Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j'aurai pu parler de la France et de l'OTAN, comme si les problèmes d'indépendance et de souveraineté ne se conjuguaient pas au quotidien.
J'aurai pu vous parler également de la bosse budgétaire – des collègues l'ont fait avant moi. Nous avions appelé l'attention de votre prédécesseur sur ces différents problèmes.
Mais je voudrais traiter aujourd'hui un point qui fait l'objet du rapport de Michel Sainte-Marie sur l'espace. L'espace participe directement à l'autonomie stratégique de notre pays. En deux décennies, il s'est imposé comme une dimension essentielle des crises et des conflits en Afghanistan aujourd'hui et hier au Kosovo.
Il détermine l'indépendance et l'autonomie de décision des responsables politiques, grâce à des capacités de renseignement et d'observation.
Au niveau tactique, il offre sans cesse de nouvelles aides aux forces militaires : apport en termes d'observation, de positionnement, de transfert d'informations.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même reconnu l'enjeu stratégique que constitue le spatial militaire lors de l'université d'été de Toulouse. J'ai encore en mémoire le discours où vous faisiez allusion au côté indispensable du spatial et aux efforts qui devaient être accomplis. C'est pourquoi je tiens à vous faire part de mon inquiétude concernant l'avenir du spatial militaire, car, là encore, la réalité semble bien en-deçà des discours et des promesses.
Comme l'a rappelé le rapporteur, la loi de programmation militaire prévoyait pour la période 2003-2008 une stabilisation du budget spatial militaire, permettant une modernisation des moyens spatiaux, modernisation décidée par les gouvernements précédents.
La loi de programmation militaire a donc permis de mettre en place des programmes importants lancés auparavant, comme Hélios II pour l'imagerie et Syracuse III pour les télécommunications.
Mais la loi de programmation 2003-2008 prévoyait un montant moyen annuel de crédits de paiement de l'ordre de 450 millions d'euros environ. La moyenne des crédits effectivement consommés s'est seulement élevée à un peu plus de 370 millions d'euros jusqu'en 2006.
Cette évolution apparaît paradoxale au moment où la part prise par les moyens spatiaux dans toutes les grandes fonctions d'une défense moderne est, de toute évidence, appelée à s'accroître et où elle est une fonction essentielle à mettre en place pour disposer de l'autonomie stratégique au niveau européen.
Observer, écouter, communiquer, se localiser, alerter ne sont-ce pas là des missions essentielles ? Force est de constater que les crédits votés en loi de finances initiale n'ont cessé de diminuer de 2002 à 2004 et n'ont amorcé une reprise nominale qu'en 2005 et 2006, sans parler de l'écart enregistré entre 2002 et 2006 au niveau des crédits réellement consommés. Le taux de consommation de crédits en 2005 était de 79,7 %.
Nous constatons aujourd'hui – ce qui m'étonne, compte tenu de vos engagements et de vos propos – un nouveau relâchement de l'effort budgétaire pour l'espace. C'est d'autant plus inquiétant que votre prédécesseur, Mme Alliot-Marie, avait dit vouloir porter l'effort dans le domaine spatial à 650 millions d'euros par an, contre les 450 millions prévus initialement. Ces 200 millions d'euros supplémentaires auraient assuré un saut qualitatif en matière de spatial militaire, mais auraient aussi permis de faire de la France un pays moteur en Europe dans ce domaine.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Tous les interlocuteurs censés plaident pour une augmentation des crédits affectés au spatial militaire, ne serait-ce que pour satisfaire les légitimes ambitions françaises.
Cela aurait également pour effet, j'en suis sûr, de relancer la dynamique de coopération au niveau européen.
Qu'attend-on pour le faire ?
Si l'on prend en considération les crédits de paiement figurant au programme 146, ainsi que ceux du programme 144, nous nous apercevons qu'ils ne s'élèvent qu'à 393 millions d'euros. Ce montant est nettement inférieur à celui constaté lors des cinq années précédentes, et nettement inférieur aussi aux prévisions de votre prédécesseur.
Je vous adjure, sur ce point, monsieur le ministre, de rectifier le tir – si je puis m'exprimer ainsi –, alors qu'il est encore temps. Ne laissez pas la France perdre le leadership qu'elle a su acquérir au niveau européen, au fil des ans, par l'intelligence de ses chercheurs et la vision à long terme de ses responsables politiques, pour qui indépendance et souveraineté se conjuguaient au quotidien.
Nous savons que dans les deux ans à venir se décidera la capacité spatiale européenne d'observation pour les dix prochaines années, notamment grâce à Musis, une coopération entre six pays européens. Il convient de fournir un effort complémentaire important. Cela nécessite certainement deux milliards d'euros par an, au niveau des vingt-sept pays européens, sachant que, aujourd'hui, ceux-ci consacrent à l'espace vingt fois moins de crédits que les États-Unis.
Va-t-on continuer longtemps à négliger l'importance du spatial dans notre défense et à amputer le budget du spatial militaire au mépris des engagements politiques que votre majorité a pris depuis cinq ans ?
Il n'y aura pas d'Europe de la défense sans capacité spatiale militaire. Il n'y aura pas de capacité spatiale militaire sans les moyens financiers correspondants.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire ? Je vous demande d'entendre mon cri d'alarme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)