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Intervention de Bruno le Maire

Réunion du 3 décembre 2009 à 15h00
Droit au revenu des agriculteurs

Bruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député André Chassaigne, y a-t-il un problème avec le revenu des agriculteurs, qui est l'objet de votre proposition de loi ? La réponse est évidemment oui. Ce problème est d'autant plus aigu qu'après une année 2008 déjà difficile, nous avons assisté en 2009 à un effondrement du revenu dans certaines filières.

Quand on regarde, à plus long terme, comment se caractérise le revenu des agriculteurs en France par rapport au reste de la population, deux caractéristiques sautent aux yeux. Elles transparaissent dans toutes les statistiques. La première, c'est que ce revenu est profondément instable, soumis à toutes sortes d'aléas. La seconde, c'est qu'il est constamment inférieur à la moyenne nationale.

Il est donc nécessaire d'agir. C'est ce que fait le Gouvernement, et ce dans trois directions.

Tout d'abord, il importe d'apporter une solution immédiate aux problèmes de trésorerie auxquels sont confrontés beaucoup d'agriculteurs. Nombre d'entre eux sont financièrement étranglés, n'arrivent plus à faire face à leur endettement, se retrouvent dans des situations de trésorerie extraordinairement difficiles. Il était urgent d'agir, et d'agir de manière proportionnée, c'est-à-dire de manière massive, tout en prenant en compte la diversité des situations à travers les différents départements. C'est ce qu'a proposé le Président de la République dans le plan d'urgence qu'il a présenté à Poligny il y a quelques semaines.

Ce plan d'urgence, je tiens à le dire, est un plan sur lequel j'ai travaillé pendant plusieurs semaines, en faisant attention à ce qu'il soit conforme aux règles européennes. Je précise que, pour la première fois depuis de nombreuses années, la Commission européenne a indiqué, dans un délai très rapide – car le travail avait été fait avant –, que ce plan était intégralement conforme aux règles européennes. Ainsi, l'argent qui va être donné par l'État aux agriculteurs n'aura pas à être remboursé dans quelques années parce que nous n'aurions pas respecté les règles européennes. Je vous le dis en tant que ministre chargé d'assurer un certain nombre de recouvrements en raison de comportements qui ont été différents par le passé…

Je veux également insister sur la diversité des moyens mis en oeuvre. Il y a, pour ceux qui ont le plus de difficultés, des prises en charge immédiates d'intérêts d'emprunt ou des allégements de cotisations à la MSA, qui permettent de soulager immédiatement la trésorerie des producteurs. Il n'y a donc pas que des possibilités de nouveaux emprunts, il y a aussi des allégements immédiats.

Les possibilités d'emprunt portent au total sur un milliard d'euros, avec des prêts bonifiés à 1 % pour les jeunes agriculteurs et à 1,5 % pour les autres. Ces prêts peuvent être soit des prêts de consolidation de la trésorerie, soit des prêts de trésorerie immédiats.

Pour ceux qui sont le plus en difficulté, il y a également le dispositif AGRIDIF – agriculteurs en difficulté –, qui permet de soutenir des exploitants dont le niveau d'endettement est trop important pour qu'ils puissent contracter un nouvel emprunt.

Ce plan d'urgence comporte donc des mesures immédiates, des mesures fortes, qui répondent aux attentes des agriculteurs.

Je précise également que nous avons nommé un médiateur, Nicolas Forissier, que je rencontre chaque semaine. Je le reverrai lundi prochain pour faire le point avec lui. Certains ajustements sont nécessaires. Sur le terrain, certaines banques ne jouent pas tout à fait le jeu. Il y a des blocages qu'il faudra lever. Je vois également naître certaines demandes, par exemple celle de reports en fin de tableau pour les exploitations qui rencontrent le plus de difficultés. Je suis prêt à regarder tout cela et à corriger ce qui mérite de l'être.

La deuxième direction dans laquelle nous voulons travailler, c'est celle des réponses structurelles, qui rejoignent beaucoup des propositions que vous faites aujourd'hui, monsieur le rapporteur. Lorsque le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche viendra en discussion, au début de l'année prochaine, je vous invite donc à travailler avec nous à l'amélioration, à la consolidation des propositions qui seront faites par le Gouvernement. Je crois en effet, et je vous rejoins sur ce point, que c'est par ces réponses structurelles que nous répondrons le mieux aux difficultés de revenu que rencontrent les agriculteurs.

En quoi consistent ces réponses structurelles ? Il s'agit d'abord de mettre par écrit un certain nombre d'obligations, afin de permettre à l'agriculteur de percevoir un revenu stable sur plusieurs années. Je suis choqué de voir qu'il y a encore trop de producteurs en France qui vendent leurs produits, à des distributeurs ou à des industriels, sur la base de contrats simplement verbaux, sans contrat écrit, sans savoir exactement combien ils vont toucher à la fin du mois. Je connais, en Haute-Normandie, des exploitants laitiers qui livrent leur lait à un industriel sans savoir combien celui-ci va les payer à la fin du mois. Ils se sont engagés à acheter un robot de traite à 150 000 euros ou à mettre aux normes leur installation pour un montant de 200 000 euros. À la fin du mois, ils savent donc exactement ce qu'ils auront à payer comme traites, mais ils ne savent absolument pas ce que sera leur revenu.

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