Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Daniel Paul

Réunion du 15 décembre 2009 à 15h00
La poste et les activités postales — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

Mais nous sommes devant une situation inédite : en guise de primes annuelles, votre employeur vous offre des actions. Or ces actions augmentent évidemment quand on supprime des emplois !

Outre que nous nous opposons au dispositif d'intéressement des personnels de La Poste, il nous faut évoquer cette noble et particulière générosité envers ceux qui ont fait de La Poste ce qu'elle est aujourd'hui. Sans doute, à moyen terme, les dividendes augmenteront pour tous ceux qui survivront à la suppression des 90 000 emplois en trop qui existent à La Poste, selon des annonces récentes de sa direction. Suppression programmée qui s'ajoute aux antérieures, car les effectifs de La Poste sont passés de 323 375 agents en 2002 à 272 077 en 2008, soit une baisse de 16 %.

Le processus est donc déjà engagé, mais le projet de loi, dont l'objectif est de préparer la privatisation du groupe, va encore accentuer cette précarité. On a vu quelles pouvaient être les conséquences humaines de ces méthodes : ce sont celles qui produisent de si brillants résultats chez France Télécom, et qui sont aujourd'hui justement dénoncées. Pourtant, elles sont progressivement mises en oeuvre aussi à La Poste, notamment à travers la dénaturation des missions des fonctionnaires, à qui l'on demande, avant même de répondre à leur mission de service public, de vendre quatre ou cinq produits commerciaux par jour aux usagers.

Les personnels sont déjà sous pression, car 51 298 emplois ont été supprimés depuis 2002 au sein du groupe La Poste. Ils le seront d'autant plus lors du basculement du statut d'EPIC vers celui de SA, sur le plan social, de leurs statuts, sur le plan financier, avec la mise en oeuvre de l'évaluation financière de La Poste.

Monsieur le ministre a-t-on évalué, aujourd'hui, la valeur de La Poste ? Des chiffres très différents circulent. Nous souhaiterions que vous nous indiquiez l'évaluation de l'entreprise publique réalisée par vos services. Il me paraît normal, puisque vous allez la transformer en société anonyme, de connaître sa valeur.

Le basculement vers le droit commun des sociétés anonymes annonce l'extinction progressive des emplois de fonctionnaires. Or la cohabitation des fonctionnaires avec les contractuels soulève un certain nombre d'interrogations, dans la mesure où les contractuels devraient être régis par les conventions collectives.

La coexistence de plusieurs régimes de conventions collectives, qu'il s'agisse de celle de La Poste, de celle de la Banque postale, plus avantageuse, ou de celle des concurrents potentiels du fait de l'absence d'une convention commune pour les activités postales, risque de susciter de nombreuses inégalités entre les salariés. Cette hétérogénéité est la conséquence de choix délibérés des pouvoirs publics et des dirigeants de La Poste : aller lentement mais sûrement vers des sociétés commerciales éclatées.

De plus, le partage des eaux prévu entre l'IRCANTEC et l'AGIRC-ARRCO met gravement en péril le régime de l'IRCANTEC et de ses ayants-droit. Le basculement des agents contractuels dans le régime de droit commun engendrerait une majoration moyenne de 16 % à 26 % des cotisations et une diminution d'au moins 13 % des retraites.

Aujourd'hui, La Poste compte encore, mais plus pour longtemps, des agents fonctionnaires. Ceux qui, en 1993, ont fait le choix de demeurer fonctionnaires en paient tous les jours le prix, notamment dans leur carrière, qui, pour certains, est entièrement bloquée depuis plus de seize ans. Ces agents sont, selon la terminologie officielle, des « reclassifiés ». Ils ne sont plus tout à fait des fonctionnaires, ils sont plutôt fonctionnaires uniquement attachés à cette entreprise. La commission des affaires économiques, sans doute émue de cette situation, a supprimé – à votre initiative, monsieur le ministre, et avec l'accord explicite et exprimé du rapporteur – l'article 7 bis introduit par le Sénat, qui leur rendait enfin justice en application d'une décision juridictionnelle.

Certains salariés ayant choisi de devenir des salariés de droit privé ont été « reclassifiés ». D'autres, enfin, ont été directement engagés comme contractuels de droit privé. Les salariés de ces deux dernières catégories ne sont pas tout à fait des salariés de droit privé, car ils n'en ont pas tous les droits : pas de représentants du personnel, pas de comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, de CHSCT.

Le passage de La Poste en société anonyme ne fera qu'aggraver ces inégalités. On ajoutera un étage supplémentaire au sommet de cet escalier juridique. Le pouvoir de délégation et de subdélégation accordé au président de La Poste en est un très bon exemple. N'oublions pas que, sur le papier, La Poste peut encore recruter des fonctionnaires. Aussi, de délégation en délégation, un simple responsable d'unité, salarié de droit privé, va se voir accorder le droit, le pouvoir de nommer des fonctionnaires et d'accorder primes et indemnités.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion