Je reprends la discussion sur l'application du temps législatif programmé, là où le rapporteur l'a laissée avant la suspension de séance. Un exemple chiffré vous montrera combien la mise en oeuvre de l'article 26 sera matériellement difficile.
Imaginons que le temps global fixé par la conférence des présidents soit de quinze heures dont dix concédées aux groupes. Au regard des calculs que nous avons pu effectuer, trois heures seront attribuées au groupe SRC – soulignons en passant que cela ne concerne que les groupes, puisque ni le rapporteur, ni le président de la commission, ni le Gouvernement ne verront leur temps contingenté. À cet égard, je me permets de rectifier ce que vient de dire Jean-Luc Warsmann : le Conseil constitutionnel n'a pas validé sans réserve le temps législatif programmé. Ce qu'il a validé, c'est la possibilité de créer un temps législatif programmé, tel qu'il figure dans la loi organique – simple possibilité : à preuve, le Sénat ne l'appliquera pas. Le Conseil devra donc se prononcer sur les modalités du temps législatif programmé quand notre règlement aura été adopté. Faites confiance au groupe socialiste pour appeler alors son attention sur le fait que les rappels au règlement et les suspensions de séance sont intégrés dans le temps législatif programmé…
Je reviens sur mon hypothèse chiffrée : lorsque le groupe SRC disposera de trois heures, il pourra, assurément, distribuer la parole et choisir de mettre l'accent sur tel ou tel point. Toutefois, il arrivera régulièrement que le Gouvernement dépose un amendement sur le texte adopté par la commission. Cet amendement, que nous découvrirons en séance, suscitera un débat, en raison des interventions des différents orateurs : les groupes parlementaires, y compris le groupe SRC, consommeront donc de leur temps – Jean-Luc Warsmann a évoqué cette question.
Concrètement, comment notre groupe sera-t-il informé que son temps est grignoté ? Qui informera le président de groupe du temps qui lui reste ? Cette disposition fera de nous des fétichistes de l'horloge, nous devrons disposer d'un chronomètre par groupe – GDR, SRC, Nouveau Centre et UMP – et le président de séance deviendra le maître des horloges, ce qui n'a jamais été sa vocation première ! Nous nous focaliserons donc sur la règle au détriment du débat de fond.
Cet article donnera en outre un pouvoir de police considérable au président de groupe. Or l'article 39 de la Constitution dispose que ce sont les parlementaires qui ont le droit d'initiative et d'amendement, et son article 27 que « tout mandat impératif est nul ». La révision constitutionnelle ayant eu pour effet de constitutionnaliser l'existence des groupes, l'article 26 de la proposition de résolution donne un pouvoir exorbitant aux présidents de groupe, puisqu'il leur reviendra de choisir les orateurs qui interviendront. Nous avons déjà une petite expérience en ce domaine, non pas au sein du groupe SRC mais au sein du groupe majoritaire, ou plutôt du groupe le plus important qui n'appartient pas à l'opposition, puisque c'est ainsi qu'il faut désormais définir la majorité selon les termes du règlement de l'Assemblée : quelques orateurs de ce groupe, en désaccord avec la position majoritaire, n'ont pas eu le droit de s'exprimer.
Nous entrons dans un dispositif incompréhensible, voire insupportable, et dont l'application se fera au détriment de l'essentiel. C'est la raison pour laquelle nous vous appelons à voter l'amendement de suppression de l'article 26.