Je voulais dire quelques mots après l'intervention de M. le ministre.
En l'écoutant, je me demandais si c'était un Rastignac défenseur des banques qui s'exprimait, ou alors quelque aristocrate très éloigné des réalités du tiers état.
Je voudrais rappeler quelques réalités de nos territoires car, comme la totalité des députés sans doute, je suis quotidiennement soumis à des sollicitations qui montrent qu'actuellement le système bancaire a d'autres orientations que de répondre aux besoins des populations et du milieu économique. Le système bancaire n'a qu'une seule obsession : l'argent, les profits, bref, servir les privilégiés. Mon collègue Jean-Claude Sandrier a donné trois exemples sur la région Centre, notamment avec le désengagement de la Société générale sur Vierzon.
Je voudrais pour ma part donner deux exemples précis, qui montrent qu'il manque quelque chose : un levier qui fonctionne.
Le premier exemple est celui d'un agriculteur qui est venu me voir, avec un projet tout à fait viable, qui a reçu l'agrément de la chambre d'agriculture et de l'ADASEA et qui concerne un territoire qui exige la diversification. Le Crédit agricole, après avoir étudié le projet, a estimé qu'il ne lui était pas possible d'apporter l'aide nécessaire parce qu'il y avait trop de risque au regard du niveau des prix agricoles. Et ce n'est pas un cas isolé.
Quand un chef d'entreprise a besoin de crédit pour développer son entreprise, ou la créer, il peut se heurter au même obstacle. Pas plus tard que la semaine dernière, dans ma circonscription, à Thiers, des salariés ont voulu reprendre leur entreprise qui venait d'être liquidée. Ils avaient les bons de commande, les commandes étaient prêtes, ils avaient un projet industriel, ils avaient le savoir-faire, ils avaient la confiance de tout leur environnement – politique et économique : malgré cela, ils n'ont pas pu obtenir une garantie de prêt du Crédit agricole si bien que, lorsqu'ils sont passés devant le tribunal, l'entreprise ne leur a pas été confiée à eux, mais à quelque repreneur dont le seul objectif est de spéculer sur les locaux qu'il revendra dans quelques semaines ou quelques mois.
Il arrive un moment où il manque le levier pour mener une action efficace sur nos territoires. Bien sûr, l'on pourrait faire du clientélisme, prendre le téléphone pour essayer de convaincre la banque que le projet est beau. Malheureusement, en général, on se retrouve le nez contre la vitre car, quand une banque a décidé qu'un projet n'était pas viable, il ne pourra pas se concrétiser. Le clientélisme, le coup de téléphone d'un parlementaire, ce n'est jamais une solution.
Bien sûr, les collectivités territoriales interviennent de leur côté. Des politiques audacieuses ont été menées par les conseils régionaux, notamment des conseils régionaux communistes. Elles consistent à utiliser tous les leviers qui existent pour que soient accordées des garanties d'emprunt, des bonifications d'intérêt, pour que des accords soient passés avec les banques de la région afin que ces banques puissent avoir un peu plus de tranquillité, pour essayer de faire sortir l'argent de ces banques afin qu'il serve à l'économie. On aboutit parfois à des résultats, mais ces résultats sont partiels. Et il arrive que, malgré tous ces efforts, le projet n'aboutisse pas, comme en a témoigné Jean-Claude Sandrier.
Cela signifie qu'une certaine maîtrise du secteur bancaire est bel et bien nécessaire pour pouvoir intervenir. Les bonnes paroles ne sauraient être efficaces ! Certes, le médiateur du crédit a pu résoudre certaines questions, mais à la marge, beaucoup restant sans réponse parce qu'il ne dispose pas de moyens coercitifs. Si, en période de crise, on se rend compte qu'il faut davantage d'État pour inciter les banques à tenir leurs responsabilités, le médiateur ne peut que chercher à les en convaincre.
Quand mon collègue Jean-Jacques Candelier appelle à l'instauration d'un secteur public de la banque, d'un pôle public des banques, il ne fait pas une déclaration idéologique ; il rappelle simplement que l'argent doit servir à répondre aux besoins, à créer des richesses, non pas pour quelques-uns, à partir d'actions lucratives, mais des richesses collectives, les richesses de l'emploi, celles de nos territoires, pour accompagner en particulier les petites et moyennes entreprises. Dès lors, il n'y a pas cinquante solutions : il faut créer ce pôle public pour assurer une maîtrise publique, pour que l'État puisse poser des orientations en lien avec les salariés des banques, avec le milieu économique, les usagers. Les banques poursuivront alors les objectifs qui doivent être les leurs : servir les intérêts collectifs.
Un député UMP, qui vient de déserter les rangs – il n'en reste plus beaucoup, à présent –, avançait l'exemple de banques nationales, à l'étranger, qui ne remplissaient pas leurs fonctions. Il est bien évident qu'un pôle public ne peut pas remplir ses fonctions si on ne lui donne pas les orientations qui permettent de répondre aux besoins.
Monsieur le ministre, vous avez fait un discours lénifiant, en particulier sur le G20. À un certain moment, il faut arrêter les grandes déclarations et venir sur le terrain, mettre les sabots dans la boue, pour se rendre compte des véritables problèmes qui se posent, réaliser que l'État ne remplit pas ses responsabilités parce que vous considérez que le libéralisme doit tout résoudre. Or, en cette période de crise, on constate bien que le libéralisme ne résout rien, bien au contraire. Il créé la crise et la nourrit. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)