La preuve a été faite depuis assez longtemps que ce que la majorité appelle l'obstruction n'était pas la règle dans cette assemblée. Les chiffres sont là pour le prouver, on n'a jamais adopté autant de textes que depuis 2007. Quel texte avez-vous présenté qui n'ait pas été adopté par cette assemblée ? Il n'y en a pas. Il ne faut donc pas parler d'obstruction à la légère.
Voici une autre preuve. Bien sûr, je sais que les propositions du président ont été balayées, mais, le 19 mars, il nous faisait parvenir une note contenant des propositions particulièrement intéressantes, en soulignant que, par session, il n'y avait pas eu plus de trois textes ayant dépassé cinquante heures de débat et pas plus de deux ayant dépassé soixante-quinze heures.
Le plus fort, c'est la proposition qu'il nous faisait, ayant vu, comme un grand nombre d'entre nous, je pense, qu'il n'était pas souhaitable, dans une démocratie, de limiter le débat : une fois par session, chaque président de groupe aurait pu demander un temps programmé allongé à cinquante heures, ce qui aurait donc fait quatre textes par session au lieu de trois, et obtenir un temps programmé exceptionnel, soit soixante-quinze heures de débat. Si chaque président de l'opposition en avait fait la demande, cela aurait concerné deux textes, ce qui est le cas en moyenne aujourd'hui.
On le voit, ce n'est pas l'obstruction qui pose un problème : pour vous, dès lors que c'est le texte de la commission qui vient en discussion, le débat dans l'hémicycle, c'est-à-dire le débat public, doit être le plus court, le plus discret et, serais-je tenté de dire, le moins démocratique possible.
Ce matin, en conférence des présidents, le président Copé a fait valoir qu'il fallait bien prendre en compte le fait que le Gouvernement abandonne le 49-3. En réalité, le Gouvernement ne l'abandonne pas du tout, puisqu'il peut l'utiliser une fois par session, ainsi que pour les lois relatives aux finances : c'est plus que la moyenne. En outre, vous avez ajouté, dans la loi organique, ce qu'on appelle l'irrecevabilité législative, qui sera sous le contrôle total de la majorité de l'Assemblée nationale.
J'évoquerai deux derniers points qui sont plus importants qu'on ne l'imagine et qui posent un problème de démocratie. Je ne pense pas qu'il puisse y avoir une telle différence entre le règlement du Sénat et celui de l'Assemblée nationale. Le Sénat ne s'impose pas de limites comme nous allons le faire. Alors que c'est une assemblée élue au deuxième degré et que nous sommes une assemblée élue au suffrage universel, nous aurons un temps contraint alors que les sénateurs n'en auront pas.
Enfin, en ce qui concerne le droit d'amendement, nous ferons valoir devant le Conseil constitutionnel qu'empêcher un député de présenter un amendement est contraire à l'article 27 de la Constitution. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des amendements.