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Intervention de Jean-Paul Chanteguet

Réunion du 6 novembre 2008 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2009 — Écologie développement et aménagement durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Chanteguet :

Devant vous, monsieur le ministre d'État, je veux dire notre satisfaction de voir pris en compte, dès ce budget pour 2009, plusieurs engagements du Grenelle de l'environnement. C'est le cas de l'engagement 79, qui prévoyait la création d'un observatoire de la biodiversité, auquel 800 000 euros seront consacrés. Conformément à l'engagement 177, des plans d'action locaux seront élaborés pour la biodiversité outre-mer, pour lesquels 930 000 euros seront mobilisés. Près de 3 millions viendront renforcer les collectivités d'outre-mer pour les mettre en oeuvre. Enfin, 2,54 millions d'euros sont prévus afin de doter, dans les cinq ans, un programme de suivi et d'information, voire de conservation et de restauration des 131 espèces de faune et de flore menacées. Conformément à l'engagement 177, les moyens des gestionnaires de réserves d'outre-mer seront renforcés, et le rythme de création des réserves sera doublé. On en prévoit huit en 2009, pour que leur surface atteignent dans dix ans, comme le prévoit l'engagement 74, l'équivalent de 2 % du territoire métropolitain. Il s'agit d'une mesure de protection forte.

La mise en place du nouvel outil d'aménagement du territoire qu'est la trame verte et bleue, inscrite à l'article 21 du Grenelle 1, nous inquiète particulièrement. Les documents budgétaires précisent en effet que son élaboration et sa mise en oeuvre relèvent de la compétence des collectivités territoriales et non de l'État. N'est-ce pas surprenant, compte tenu des engagements pris par la France au niveau international pour respecter la convention sur la diversité biologique signée à Rio de Janeiro en 1992 ?

Je relève cependant avec intérêt que l'État ne se désengagera pas complètement, puisque sa contribution financière devrait concourir tant à la construction d'une cadre de référence national qu'à la mise en place de mesures incitatives pour la mobilisation des espaces nécessaires.

Mais il est impossible de savoir ce que représentent les « points biodiversité » ni ce qu'est une « agriculture haute qualité environnementale ». Je regrette également que vous n'ayez pas cru bon, lorsque de l'examen de l'article 21 du Grenelle 1, de préciser les fonctions de la trame verte et bleue, à l'occasion de la première inscription de ce nouveau concept dans la loi. Il aurait été plus clair de préciser qu'elle a pour fonction de diminuer la fragmentation et la vulnérabilité des habitats naturels et des habitats d'espèce, de relier les espaces importants pour la préservation de la biodiversité par des corridors écologiques, de développer le potentiel écologique des cours et des masses d'eau et de leurs abords, d'améliorer la qualité et la diversité des paysages, de permettre les migrations d'espèces sauvages, dans un contexte de changement climatique, et de faciliter les échanges génétiques nécessaires à la survie des espèces indigènes de la faune et de la flore sauvages.

Nous éprouvons malheureusement quelques regrets. Le texte ne contient rien sur la création de nouveaux parcs nationaux. Il ne prévoit aucune aide pour que les collectivités puissent acquérir quelque 20000 hectares de zones humides, aucun crédit pour financer les plans de lutte contre les espèces invasives terrestres et marines, pour prévenir leur installation et leur extension, et pour réduire leur impact négatif, aucune proposition relative à la création d'un réseau cohérent de conservatoires botaniques nationaux pour la flore et les habitats, ni aucun moyen supplémentaire destiné à la fondation scientifique pour la biodiversité.

Enfin, je voudrais plaider, comme l'ont fait les participants au Grenelle avec l'engagement 95, pour l'adoption d'une loi « mer ». La France dispose du deuxième domaine maritime au monde, et est le seul pays présent dans quatre océans ; elle a sous sa responsabilité la deuxième zone marine sous juridiction au monde et une zone économique exclusive de plus de onze millions de kilomètres carrés, pour l'essentiel outre-mer. C'est également grâce aux collectivités d'outre-mer que la France détient 55 000 kilomètres carrés de récifs coralliens, soit 10 % de l'ensemble des écosystèmes récifo-lagunaires, qui sont parmi les plus riches du monde. La « maritimisation » de l'économie, la surexploitation de la ressource halieutique, le prélèvement de sables et de graviers ainsi que des pollutions d'origine terrestre affectent les écosystèmes de notre domaine maritime et de nombreuses espèces. A l'exemple de la loi « littoral » de 1986 et de la loi Barnier sur le renforcement de la protection de la nature, il serait opportun de tenir compte de cette réalité et de faire adopter une loi sur la mer.

Monsieur le ministre, il est impossible de ne pas reconnaître que votre budget traduit certains engagements du Grenelle de l'environnement, impossible de ne pas reconnaître votre volonté de promouvoir une nouvelle croissance et de faire émerger une société du développement durable, impossible de ne pas reconnaître votre souci d'imposer de nouvelles règles et de nouveaux comportements. Mais nous ne pouvons nous empêcher de penser, compte tenu des contraintes financières qui s'imposent à vous, que ce budget est en trompe l'oeil. Il ne vous permettra pas, je le crains, d'atteindre les objectifs ambitieux que vous vous êtes fixés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est pourquoi le groupe socialiste ne vous suivra pas à l'occasion de ce vote.

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