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Intervention de Daniel Goldberg

Réunion du 25 novembre 2009 à 21h30
Grand paris — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Goldberg :

À côté, des départements ont adapté leur rôle de proximité et des intercommunalités prennent peu à peu leur place dans le paysage régional.

On attendait d'un projet de loi relatif au Grand Paris qu'il apporte une vision de l'Île-de-France de demain, qu'il permette de relever les défis considérables d'une région-capitale qui ne serait pas concurrente des différentes métropoles françaises, qu'il nous renforce solidement dans la compétition internationale pour faire valoir les atouts de tout le territoire régional, et, enfin, d'un « Grand Paris » qui se pense et se vit comme une nouvelle forme de démocratie évoluée, capable de porter une véritable métropole du XXIe siècle.

Nous attendions de ce texte une vision qui aurait été discutée, passée au tamis de la démocratie, à l'instar des propositions non convergentes – et c'est bien normal ! – des dix équipes d'architectes et d'urbanistes missionnées par le Président de la République ; une vision qui prenne l'ensemble des problèmes et enjeux pour tenter de proposer un avenir à chacun ; une vision, enfin, qui saurait que la manière d'arriver à un but compte, dans notre société évoluée, souvent autant que le but lui-même.

C'est bien là, monsieur le secrétaire d'État, qu'est notre principale déception. Nous constatons en effet les différences entre le discours du Président de la République, le 29 avril dernier au Palais de Chaillot, et le contenu de vos propositions. Nous contestons à la fois les présupposés qui sont à la base de votre projet de loi et les mécanismes que vous proposez pour les mettre en oeuvre.

Votre projet, c'est en fait la création de pôles économiques reliés entre eux par un métro automatique rapide, le tout se justifiant, d'après vos hypothèses, par la possibilité d'atteindre une forte croissance économique régionale et un million d'emplois nouveaux dans les quinze prochaines années. Quelles conséquences de cette croissance hors norme de l'Île-de-France pour les autres régions françaises ? Quelle serait la corrélation entre cette forte augmentation de la population active, si elle se réalisait, et la population totale de la région ? Validez-vous ou non ces études sérieuses qui vont jusqu'à évoquer une Île-de-France à 13,5 millions d'habitants en 2020 comme seule possibilité d'atteindre cette augmentation du nombre d'emplois que vous proposez ? De tout cela, vous ne dites rien.

De même, d'où viendrait cette nouvelle main-d'oeuvre ? Des autres régions françaises ? D'un apport de main-d'oeuvre étrangère ? Où seraient logés les nouveaux Franciliens ? Rien n'est précisé, là non plus, dans votre projet. C'est notre première objection de fond : vous lancez des projets sans définir précisément votre point d'arrivée. Puisque vous utilisez cette image, je connais peu de décideurs qui osent lancer le premier étage d'une fusée sans savoir précisément d'où les étages suivants décolleront et même où ils atterriront… C'est pourtant bien la situation dans laquelle nous sommes !

Mais, même en nous situant dans la réalité de la situation actuelle, nous contestons également votre postulat qui croit pouvoir, à partir de certains lieux définis uniquement par leur vocation économique, organiser harmonieusement l'ensemble du territoire régional.

C'est bien de cela, et seulement de cela qu'il s'agit, contrairement à vos affirmations d'hier, monsieur le secrétaire d'État, puisque j'ai reçu aujourd'hui même une invitation à participer en votre présence à une réunion dans mon département, qui ne parle du Grand Paris qu'en termes d'enjeux économiques, ce qui est sans doute nécessaire, mais, à coup sûr, pas suffisant.

Où sont les habitants dans votre projet, leurs besoins en termes de cadre de vie et même de déplacements urbains quotidiens ? Absents.

Où sont les constructions de logements adaptées aux revenus des demandeurs actuels ? Nulle part.

Comment empêchez-vous l'étalement urbain afin de mettre en pratique les engagements du Grenelle de l'environnement ? Ce n'est pas dit.

Quel choix d'aménagement issu des travaux des dix équipes d'architectes mettez-vous en avant ? Aucun.

Où sont les modes de concertation et d'information des citoyens ? Réintroduits partiellement et à la va-vite dans un projet de loi que nos commissions ont déjà dû profondément amender.

Où sont les modalités de co-élaboration avec les élus ? Vous proposez de contracter – le couteau sous la gorge ! – avec les maires en vous affranchissant des responsabilités des départements, et encore plus de la région, que le législateur a pourtant chargés de l'aménagement !

Où sont les pouvoirs de contrôle et d'évaluation indépendante de l'action menée une fois engagée, puisque seul l'État aura les mains libres pour décider ce qu'il lui semblera bon ? Il n'en existe pas.

Comment se prémunir d'un effet d'aspiration des compétences des autres régions vers l'Île-de-France, qui ne les demande d'ailleurs pas forcément ? Rien n'est dit.

Où est la démocratie moderne permettant une large association de l'État – comme pilote et comme stratège – et des élus afin que, tous, nous avancions d'un même pas, avec des objectifs partagés ? Pour y répondre, vous organisez la mise sous tutelle des élus dans une « Société du Grand Paris » et ses filiales, un établissement à vocation commerciale – tout est dit ! –, qui aura la haute main sur une large part du territoire francilien et qui pourrait même avoir quelques visées sur d'autres régions, par l'intermédiaire de ces mêmes filiales.

Notre rapporteur, que je salue pour son écoute, n'en a pas moins expliqué hier que le terme « société », en l'espèce, faisait moderne, alors que cela fait surtout « libéral » ! Dans cette société, les élus auront juste le droit de surveiller, sans rien décider. Elle devra avant tout produire de la valorisation foncière pour porter financièrement l'emprunt de 17 milliards, qui est la seule ressource active de votre projet.

Malgré tout, je vous accorde une certaine logique : sur tous les sujets qu'aborde votre gouvernement, vous considérez les élus locaux, départementaux et régionaux comme coupables de tous les maux, et les citoyens comme des empêcheurs de décider en vase clos !

Qu'il s'agisse de la taxe professionnelle, de la réforme territoriale ou de votre présente démarche, ces pauvres élus n'ont rien compris, ni les uns ni les autres, face à un État vertueux par essence – et sans doute aussi parce que c'est un État-UMP par tous ses ressorts ! –, un État, donc, qui sait tout mieux que tout le monde et qui doit pour cela mettre en place des outils dérogatoires à toute la pratique usuelle de l'urbanisme, de l'aménagement, mais aussi de la démocratie locale.

Quant aux pauvres parlementaires que nous sommes, la manière dont le Gouvernement se comporte montre à quel point vous considérez nos débats plus comme un mauvais moment à passer que comme le lieu démocratique par essence.

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