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Intervention de André Chassaigne

Réunion du 3 décembre 2009 à 15h00
Droit au revenu des agriculteurs

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire :

Monsieur le président, chers collègues, je tiens avant tout à remercier M. le ministre d'avoir tenu à participer personnellement à la discussion de cette proposition de loi, malgré un emploi du temps fort chargé. La suspension de séance de plus d'une heure et demie qui en a résulté explique l'absence de nombreux collègues. Reste qu'il me paraît très important, monsieur le ministre, que vous soyez parmi nous.

Je me réjouis de nos excellents échanges en commission. Je tiens à remercier nos collègues pour leurs nombreuses interventions, en particulier ceux qui sont présents ce soir.

Ce texte s'appuie sur un constat qui a frappé le monde agricole : pour l'agriculture française et européenne, la crise n'est pas seulement conjoncturelle, elle est aussi structurelle. Il suffit, comme je l'ai fait en commission, de citer quelques chiffres qui illustrent l'effondrement des cours. Le kilogramme de porc vaut désormais moins d'un euro au marché au cadran de Plérin. La tonne de blé valait jusqu'à 300 euros en 2007 contre 110 euros environ aujourd'hui. Je pourrais continuer avec l'évolution du prix du lait, avec la baisse du prix de la viande bovine – au coeur des préoccupations des bassins d'élevage du Massif Central – qui atteint 25 %, voire 30 % pour la vente à la production.

Pourtant, que n'avons-nous entendu en 2007 et 2008, en particulier dans la bouche de la commissaire européenne chargée de l'agriculture, Mariann Fischer Boel ? À l'heure du bilan de santé de la politique agricole commune, au regard de l'évolution du niveau de vie des nouveaux pays consommateurs, qu'il s'agisse de la Chine ou de l'Inde, elle promettait des cours en hausse. Nous l'avions reçue en commission des affaires économiques, où elle avait tenu un discours laissant croire que tous les cours allaient s'envoler, garantissant ainsi un revenu suffisant aux producteurs sans qu'il soit besoin que l'Union européenne prévoie des soutiens spécifiques ou des mécanismes de stabilisation des marchés.

Nous constatons aujourd'hui qu'il s'est passé tout le contraire : une volatilité terrible des prix, des effets catastrophiques au moindre dérèglement climatique ou au moindre virus, sans oublier la difficulté à préserver un modèle agricole durable, respectueux de l'environnement, présent sur les territoires en difficulté. Or nous souhaitons le maintien de cette agriculture produisant en quantités suffisantes des aliments sains, de qualité, à un prix raisonnable pour les consommateurs et offrant un revenu décent aux producteurs.

Certes, plusieurs discours du Président de la République contenaient des annonces fortes pour le monde agricole. C'est le cas de son allocution du 27 octobre 2009 à Poligny, dans le Jura. Permettez-moi de la citer car nous pourrions tous reprendre ces propos à notre compte : « La crise révèle en premier lieu un défaut de régulation européenne et mondiale auquel il est urgent de répondre. Elle révèle en second lieu des défaillances nationales réelles dans la répartition de la valeur au sein de nos filières agricoles. Entre le mois de septembre 2008 et le mois de septembre 2009 l'indice des prix à la production des produits agricoles a baissé de 20 %. Sur la même période, les prix à la consommation des produits alimentaires ont baissé de 1 %. Cet écart est sans précédent. Cet écart est inacceptable ! Il révèle une répartition inéquitable de la valeur ajoutée au sein des filières. Cet écart met notre production alimentaire en danger. »

Le présent texte, que j'ai déposé – c'est un hasard – quelques jours avant la déclaration du Président de la République, répond justement aux interrogations du monde agricole reprises par le chef de l'État dans son discours, et dresse quelques pistes pour que les agriculteurs aient enfin droit à un revenu. Et je dirai même, ce qui peut paraître inhabituel dans ma bouche, que cette proposition se situe dans la droite ligne des annonces faites par le Président de la République.

Je ne reviendrai pas sur l'ensemble du texte, mais en retracerai la philosophie générale.

Il convient tout d'abord d'agir pour garantir des prix rémunérateurs pour tous les producteurs par le moyen d'outils qui pourraient servir de levier. Nous proposons ainsi que l'existence de l'observatoire des prix et des marges, créé en mars 2008, soit pleinement reconnue et que ses missions soient renforcées, notamment par un suivi précis des prix et des marges de chacun des acteurs de la filière. Il s'agit d'une exigence de la profession agricole. Ainsi, les prix et les marges des différents types de produits pourront être analysés en fonction des territoires ou des spécificités ainsi que des signes d'identification de la qualité et de l'origine des productions. L'observatoire pourra également proposer l'application d'un coefficient multiplicateur en période de crise conjoncturelle, ce qui, pour certaines productions, peut permettre de franchir un cap difficile.

Nous proposons par ailleurs d'établir un prix minimum indicatif pour chaque production. Vous comprenez bien que, si le texte précise « indicatif », c'est à cause de la réglementation européenne. Je n'en reste pas moins convaincu que nous pourrons, avec la participation de l'interprofession, définir un prix minimum indicatif qui tienne compte de l'évolution des charges de production et des revenus des producteurs.

Ce prix indicatif sera accompagné d'un niveau de prix d'achat plancher au producteur qui permettrait – objet de la deuxième partie de ce texte – de mettre en place un dispositif réactif d'alerte pour la mise en oeuvre de mesures d'urgence. En effet, alors que la profession est en crise, alors que les cours chutent, alors qu'un nombre croissant d'agriculteurs sont en proie aux pires difficultés, au point que certains doivent même cesser leur activité, nous pensons qu'il est possible de nous doter d'un outil qui enclencherait mécaniquement et immédiatement un dispositif réactif d'alerte économique et sociale de l'interprofession agricole, plutôt que d'attendre pendant des mois un discours du Président de la République comme celui que j'ai cité.

Dans sa troisième partie, le texte exprime le souhait que la France s'engage en faveur d'une politique agricole européenne régulatrice. Il s'agit de promouvoir au niveau européen toutes les mesures susceptibles de garantir des prix rémunérateurs pour les productions, avec la mise en place d'un prix minimum indicatif européen variable selon les territoires, avec l'activation de dispositions concourant à appliquer concrètement le principe de préférence communautaire dont parle si souvent le Président de la République, avec l'instauration d'outils de régulation que nous devons conserver ou créer de façon à permettre à certaines productions de continuer d'exister dans les territoires les plus fragiles. Enfin, dernière proposition qui ne fait pas l'unanimité : réactiver le programme européen d'aide alimentaire ; en effet, de nombreuses ONG constatent le manque d'efficacité du programme alimentaire mondial pour financer l'achat de produits tels que le lait.

Selon de nombreux députés de la majorité, ce texte est certes intéressant mais la loi de modernisation de l'agriculture donnera, dans les mois à venir, des réponses réfléchies, construites, concertées à la situation.

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