Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget s'exécute dans un contexte transitoire, comme l'ont dit tous ceux qui m'ont précédée, avec en toile de fond les déclarations du Président de la République sur l'OTAN, qui inquiètent un certain nombre d'entre nous, les travaux du Livre blanc, auquel j'ai la chance et l'honneur de participer aux côtés du président Teissier, et, bien sûr, les restrictions budgétaires pour lesquelles les états-majors ont reçu mission et, nous le savons, ont déjà fait des propositions.
Mais de tous ces travaux, une fois de plus, le Parlement est exclu, et il interviendra encore a posteriori. À se demander à quoi servent les nombreux travaux et rapports, tous de qualité – ceux qui viennent d'être exposés le démontrent suffisamment –, qui ont été réalisés au sein de cette assemblée. Sur ce point, monsieur le ministre, l'ancien parlementaire que vous êtes comprendra mon propos. Nous aurions pourtant pu travailler de manière beaucoup plus collégiale, au sein, par exemple, d'une mission d'information sur le Livre blanc, mission que nous avions demandée et qui a été refusée. Je trouve que c'est un gâchis. Dommage pour notre démocratie.
Mais revenons à ce budget. Pendant près de cinq ans, sous la précédente législature, nous, l'opposition, avons tenté d'alerter la représentation nationale et votre prédécesseur sur l'impossibilité de tenir les engagements du projet de loi de programmation militaire, tenté de faire réagir la majorité et le Gouvernement sur la situation critique qui se préparait : un modèle 2015 devenant financièrement inaccessible et en fort décalage avec les besoins stratégiques à venir – je rejoins ce qu'a ditJean-Michel Boucheron quant à une autre façon de travailler sur la LPM dans les prochaines années. En vain. Les députés socialistes étaient qualifiés de Cassandre ; le Gouvernement, pour éviter tout débat de fond, leur sortait l'éternel argument joker, celui d'une prétendue bonne réalisation financière de la LPM, à un niveau inégalé depuis vingt-cinq ans. Or où en sommes-nous aujourd'hui ? Au passage, nous pourrions ironiser sur l'héritage laissé par le gouvernement précédent. Mais pour avoir trop entendu pendant cinq ans la majorité nous objecter l'héritage socialiste pour esquiver toute critique – je l'ai encore entendu tout à l'heure ! –, je ne voudrais pas vous infliger la même ritournelle. Vous voyez, nous savons, nous aussi, pratiquer la rupture. (Sourires.) D'ailleurs, monsieur le ministre, ne seriez-vous pas vous-même au bord de la rupture, compte tenu des engagements qui ont été pris et de ce que j'ai pu lire, comme beaucoup d'autres, dans la presse ?
Car aujourd'hui, y compris avec le maintien de l'effort de défense au niveau actuel, il y a une perte en ligne financière sur le coût des programmes envisagés, qui ne pourront être financés : le budget d'équipement des forces nécessite 5 à 6 milliards d'euros supplémentaires par an pour atteindre 21 milliards en moyenne annuelle, contre 15 actuellement ; en valeur totale, la France a besoin de 70 milliards supplémentaires pour financer tous les programmes prévus. Selon votre propre expression, c'est « une équation insoluble », ce qui nous conduit aujourd'hui à remettre à plat notre système de défense : revues de programmes d'armement pour réduire la fameuse bosse budgétaire annoncée pour 2009-2010, révision générale des politiques publiques pour dégager des marges de manoeuvre au profit des unités opérationnelles. La synthèse de ces trois exercices permettra de soumettre au Parlement la future LPM, alors qu'une réflexion globale s'engage sur notre outil de défense, avec la perspective de choix majeurs suscitant bien sûr des inquiétudes mais surtout des attentes réelles de la part des parlementaires. Ces inquiétudes sont renforcées quand vous déclarez que la défense n'a pas vocation à faire de l'aménagement du territoire.