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Intervention de Pierre Gosnat

Réunion du 24 novembre 2009 à 21h30
Grand paris — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Gosnat :

Remplaçons les représentants du peuple par des envoyés du seigneur ! Il s'agit, en somme, d'un interventionnisme politique au service d'un libéralisme économique.

Monsieur le secrétaire d'État, votre projet d'aménagement repose sur une vision ultralibérale du développement. Que sait-on, d'ailleurs, de ce projet, sinon qu'il organise la mise en concurrence des territoires et qu'il concentre l'effort de l'État sur les pôles de compétitivité, souvent en inadéquation totale avec les besoins des populations ? Vous définissez ainsi neuf grands territoires stratégiques de la région Île-de-France, mais nous n'avons pas la même définition de ce qu'est un territoire stratégique. Les millions de Franciliennes et de Franciliens, notamment les plus modestes, qui vivent en banlieue, sont les oubliés de votre projet. Ceux-là continueront à connaître la galère des transports et, dans quelques années, ils verront passer des trains rapides ultramodernes, qui ne s'arrêteront pas dans leur gare. Ce qui est stratégique, donc prioritaire, pour vous, c'est de relier, par exemple, les deux aéroports parisiens via la Défense, en y consacrant tous les moyens nécessaires pour assurer d'abord et avant tout le confort des hommes d'affaires fraîchement débarqués de leurs avions.

Vous nous annoncez un métro rapide à grande capacité qui transportera, selon vos prévisions, 3 millions de voyageurs par jour. Or rien n'est moins sûr, puisque vous prévoyez que les gares seront séparées par une distance moyenne de six kilomètres, soit quatre gares pour le Val-de-Marne, alors que le projet Orbival, élaboré par le conseil général, prévoit d'en implanter vingt dans le département.

Pour qui ce projet et ce métro sont-ils stratégiques ? Vous voulez nous convaincre que le projet du Grand Paris aura un impact positif sur l'ensemble du territoire national, alors qu'il n'est même pas à la hauteur des enjeux de la seule région Île-de-France ! Pour ma part, je suis convaincu que faire de la création de pôles de compétitivité ou de leur renforcement le moteur du développement de la région est un leurre. En effet, le cluster exclut plus encore qu'il n'inclut. Certes, il concentre sur le même territoire une activité à forte potentialité économique, souvent spécifique, qui rassemble à la fois institutions, infrastructures, entreprises, universités et centres de recherche ; en créant ainsi un mouvement de concentration et de centralisation de l'activité, il inclut. Mais il implique également une fermeture vis-à-vis de son environnement géographique proche. On le voit bien avec le quartier de la Défense, qu'on appelle d'ailleurs, comme l'un de nos collègues l'a rappelé tout à l'heure, le « quartier des affaires », dont l'activité a davantage d'impact à Londres ou New York qu'à Nanterre. Ainsi la notion libérale de l'aménagement du territoire, selon laquelle la création d'un grand pôle de développement économique bénéficierait à l'ensemble de la région, est loin d'être validée. Il suffit, du reste, de regarder ce qui s'est passé au cours des décennies précédentes : les inégalités territoriales se sont aggravées, s'ajoutant toujours aux inégalités sociales et culturelles, aux inégalités de vie en général.

C'est pourquoi les députés communistes sont opposés à votre vision de la région capitale et de son avenir. Nous défendons, quant à nous, un développement qui se fonde sur les besoins des bassins de population, c'est-à-dire le droit au logement, les transports de banlieue à banlieue, l'emploi, l'environnement, l'accès aux sports, à la culture, aux loisirs. De cela, il n'est pas question dans votre schéma. Les Franciliens veulent un développement concerté, partagé et solidaire. Voilà un projet qui pourrait rassembler ! Il pourrait, du reste, s'appuyer sur le schéma directeur de la région Île-de-France, lequel a été adopté non seulement par le conseil régional, mais aussi par la plupart des départements et par un grand nombre de villes. Hélas ! L'État refuse toujours de le faire enregistrer par le Conseil d'État.

Au-delà, nous savons qu'il existe en Île-de-France des potentialités humaines, scientifiques, technologiques et culturelles considérables, qui ne sont jamais exploitées, quand elles ne sont pas étouffées ou brisées par le chômage, la précarité et vos choix économiques. C'est pourtant bien là qu'elle se situe, monsieur le secrétaire d'État, la ville-monde dont vous parlez si souvent, dans ces potentialités aujourd'hui méprisées.

Enfin, personne n'est dupe, dans cette assemblée, quant au caractère opportuniste du présent projet de loi. La perspective des régionales de mars 2010 n'est évidemment pas étrangère à la parution de ce texte, la droite francilienne n'ayant pas grand-chose à proposer aux habitants de l'Île-de-France et ayant laissé, lors de son passage à la direction du conseil régional, un lourd passif dans le domaine des lycées, des transports ou du logement.

Tenter de faire rêver les électeurs en présentant les superbes projets de dix cabinets d'architectes et d'urbanistes pour, finalement, ne rien en retenir, voilà qui relève de la prestidigitation à quelques mois des élections régionales. Que restera-t-il de tout cela ? Je ne suis pas convaincu que le débat d'aujourd'hui, dans les conditions où il se tient, nous permette d'en savoir plus. C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

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