle de nos préfets. En outre, le développement agricole, qui suppose de combattre la corruption, ou la lutte contre la drogue supposent un État intègre. La France peut faire beaucoup en ce sens.
D'autre part, monsieur le ministre – c'est l'une des suggestions de notre rapport –, il faut reprendre le flambeau d'une conférence régionale réunissant tous les voisins de l'Afghanistan : la Chine, l'Inde, la Russie, le Pakistan et l'Iran. Cette conférence devrait permettre à toutes les grandes puissances régionales, dont quatre nucléaires, de délivrer un mandat permettant de garantir l'indépendance et la neutralité de l'Afghanistan et de définir les conditions possibles d'un retrait des troupes occidentales. Car, sans l'implication des puissances régionales, l'Afghanistan, otage de ces grands États, n'a aucune chance de retrouver la paix.
Enfin, je ne veux pas me dérober à la question, soulevée par nos alliés américains, de la demande de renfort. Ce sera ma conclusion, monsieur le président.
Le Président de la République a eu raison de renvoyer à la conférence de Londres, qui se tiendra à l'initiative conjointe de la France, de l'Allemagne et de l'Angleterre, cette décision, laquelle doit en effet être européenne, afin que l'Europe soit plus visible en Afghanistan. Pour ma part,…