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Intervention de Jean-Paul Chanteguet

Réunion du 25 novembre 2009 à 21h30
Grand paris — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Chanteguet :

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le thème du Grand Paris est un thème d'actualité. Après des rapport et des débats, ce sont une dizaine d'ambitieux projets architecturaux et urbanistiques qui ont été présentés en réponse à une consultation internationale lancée dès 2007. Et c'est maintenant votre projet de loi « Le Grand Paris », monsieur le secrétaire d'État, qui nous réunit ce soir.

Derrière cette appellation, on ne sait trop si l'on parle d'une ville, d'une région, d'une métropole, d'une aire urbaine ou d'une entité administrative nouvelle.

On peut considérer aujourd'hui que l'idée d'un Grand Paris aux traits et au tracé encore indéfinis concerne les 100 kilomètres carrés de la ville de Paris et les 12 000 kilomètres carrés de la région Île-de-France. Cet espace est, à l'échelle mondiale, une concentration exceptionnelle de richesses et de dynamisme.

Cependant, les nécessités de réforme en termes d'aménagement et de gouvernement sont évidentes, tant les problèmes sont colossaux en matière de logement, de transport, de recherche, d'enseignement et d'inégalités territoriales.

Les modes de vie et de bâti se sont transformés. Réalités et réseaux se sont affranchis des pourtours administratifs hérités des siècles passés. Un tiers des actifs parisiens travaillent en banlieue. Comme l'écrivent Frédéric Gilli et Jean-Marc Offner : « Paris n'appartient plus aux Parisiens. Aujourd'hui, Parisiens et Franciliens, mais aussi visiteurs, touristes et professionnels vivent des appartenances territoriales plurielles : on vote là où l'on dort, on travaille là où l'on ne paie pas d'impôts. »

Le sujet du Grand Paris, s'il est à enjeux fondamentaux, n'en est pas pour autant nouveau. Il existe probablement depuis l'affirmation de la métropole capitale.

Frédéric Gilli et Jean-Marc Offner soulignent avec force que l'essentiel de la problématique du Grand Paris, comme d'ailleurs de toutes les métropoles dans le monde, est une dissociation croissante entre les territoires de la représentation, de la délibération et de l'action. En conséquence, il est à leurs yeux peu important de s'inquiéter du mille-feuilles institutionnel, l'essentiel étant d'arriver à discuter et à promouvoir une légitimité et une identité métropolitaines.

Monsieur le secrétaire d'État, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le discours que, vous, vous avez entendu du Président de la République et qu'il prononcé le 29 avril sur la colline de Chaillot pour l'inauguration de l'exposition du Grand Paris. Certains y ont vu un discours fondateur, d'autres un discours inspiré, voire sympathique, mais décevant.

Pour ma part, j'ai avant tout relevé l'ambition du Président de la République, s'exprimant en ces termes : « Le Grand Paris, c'est celui de la ville durable, de la ville de l'après-Kyoto, de la ville écologique, de la ville qui s'allie avec la nature au lieu de la combattre ; c'est le grand défi de la politique du XXIe siècle. »

Mais cette belle ambition, monsieur le secrétaire d'État, n'aura vécu que le temps d'un discours. En effet, bien avant la présentation des propositions des dix équipes pluridisciplinaires d'architectes et d'urbanistes retenues pour imaginer une stratégie de développement du Grand Paris intégrant la nouvelle donne post-Kyoto visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre et à réorienter le schéma directeur de la région Île-de-France, vous avez précisé à la presse que votre projet de Grand Paris se limitait à un projet de transport urbain en périphérie de la métropole.

C'est ainsi que la grande ambition du Président de la République se réduisit à ce que l'on appelle maintenant un « grand huit » souterrain de métros automatiques. Comme l'a dit publiquement un architecte : « Les mirages annoncés du Grand Paris se sont dissipés. »

Nous le savons, les modifications des modes d'habiter dans l'espace urbain, l'usage de l'automobile, la densification des réseaux ferrés ont conduit à une modification des dynamiques territoriales. La banlieue n'est plus uniquement dortoir et le centre ne concentre plus la totalité des flux traversant la ville. Il s'agit donc de considérer les logiques et les conséquences pratiques de ces évolutions sur la trame urbaine. Ces perspectives renouvellent les problématiques franciliennes, et votre projet de loi, monsieur le secrétaire d'État, ne répond pas aux nouveaux enjeux identifiés.

Le premier enjeu porte sur l'affirmation de la centralité. En effet, si celle-ci a éclaté, elle n'a pas disparu des espaces métropolitains contemporains. L'interdépendance des pôles ne doit pas se traduire par une centralité diluée ou fragmentée ; Paris doit rester le coeur qui irrigue de nombreux pôles économiques et demeurer le point de rencontre des réseaux humains et physiques.

Le deuxième enjeu concerne la question des densités urbaines. En effet, dans le cadre d'une géographie discontinue de territoires aux contours flous, se pose celle de la maîtrise de l'étalement urbain et de la consommation des sols.

La mixité sociale et fonctionnelle dans cette nouvelle métropole est un autre enjeu majeur, sans doute primordial, car les logiques économiques, sociales et urbaines ne tirent pas toutes la métropole dans le même sens. Dans un espace élargi, les répartitions possibles sont plus nombreuses que dans un espace restreint.

Maintenir ou favoriser une métropole mixte est un des héritages des villes européennes que l'on doit valoriser. Il faut promouvoir une organisation de l'espace urbain qui ne sépare pas les lieux d'emploi des centres de loisir et de consommation et des lieux de résidence, afin de créer une ville plusdurable.

Enfin, la place des villes dans la hiérarchie mondiale de 2020 se décide aujourd'hui. Investir dans l'adaptation des structures urbaines est un autre enjeu lié au nouveau contexte métropolitain.

Les zones d'activité, de logement et d'infrastructures de transport continuent d'orienter fortement la région parisienne. Elles en sont la structure. Toutefois, les transformations de la ville rendent nécessaire une adaptation de ce squelette urbain à la nouvelle morphologie de la métropole.

Il importe que les équipements urbains franciliens fassent l'objet d'une adaptation et d'une amélioration. Je rappelle que Londres a décidé d'un plan d'investissement de 23 milliards d'euros pour son métro, et que New York a creusé un tunnel ferroviaire pour réunir le New Jersey à Manhattan et a prolongé ses lignes de métro. C'est aussi ce que propose la région Île-de-France, par le biais de son plan de mobilisation pour les transports, d'un montant de 18 milliards d'euros. Plan qu'elle se voit dans l'obligation de lancer sans l'aide financière de l'État, afin d'améliorer au plus vite les conditions de transport des Franciliens.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, il est une autre raison qui nous conduira à ne pas soutenir votre projet : c'est que celui-ci est conduit en dehors de toute stratégie d'aménagement du territoire national. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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