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Intervention de Pierre Gosnat

Réunion du 24 novembre 2009 à 21h30
Grand paris — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Gosnat :

Mais ne confondez pas vitesse et précipitation. Nous sommes encore dans un État de droit, qui impose que l'on respecte certaines procédures, et la démocratie prend du temps. Vous ne pouvez pas mettre en oeuvre un tel projet en faisant fi de l'avis des populations et des élus. Or, quand Jean-Paul Huchon déclare devant les députés de la commission que vous ne l'avez jamais officiellement auditionné, il est permis d'émettre quelques réserves sur la nature de cette concertation.

Il est vrai que vous n'avez pas ménagé vos déplacements au cours des derniers mois ; je vous ai moi-même reçu à Ivry, pour vous présenter un projet opérationnel de 5 000 logements et 25 000 emplois pour les quinze ans à venir. Mais qu'avez-vous réellement retenu de ces déplacements, à Ivry et ailleurs, dans ces villes qui souffrent et qui sont pourtant pleines d'espoirs et riches de projets, trop longtemps ignorés, voire méprisés par l'État ?

Cette absence de concertation, les conditions d'élaboration du projet de loi et son contenu même ne font que renforcer le caractère autoritaire de l'intervention gouvernementale. Oui, l'autoritarisme se fait chaque jour plus pressant dans ce pays. L'État, qui veut réduire tous les contre-pouvoirs, organise l'offensive. La région Île-de-France, une majorité de départements et un grand nombre de villes sont dirigés par la gauche ? Qu'importe ! L'État crée un établissement public à caractère industriel et commercial pour reprendre la main sur l'aménagement du territoire, car, au total, ce sont bien 35 000 hectares qui sont concernés. Quant à la liberté qu'ont les maires de signer ou non les contrats avec l'État, elle est très aléatoire, et vous le savez pertinemment.

Par ailleurs, la composition de la structure de gouvernance de la Société du Grand Paris ne laisse planer aucun doute sur les visées du Gouvernement. Le présent projet de loi propose en effet de créer un ÉPA, dirigé par un directoire dont les membres seraient nommés par décret. Pourtant, traditionnellement, les établissements publics sont gouvernés par un conseil d'administration qui élit son président parmi ses membres. Sans doute est-ce trop démocratique, ou trop risqué. Il vous serait en effet difficile d'assumer d'autres tragicomédies à la Jean Sarkozy !

Encore cette structure politico-administrative ad hoc n'est-elle pas suffisante. Pour être le bras armé du Gouvernement, elle doit être indéfectible. L'État s'assure donc qu'il aura la majorité au sein du conseil de surveillance : un seul maire pourra y siéger et – avancée considérable par rapport au texte initial – il pourra même voter. Mais sait-on jamais ? Quinze protections valent mieux qu'une. L'alinéa 11 de l'article 8 renvoie donc à un décret la définition des conditions dans lesquelles le commissaire du Gouvernement pourra s'opposer aux décisions du directoire. Cette construction juridique est un véritable morceau d'anthologie. Et puisque je parle de construction, il me semblait que nous avions récemment célébré la chute d'un mur. Eh bien, je constate, mes chers collègues, que l'on en reconstruit un. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plus sérieusement, c'est une nouvelle fois la décentralisation qui est en cause, et je ne peux m'empêcher de comparer le libéralisme économique de l'État avec son interventionnisme au plan politique. En somme, c'est un gant de velours pour les patrons et une main de fer pour les élus. Car chacun comprendra que le projet de loi relatif au Grand Paris doit être appréhendé dans l'ensemble de mesures et de lois au centre duquel se trouvent la réforme territoriale et la suppression de la taxe professionnelle. En effet, redoutant peut-être une fronde des collectivités qui, en son temps, avait fait vaciller la monarchie absolue de Louis xiv – il s'agissait, à l'époque, des parlements –, le Président de la République redessine progressivement les contours institutionnels de la Ve République et limite peu à peu l'expression de l'opposition. Le projet présidentiel est clair et le texte relatif au Grand Paris en est presque la caricature : moins d'élus et plus de technocrates.

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