Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Jacques Candelier

Réunion du 3 décembre 2009 à 15h00
Résolution sur la création d'un service public bancaire et financier

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'objet de la résolution que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui consiste à souligner l'urgence à mettre les banques à l'abri des caprices des marchés financiers et à les replacer dans leur coeur de métier, à relancer les activités, l'emploi, les salaires, les investissements utiles, l'innovation et la recherche.

Certains chiffres font tourner la tête de nombre de nos concitoyens, moi y compris ! Le bénéfice net de la BNP Paribas a atteint 1,3 milliard d'euros au troisième trimestre, marquant une hausse de 45 %. Sur les neuf derniers mois, alors que nous sommes en période de crise, cette banque a dégagé 4,5 milliards de bénéfice. Ce sont là des chiffres hallucinants.

Faut-il se réjouir de ces profits mirobolants, constatés d'ailleurs dans toutes les grandes banques ? On pourrait faire beaucoup de choses pour le bien collectif avec seulement quelques milliards ! En comparaison, le tout nouveau plan cancer coûtera 750 millions d'euros à l'État et l'aide aux agriculteurs en prêts bonifiés, un milliard d'euros. L'argent existe dans notre société, encore faut-il se donner les moyens pour arracher au privé ce qui revient de droit à la collectivité.

Surtout, nous devons nous interroger : par quel miracle, en période de crise, la finance, elle, arrive-t-elle à marcher aussi fort ? Le « miracle » a en réalité une explication fort simple : la crise financière a dégagé un horizon nouveau pour les spéculateurs. L'État, qui a soutenu fortement nos banques en pleine tempête, les a surtout remises en selle pour qu'elles profitent à plein des nouvelles opportunités sur les marchés. Fort logiquement, les spéculateurs se remettent à spéculer. C'est leur raison d'être : on ne peut demander à des loups de manger de la salade !

La crise a démontré que l'intervention des pouvoirs publics doit être durable afin de s'assurer la maîtrise des grands leviers économiques et financiers. Ce n'est pourtant pas la voie choisie par la droite. À défaut d'avoir fait reculer au G20 les abus et la dérégulation de la finance, elle a donné quitus aux spéculateurs et aux pratiques indécentes et malsaines d'argent facile !

D'ailleurs, les bonus des traders ne sont qu'une partie d'un problème plus vaste, celui du règne de l'argent roi.

Le cynisme des banques privées s'est illustré encore tout récemment quand leurs dirigeants ont remboursé au plus vite les aides publiques reçues afin de tuer dans l'oeuf toute tentative d'instaurer un droit de regard dans leur business. On comprend dans ces conditions qu'il ne sert strictement à rien de supplier les banquiers privés de soutenir l'économie réelle : l'agriculture, le bâtiment ou l'automobile représentent une part de plus en plus faible des profits des banques. Pourquoi s'occuper du crédit d'un artisan quand on peut engranger des plus-values en faisant des transactions sur des valeurs mobilières mondiales ?

Autre exemple, le Premier ministre a prononcé récemment un discours dans l'enceinte du Crédit Agricole, chose peu commune. Au prix de « négociations serrées » avec certaines banques, nous dit-on, celui-ci n'a finalement réussi qu'à sortir de son chapeau des prêts bonifiés pour les jeunes agriculteurs, soit des prêts avantageux. Mais le Premier ministre n'a pas demandé aux banques de consentir le moindre effort en leur faveur.

Nous ne sommes pas dans le cas où le Crédit Agricole consentirait un effort pour soutenir les investissements agricoles. Dans ces opérations, la rentabilité des banques est sauve car c'est bien les contribuables qui financent le manque à gagner pour les banques, soit le différentiel d'intérêt.

Il faut être clair : en tant qu'antilibéraux, nous nous réjouissons que la puissance publique intervienne pour soutenir les activités utiles. D'ailleurs, avec notre collègue André Chassaigne nous proposons de faire beaucoup plus pour notre agriculture. Mais en tant que communistes et que républicains, nous proposons que la pratique des prêts bonifiés pour des investissements utiles soit systématisée, avec le volontarisme de l'État, garant de l'intérêt général, mais aussi en mettant à contribution la force de frappe des grandes banques privées.

J'irai un peu plus loin : sans changement radical dans le comportement des grandes banques, sans changement dans leurs objectifs, sans un contrôle public du crédit, on ne peut pas soutenir l'économie réelle. Car c'est bien la norme de rentabilité financière et les exubérances de profit qui conduisent notre pays à enregistrer plus de 30 000 demandeurs d'emploi supplémentaires par mois. La sortie de crise est encore bien loin.

Soutenir et développer des secteurs stratégiques – services publics, logement, environnement – ne peut, selon nous, se faire sans briser cette norme de rentabilité. Oui, nous voulons briser le mur de l'argent ! On a beaucoup parlé de la chute du mur dernièrement, mais on a moins évoqué la construction de la muraille de l'argent. Celle qui empêche les PME d'investir, de surmonter leurs difficultés de trésorerie, qui prive la recherche publique des moyens nécessaires, et certains ménages de la possibilité de faire des projets, mais qui est, par contre, si conciliante avec les groupes du CAC 40 !

Pour faire face aux besoins, nous ne proposons pas une froide planification d'État : nous voulons remettre l'humain au coeur de la finance, « En faire la chose de tous », comme disait Jaurès de la Nation. Voila ce que nous voulons pour le secteur de la finance !

Notre proposition de résolution est bien fondée sur une certaine identité française : la France des services publics, de la Sécu, de l'école laïque et gratuite, et de grandes entreprises nationales comme la SNCF ou EDF – tout ce que la droite brade afin de satisfaire les nantis !

Il faudrait plutôt construire des services publics, pour sortir véritablement de la crise et développer l'humain. Le Gouvernement et les élites ne prennent pas la mesure de la situation catastrophique de la France.

À la suite de sa reconduite à la tête de la Banque de France, le Gouverneur, Christian Noyer, indiquait, après s'être félicité du G 20 : « Nous veillerons à ce que les bénéfices viennent renforcer en priorité le capital et que les banques concentrent leurs activités sur le financement de l'économie. Je serai intransigeant sur ce point. »

Cessons ces déclarations lénifiantes ! Il faut se donner les moyens qu'exige la situation ! Nous sommes contre le renforcement des fonds propres de banques qui continuent à spéculer ! À quand la prochaine crise financière ? Nous sommes opposés à l'autosatisfaction du Gouvernement, qui pense avoir fait de bonnes opérations à travers le remboursement des aides octroyées aux banques.

Nous voulons développer une vision de long terme, d'intérêt général, à l'inverse de la gestion boutiquière du Gouvernement. Nous proposons de créer un nouveau service public et un contrôle démocratique des banques. La monnaie est un bien public. L'argent des banques, l'argent des Français, doit servir l'intérêt général et non les intérêts des banquiers.

Nous voulons créer ce nouveau service public, car les opérations de banques sont des activités vitales de notre économie. Elles concernent aussi bien les ménages que les entreprises. Tout le monde est tenu de disposer d'un compte bancaire. Le service public, c'est ce qui est commun à tous, c'est ce qui est indispensable.

Il est donc grand temps de prendre conscience que les règles de service public doivent se mettre en place pour assurer l'égalité des usagers sur l'ensemble du territoire et garantir l'accessibilité de tous aux services bancaires et financiers. Tout comme il existe une éducation nationale et une assurance maladie, il faut créer un outil républicain pour assurer la mise en oeuvre effective du droit d'accès aux services financiers.

Pour concourir à ce nouveau service public, nous voulons des établissements publics. Nous le disons pour La Poste, nous le disons pour l'hôpital, et dans cette proposition de résolution. Celle-ci suggère de créer un pôle public financier. Il s'agit de coordonner tous les acteurs publics du secteur pour mener une politique nationale ambitieuse au service du développement. Il y a un grand besoin de démocratie dans la gestion de l'argent. Il faut aussi voir plus grand dans les dispositifs.

Ainsi, si la banque publique d'aide aux PME, OSÉO, a soutenu, au 1er septembre 2009, 18 000 entreprises, pour un montant total de 4,5 milliards d'euros, je rappellerai qu'il existe environ 3 millions d'entreprises dans notre pays. Nous aimons bien OSÉO, mais nous aimons aussi la BNP Paribas, le Crédit Agricole ou la Société Générale. Du moins, nous aimerions que ces banques mettent leur gigantesque force de frappe au service du développement de l'économie, plutôt qu'à celui du portefeuille de leurs actionnaires. Le pôle public financier doit donc atteindre une masse critique. Cela passera par de nécessaires nationalisations.

Pour mener une politique ambitieuse de développement, il n'est pas utile de faire un grand emprunt qui profitera encore et toujours aux nantis. Il est nécessaire de prendre le contrôle total et permanent des principaux groupes bancaires français et de démocratiser leur fonctionnement.

Il ne s'agit pas de nationaliser les pertes pour privatiser les profits. Nous ne voulons pas aider les banques à franchir ce que les libéraux considèrent comme un mauvais cap. Quand des banques sont nationalisées en Allemagne, en Angleterre ou aux États-Unis, c'est pour maintenir la rentabilité financière des établissements et pour leur permettre de continuer leur business comme si de rien n'était.

Notre position va à l'encontre de la politique actuelle et des diktats capitalistes de l'Union européenne. Nous, nous voulons révolutionner le système ! Nous voulons refondre démocratiquement les objectifs stratégiques des banques, avec la participation, à tous les niveaux, des usagers et des salariés, que ce soit dans les conseils d'administration et de surveillance, mais aussi dans les comités de crédit, là où l'on décide de l'octroi des crédits.

Voilà notre grande ambition : faire en sorte que la souveraineté appartienne effectivement au peuple, et non à la bourse et aux actionnaires !

Je me permets à cette occasion un rappel historique. Pourquoi avoir peur de nationaliser, alors que le Gouvernement propose de débattre de la Nation ? Qu'est-ce qu'une nationalisation si ce n'est remettre la Nation, sa population, ses associations, ses salariés, au coeur des activités économiques ?

Le programme du Conseil national de la résistance réclama dès 1944 le « retour à la Nation de tous les grands moyens de productions monopolisées, fruits du travail commun, des sources d'énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d'assurance et des grandes banques ». Il s'agissait de sanctionner la collaboration et de rationaliser la reconstruction de la Nation.

Le 30 novembre 1945, un projet de loi avait été déposé après la fermeture de la bourse, pour être voté le 2 décembre et publié au Journal officiel le lendemain. Le 3 décembre 1945, toutes les banques de dépôt et de crédit ainsi que la Banque de France étaient nationalisées.

Nous sommes bien, aujourd'hui, dans une situation qui exige qu'une même énergie soit déployée pour reconstruire ce que la finance détruit.

J'en appelle donc à tous les héritiers du gaullisme – il doit bien en rester : à circonstances exceptionnelles, moyens exceptionnels ! Il n'est plus temps de moraliser le capitalisme, autant chercher à domestiquer un requin.

Alors, bien entendu, on va nous dire que les temps ont changé. On va nous expliquer que la Commission européenne serait inquiète de voir se créer un pôle public du crédit en France, qui pourrait prendre du poids et venir fausser la sacro-sainte « concurrence libre et non faussée ». Eh bien, si tel était le cas, alors il s'agira d'un excellent encouragement à poursuivre nos efforts !

Pour terminer, je veux évoquer le risque énorme qui pèse sur l'avenir de l'établissement public de La Poste. Nous n'avons jamais vu qu'un changement de statut serait nécessaire pour répondre à un besoin de financement. Le statut d'établissement public n'a jamais empêché en quoi que ce soit une aide directe de l'État pour assurer le développement de La Poste. Sinon, il faudra nous expliquer pourquoi l'établissement public OSÉO peut, lui, bénéficier d'une aide publique de l'État pour soutenir les PME et les agriculteurs.

Voter oui à la présente proposition de résolution, c'est aussi l'occasion d'affirmer son attachement à un avenir public de La Poste.

Voter oui, c'est asseoir la domination et la souveraineté du monde du travail dans la finance. C'est émettre un signal fort pour tous les grands de ce monde qui s'engraissent avec toujours plus de milliards, quand leurs victimes subissent le chômage et la misère.

Chers collègues, je vous invite donc à donner ce grand coup de pied salutaire dans la fourmilière. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion