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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 26 mai 2009 à 15h00
Modification du règlement de l'assemblée nationale — Article 26

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Monsieur le président, mes chers collègues, nous arrivons au coeur du projet de modification du règlement de l'Assemblée nationale. Ayant été élu en juin 2007, je n'ai jamais connu d'autre modification du règlement. J'avoue avoir été surpris par les conditions dans lesquelles elle nous a été proposée. Jean-Pierre Soisson l'a dit tout à l'heure, et mieux que je ne saurais le faire, le règlement de l'Assemblée est, par essence, une règle de vie, une règle commune. Il est donc de l'intérêt de tous que nous arrivions à nous mettre d'accord sur des positions communes. Or ce n'est pas ce qui s'est passé dans cette assemblée, en tout cas pas jusqu'à présent. Mais nous ne désespérons pas d'aboutir à un consensus avant le vote solennel qui aura lieu demain : ce matin, en conférence des présidents, Jean-Marc Ayrault a de nouveau tendu la main aux différents présidents de groupe.

Le ton qui a prévalu jusqu'à présent n'a pas toujours été à la hauteur de l'enjeu qui nous est proposé, à savoir construire les règles qui nous permettront de légiférer dans les meilleures conditions. C'est avec une certaine tristesse que j'ai découvert tout à l'heure, dans une dépêche, une déclaration du Premier ministre qui, sur un ton qui n'est guère en rapport avec la question d'ordre strictement parlementaire que nous avons à traiter ici – puisqu'il s'agit de légiférer, entre parlementaires, sur la manière dont nous allons élaborer la loi –, appelle le groupe majoritaire à ne pas faiblir : y aura-t-il donc un vainqueur et un vaincu ? Il me semblait plutôt que nous devions chercher à rassembler ce qui était épars et trouver le plus petit commun dénominateur.

Je rappelle les raisons pour lesquelles nous sommes hostiles au principe même du temps législatif programmé – nous verrons tout à l'heure les modalités à propos desquelles nous souhaitons trouver des arrangements. L'UMP, groupe majoritaire – le Premier ministre l'a dit encore tout à l'heure – soutient ce principe en arguant du fait que le recours à l'article 49-3 a été quasiment supprimé. L'article 49-3 – dont les constitutionnalistes considèrent qu'il est l'équivalent, en droit parlementaire, de la guerre thermonucléaire globale, c'est-à-dire le moment où l'on tue toute vie – n'a pas disparu de la Constitution ; il est simplement limité à huit utilisations : une fois sur un texte en session ordinaire, une fois en session extraordinaire, une fois sur la loi de finances, une fois sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et chaque fois pour deux lectures, ce qui fait en tout huit recours possibles. Il ne faut donc pas dire que l'article 49-3 a disparu. La seule période où il n'a pas été utilisé, c'est sous le gouvernement de Lionel Jospin, qui a refusé de l'appliquer pendant une législature entière, montrant ainsi combien il respectait le Parlement.

Nous sommes opposés à cet article, parce que le Gouvernement dispose de moyens de coercition face aux parlementaires, lesquels doivent pouvoir faire valoir leurs arguments dans les meilleures conditions. Autrement dit, nous voulons disposer du temps nécessaire pour convaincre.

S'agissant de l'obstruction parlementaire dont on nous rebat les oreilles, Jean-François Copé a lui-même reconnu dans son ouvrage que tous les textes avaient été votés sans entraves – si ce n'est pas la lettre, c'est bien l'esprit de son livre. Cela montre que ce que l'on appelle l'obstruction n'est qu'un moment de ralentissement. C'est sans doute difficile à supporter pour la majorité, mais celle-ci est par essence éphémère. Demain, nous serons la majorité : nous prendrons notre mal en patience et essaierons d'entendre les arguments que l'opposition aura à faire valoir.

La formule de Guy Carcassonne est pertinente : il est acceptable d'envisager les modalités qui permettent de ne pas perdre de temps, mais il n'est pas supportable que l'on cherche à en gagner. Or c'est bien de cela qu'il s'agit aujourd'hui : vous cherchez à gagner du temps. Vous avez déjà imposé, de manière quasi systématique, les sessions extraordinaires et, depuis 2007, le Gouvernement utilise l'urgence sur la quasi-totalité des textes importants. Bref, les parlementaires vont toujours plus vite et votent les textes de moins en moins bien. Au final, qui supporte les conséquences de cet état de fait ? Les électeurs qui nous ont envoyés ici et qui nous ont demandé de faire la loi. Avec le temps législatif programmé, nous ferons demain la loi moins bien qu'hier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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