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Intervention de Jacques Repussard

Réunion du 17 novembre 2009 à 17h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Jacques Repussard :

Le délai dans lequel l'incident a été déclaré est clairement inacceptable du point de vue de l'IRSN. C'est en effet probablement au mois de juin qu'une situation anormale a été identifiée : alors que l'on s'attendait à trouver au maximum environ 1,8 kg de matière dans chaque boîte à gants, l'une d'entre elles en contenait plus de 10 kg, ce qui représente un écart significatif. Même si aucun accident ne risquait de survenir, la situation était anormale. L'image de l'industrie nucléaire ne tolère aucun accident. Et pour parvenir à ce résultat, les règles ne suffisent pas. En effet, pour prendre un exemple, ni l'existence du code de la route, ni l'action de la gendarmerie ne permettent d'empêcher la route de faire 3 000 morts chaque année. Outre le respect absolu des règles, il faut donc attendre de tous les acteurs – ingénieurs, techniciens, autorités de sûreté, experts – qu'ils fassent preuve d'une culture de sûreté de haut niveau. Ainsi, quand on constate que les choses ne se passent pas comme prévu, il importe avant tout de chercher à comprendre le problème et surtout d'en parler, car l'information peut intéresser d'autres acteurs. En l'espèce, cela n'a pas été fait. Il ne s'agit donc pas d'une question de point de vue juridique sur l'existence d'une infraction, mais d'un écart par rapport aux bonnes pratiques de sûreté.

Mon interprétation est que les ingénieurs d'AREVA et du CEA savaient à quel point les marges de sécurité étaient considérables. Pendant l'exploitation déjà, la limite de chargement des boîtes en matières fissiles, fixée à 12 kg, tenait compte de la possibilité qu'une même quantité soit introduite deux fois par erreur. Cela signifie que même avec une quantité de 24 kg, tout risque de criticité était exclu. Pendant le démantèlement, la valeur limite a été fixée à 11 kg. Ici, il ne s'agissait plus d'introduire du plutonium dans les boîtes, mais, au contraire, d'enlever les matières fissiles restées en rétention et accumulées principalement sous forme de poussière. Il était donc nécessaire d'introduire dans les boîtes à gants des instruments de nettoyage. Une fois encore, la valeur maximale admissible avait été calculée à partir d'hypothèses très pénalisantes et éloignées de la réalité physique. Les ingénieurs concernés le savaient, et cette conscience de disposer de marges de sûreté très élevées peut expliquer qu'ils n'aient pas réagi. Il ne s'agit là que d'une interprétation possible ; en ce moment, l'ASN procède à une enquête détaillée qui devrait permettre d'en savoir plus. Quoi qu'il en soit, cette absence de réaction est regrettable, même si elle est restée sans conséquence.

Bien entendu, le fait de trouver jusqu'à 10,5 kg dans une boîte au lieu du 1,8 kg attendu correspond à une réduction des marges de sécurité. Est-ce une réduction « forte » ? Pour sa part, l'IRSN s'en tient aux termes de l'avis qu'il a rendu le 14 octobre.

La plupart des boîtes à gants contenaient moins de 200 grammes de matières fissiles – une quantité correspondant à la poussière étalée sur les parois des boîtes à gants. Dans l'une de celles qui servaient aux mélanges, on en a trouvé plus de 10 kg. L'avis de l'IRSN est qu'il aurait été raisonnable de suspendre le démantèlement de la trentaine de boîtes à gants susceptibles de contenir une quantité importante de matière en rétention, le temps de comprendre exactement la situation.

S'agissant du seuil de criticité, il est impossible de le calculer précisément. On sait seulement qu'il est bien plus élevé que la quantité de matière retenue dans le référentiel, c'est-à-dire 11 kg. Au-delà de cette limite, on est en situation d'anomalie, mais pas de risque. C'est cet aspect qui explique la différence entre les approches de l'ASN et de l'IRSN : concentrée sur le respect de la loi, la première ne pouvait admettre que la découverte d'une anomalie n'ait pas fait l'objet d'une déclaration. Elle a donc eu recours à son arsenal juridique pour sanctionner ce retard de déclaration. Sur le fond, il est vrai que le délai pris pour déclarer l'événement n'est pas acceptable. Quant à l'opportunité de prendre une telle sanction, je ne ferai pas de commentaire sur ce point.

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