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Intervention de François de Rugy

Réunion du 18 mars 2009 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2009 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons le deuxième collectif budgétaire de l'année, et le quatrième depuis le début de la session parlementaire. Certes, on pourrait considérer que c'est un exercice normal parce que la crise s'amplifie, mais cela sonne comme un aveu d'impuissance par rapport aux précédentes annonces et au plan de relance de 26 milliards d'euros.

Nous étions nombreux, sur les bancs de l'opposition mais aussi de la majorité, à souhaiter que vous complétiez votre plan centré exclusivement sur l'investissement par un plan visant également les revenus des ménages. Vous reconnaissez implicitement aujourd'hui que votre stratégie – que vous aviez présentée comme étant la seule possible – est, en fait, insoutenable. Il suffit de voir ce qui se passe dans les autres pays européens, mais aussi aux États-Unis pour se convaincre que c'est une nécessité sociale et économique de se préoccuper des revenus des ménages.

Il faut entendre la voix des entrepreneurs qui voient les carnets de commandes se vider. Il y a quelques jours, dans le journal Les Échos, le président de l'association d'entrepreneurs Croissance Plus, qui, d'ordinaire, ne vous est pas hostile, en appelait à un choc psychologique par une relance de la consommation. Il ne s'agit pas pour nous de défendre la consommation pour la consommation. En tant qu'écologistes, nous avons souvent dénoncé l'illusion de la croissance pour la croissance. Mais on ne peut nier qu'il y a un problème lorsque, pour des millions de personnes, la consommation signifie avant tout l'achat de produits de première nécessité et ce phénomène touche directement une part importante des classes moyennes.

À cet égard, je citerai l'exemple de Jacques dont il est fait état dans un article du journal Le Monde daté d'aujourd'hui. Ouvrier dans une usine de grues, il touchait 1 600 euros par mois. Il a trois enfants et sa femme est en congé parental. Ayant perdu une part de son revenu en raison de périodes de chômage partiel, il a environ 800 euros de crédits à rembourser – crédit immobilier et crédits à la consommation. Il a été obligé de déposer un dossier de surendettement et il est aujourd'hui privé de Carte bleue et de chéquier. Quand on parle des problèmes de revenu des ménages, quand on parle de relance de la consommation, voilà de quoi on parle !

J'essaie d'imaginer la réaction d'une personne comme Jacques et, de façon plus générale, celle de tous les Français qui sont dans une situation comparable au regard des mesures que vous proposez : 1,1 milliard d'euros pour 6 millions de contribuables de la classe moyenne et 450 millions d'euros – à peu de choses près la moitié – pour les 14 000 contribuables les plus fortunés. Une simple règle de trois permet de constater que cela correspond à un coup de pouce de 200 euros, en moyenne, pour six millions de contribuables et un cadeau fiscal de 32 000 euros, en moyenne, pour les ménages les plus fortunés. Il ne s'agit donc plus de justice, mais de décence ! Que pensera Jacques, cet ouvrier ? Que penseront les Français qui triment pour faire face à leurs obligations dans cette période de crise quand ils sauront que 834 contribuables ont reçu un chèque cadeau moyen de 368 000 euros, ce qui correspond au prix d'une maison neuve en vente dans une ville de province ?

La question du bouclier fiscal, et plus largement du paquet fiscal, est centrale car elle renvoie à la question du pacte républicain en cette période de crise. L'effort est-il partagé ou non ? Certains déjà très fortunés sont-ils à l'abri des efforts ou contribuent-ils à hauteur de leurs moyens ? Voilà les questions auxquelles nous devons répondre. C'est pourquoi nous soutiendrons tous les amendements qui visent à réduire, suspendre ou abroger ce bouclier fiscal inique.

Madame la ministre, monsieur le ministre, sortirez-vous de votre dogmatisme et accepterez-vous enfin d'entendre la voix de la sagesse ou, tout simplement, du bon sens ? Accepterez-vous, enfin, de soutenir les amendements qui ont été votés en commission ? Je parle ici avec d'autant plus de force que, sur ce sujet comme sur d'autres, nous prenons Nicolas Sarkozy, le Président de la République, en flagrant délit de mensonge. Il a ainsi affirmé, hier, qu'il n'avait pas été élu pour augmenter les impôts, ce qui est vrai, car aucune augmentation d'impôts ne figurait dans ses promesses électorales. En revanche, ce qui est faux, c'est qu'il aurait baissé les impôts. Il les a baissés pour quelques-uns, mais il les a augmentés pour le plus grand nombre. Votre Gouvernement a, en effet, consciencieusement accru la pression fiscale sur la très grande majorité des Français : vous avez créé les franchises médicales, vous avez instauré une taxe sur l'épargne populaire pour financer le RSA – dont les bénéficiaires du bouclier fiscal ont été exonérés –, ainsi qu'une taxe sur les cotisations de mutuelle – en ces périodes où la solidarité est nécessaire, c'est important pour beaucoup de nos compatriotes –, et enfin, cette incroyable taxe sur les factures de téléphone et d'Internet afin de financer le « caprice télévisuel » de Nicolas Sarkozy. Votre acharnement à maintenir, coûte que coûte, le bouclier fiscal est parfaitement cohérent avec votre refus, tout aussi entêté, de plafonner les salaires des dirigeants des entreprises, ne serait-ce que les entreprises aidées dans le cadre du plan de relance.

Tout comme le Président de la République, vous ne cessez de rappeler que vous avez demandé que, cette année, les dirigeants d'entreprises ne touchent pas de bonus, ce que vous appelez parfois la part variable de la rémunération des dirigeants – c'est par exemple ce que vous m'avez répondu, madame la ministre, lorsque je vous ai interpellée récemment lors d'une séance de questions au Gouvernement. Or, vous le savez, cela ne changera rien pour ces dirigeants grassement payés, car cette part variable est versée en cas de bons résultats, ce qui est tout de même peu probable en 2009. Pour mémoire, rappelons que les salaires de certains dirigeants de banques – pour ne parler que de ce secteur qui a été l'un des plus aidés par le plan de relance – ont atteint des montants faramineux. Le PDG de BNP Paribas, par exemple, a touché trois millions d'euros. Comment refuser d'entendre la colère qui monte dans le pays devant de telles injustices ? Pourquoi les politiques que nous sommes, parlementaires ou membres du Gouvernement, abdiqueraient-ils par avance et renonceraient-ils à toute mesure volontariste d'encadrement et de justice telles que celles qu'a proposées le président Obama aux États-Unis ?

Le problème n'est pas de savoir si on a le droit de gagner beaucoup d'argent en France, comme vous avez essayé de le dire tout à l'heure. Le problème, c'est que ces rémunérations n'ont plus rien à voir avec le travail réellement effectué. Certains apparaissent plus que jamais à l'abri de la crise et des efforts qu'elle implique. De l'indécence, on vire carrément au scandale quand il s'agit d'entreprises qui ont sollicité et reçu l'aide de l'État, c'est-à-dire l'aide des contribuables de France.

Il y a là des choix politiques très clairs. Après presque deux ans de gouvernement de François Fillon, on peut malheureusement dresser le premier bilan suivant : votre politique est non seulement injuste et se situe dans un mouvement, engagé depuis 2002, …

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