Quant au rapprochement avec l'OTAN, il a pu être réalisé par les présidents Mitterrand et Chirac parce que leur politique étrangère était notablement indépendante. Personne ne risquait de mal l'interpréter ; nous en avions les avantages, sans les inconvénients. Mais, dès lors que le rapprochement se fait à la fois avec Washington et avec l'OTAN, nous risquons d'avoir les inconvénients sans les avantages. La politique de M. Blair a été une impasse et la langue de bois utilisée lors de l'affaire des armes de destruction massive iraniennes nous rappelle le scénario précédent : la sottise de l'intervention en Irak.
Après les menaces, les défis et les dangers, quelles sont donc les voies à emprunter pour l'avenir ? Cinq principes me semblent s'imposer. Le premier, c'est la globalisation de la sécurité, qui doit être d'abord géographique. Il n'y a plus de distinction à faire entre sécurité intérieure et extérieure. Le terrorisme impose cette continuité comme il impose la continuité entre sécurité militaire et sécurité civile. Les menaces ignorent les frontières. Il nous faut donc renforcer la défense civile : pourquoi ne pas se doter d'un état-major de la défense civile ou de la sécurité du territoire ? Il manque également un nouveau cadre juridique à Vigipirate, qui permettrait de passer de l'image d'une sécurité renforcée à une sécurité renforcée réelle. Enfin, une réforme de la gendarmerie s'imposera rapidement, car il nous manque un corps intermédiaire entre la police et les moyens militaires susceptible d'intervenir lors d'agressions terroristes graves sur notre territoire.
Deuxième principe, la primauté du renseignement. Il est clair que la lutte contre le terrorisme, contre les proliférations, passe par le renforcement de nos capacités autonomes de renseignement. C'est une priorité transversale, globalisée, qui lie le géopolitique, le militaire, le policier, l'économique, le cybernétique et le financier. Là plus qu'ailleurs la globalisation est nécessaire. Nous ne pouvons plus nous contenter d'une simple coordination des services. L'idée d'un Conseil national de sécurité a été lancée et j'y suis très favorable. Conseil de défense, SGDN, Comité interministériel du renseignement mériteraient d'être fusionnés. Or chacun sait que l'échange d'informations entre les services intérieurs et extérieurs ne se fait pleinement qu'au niveau le plus haut, celui du Président de la République.
Troisième principe, l'interarmisation et la rationalisation. L'interarmisation doit être une priorité absolue, tant du point de vue économique qu'opérationnel. On se demande encore pourquoi les uniformes diffèrent au-delà de la troisième étoile. Fusionner les redondances peut permettre d'économiser 1 milliard d'euros par an. Par ailleurs, la défense ne peut plus être un outil d'aménagement du territoire ou de redressement d'entreprises en difficulté, à moins d'augmenter le budget de 50 %. Il faut donc choisir.
Quatrième principe, l'Europe, qui doit conjurer la malédiction suivante : ceux qui veulent l'Europe de la défense n'ont pas d'argent et ceux qui ont l'argent ne veulent pas d'Europe de la défense. Un nouveau Saint-Malo est techniquement possible, mais quelle curieuse idée de vouloir soumettre l'Europe de la défense à une bénédiction américaine ! Le transport stratégique, l'espace et les systèmes d'alerte avancée sont des moyens que l'Europe pourrait assez facilement mutualiser.
Cinquième principe, l'autonomie technologique. L'effort spatial est nécessaire à notre autonomie de renseignement et de commandement. Surtout, l'alerte avancée à la menace balistique et la capacité de rétorsion permettront d'éviter la gabegie d'une participation à la chimérique défense antimissile que nous propose l'industrie américaine. Le second porte-avions est indispensable, mais c'est en matière de drones qu'il faudra rattraper notre incompréhensible retard. En attendant, nous pourrons acheter sur étagère certains des vingt-cinq modèles israéliens disponibles.
La dissuasion devra continuer à conjuguer adaptation aux nouvelles menaces et doctrine de non-emploi. Nos forces spéciales devront disposer de certains matériels qui leur manquent actuellement et un véritable centre de lutte contre le cyber-terrorisme devra coordonner nos moyens.
En fait, monsieur le ministre – et je sais que telle est votre ambition –, il s'agit de transférer les investissements de la haute intensité vers le conflit asymétrique. Il faut se protéger des dangers du futur et non des dangers du passé. Si vous vous inscrivez dans cette logique, vous recueillerez notre consentement. Il n'y a pas une défense de gauche et une défense de droite : il y a la sécurité des Français, la liberté de la France et son rayonnement au service de la concorde des civilisations. Vous avez donc le soutien de la commission des affaires étrangères. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)