Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Marie Le Guen

Réunion du 26 novembre 2009 à 9h30
Grand paris — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Le Guen :

Monsieur le secrétaire d'État, nous reconnaissons, pour la plupart d'entre nous, qu'il y a peu de sujets aussi enthousiasmants, aussi passionnants, aussi fondamentaux pour l'avenir non seulement de la région capitale, mais aussi de notre pays tout entier, que celui du Grand Paris.

Nous devrions donc être mobilisés pour proclamer notre intérêt et notre volonté d'avancer sur ce sujet, pour nous rassembler autour de ce qui devrait être une grande cause nationale et essayer, au-delà de certaines divergences, de faire valoir tel ou tel point de vue.

Or, regardant ce qui s'est passé depuis quelques semaines, et surtout la façon dont ce débat se déroule, je constate avec beaucoup de tristesse une véritable déconstruction de cette ambition et, disons-le, un rejet de plus en plus important de la plupart des acteurs impliqués : élus locaux, architectes bien sûr, et plus généralement commentateurs, qui émettent de plus en plus de doutes sur le bien-fondé de votre projet et de votre démarche.

De nombreux parlementaires de tous bords interviennent – avec de bonnes raisons le plus souvent, quoique pas toujours – pour vous dire qu'ils ne se retrouvent pas dans votre projet, dans votre démarche. Monsieur le secrétaire d'État, la situation est de ce point de vue préoccupante. Il faut que vous en preniez conscience et, au-delà de vous, le Gouvernement, voire peut-être le Président de la République qui a voulu s'investir sur cette question à plusieurs reprises, et notamment le 29 avril. Nous sommes en effet en train de régresser fortement sur cette ambition du Grand Paris.

Tout d'abord, les choix qui ont été les vôtres, tant dans la démarche que dans le contenu des propositions, qui concernent essentiellement les transports, posent de nombreuses questions et provoquent de nombreuses critiques : cela appelle une réflexion sur la crédibilité même de votre projet.

Face à cela, vous ne pouvez pas vous contenter de demeurer immobile, de résister et d'essayer, vaille que vaille, après je ne sais trop quelle intervention, de faire en sorte que ce texte soit voté, fût-ce dans de très mauvaises conditions. J'ajoute que la question de l'urgence montre bien, encore une fois, l'embarras et la confusion qui existent au sein de la majorité. On entend de toutes parts que la procédure d'urgence n'a pas ici de légitimité, mais au dernier moment, le Gouvernement engage pourtant cette procédure, ce qui a pour conséquence de brusquer les débats et de prendre à rebours les parlementaires qui voudraient reconstruire une logique autour de ce texte. Dans la méthode, il y a donc beaucoup de confusion et beaucoup d'incertitudes, donc une perte de crédibilité de ce qui devrait être une très grande ambition. J'ajoute qu'en ne posant pas les problèmes dans leur globalité, en n'obtenant pas de consensus sur un projet de loi qui se voudrait pour l'essentiel technique, vous ne faites pas avancer les choses.

Nous ne pouvons pas aborder le sujet du Grand Paris sans poser d'abord, au niveau où c'est nécessaire, la question de la solidarité financière – je n'ai même pas dit « sans la résoudre ». Beaucoup de nos collègues de province l'ont dit en commission : ils ne comprennent pas toujours pourquoi l'État interviendrait massivement en faveur de la région Île-de-France ; ils ont le sentiment, sans doute injustifié, que l'État se préoccupe plus de la région capitale que des autres.

Dans aucune autre région la richesse fiscale pour nos collectivités locales n'est aussi inégalement répartie. Or cette question n'est posée ni dans votre projet ni même dans la réforme de la taxe professionnelle qui laisse de côté, de façon invraisemblable, la problématique de la péréquation entre les collectivités locales. En conséquence, dans notre région, certaines collectivités locales vont, pour des raisons historiques, bénéficier d'une rente fiscale, pendant que d'autres, qui sont submergées de besoins sociaux, de besoins d'investissement, d'accompagnement, n'auront pas les moyens de mener une politique. De la même façon, vous-même, monsieur le secrétaire d'État, n'avez pas de crédibilité, car vous êtes incapable de mobiliser des moyens financiers à la hauteur des ambitions de votre projet.

Cette dimension est présente, comme l'est aussi, à l'évidence, la dimension démocratique. Vous avez beau vous en défendre : la démarche étatique et recentralisatrice qui est la vôtre, l'absence de prise en compte de tout ce qui devrait faire la richesse de la dynamique sociale et démocratique des projets urbains sur nos territoires, montrent qu'en matière de gouvernance de ce projet, votre méthode est largement dépassée. C'est un autre aspect sur lequel cette majorité ne semble pas dessiner de perspectives. Au total, au-delà des transports et sur tous les autres sujets, quelle gouvernance stratégique prévoyez-vous pour l'Île-de-France ? N'avez-vous rien d'autre à nous proposer que le monopole de l'État ou le localisme municipal qu'en arrivent à défendre certains de nos collègues en réaction à la mise sur le côté des élus et des populations d'Île-de-France et dont nous savons qu'il est sans avenir pour l'agglomération ? Il faudra que nous trouvions politiquement – si nous n'y parvenons pas dans cette assemblée, je ne sais pas où cela pourra se faire ! – la volonté de dépasser les égoïsmes locaux qui morcellent, marginalisent et sont à l'origine de nombreux dysfonctionnements dans la vie de notre agglomération.

Or loin de résoudre toutes ces questions, monsieur le secrétaire d'État, vous en rajoutez en ne créant aucune dynamique, en ne proposant rien de crédible, en ne trouvant pas les moyens du rassemblement à la fois des collectivités locales et des composantes politiques de cette assemblée. Je ne vous demande pas de gérer un consensus ; je vous demande de créer les conditions d'un rassemblement suffisant dans les objectifs. Ceux que vous affichez dans ce projet de loi nous semblent à côté des besoins les plus prioritaires de nos concitoyens et pas à la hauteur des ambitions que vous-même aviez fixées à ce projet de Grand Paris. J'espère que nous pourrons un jour repartir avec un élan d'une tout autre ampleur.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion