Je remercie notre collègue Chassaigne et ses collègues d'avoir présenté une proposition de loi qui pose, de façon cruelle mais réaliste, le problème majeur de l'agriculture d'aujourd'hui. Les revenus de nombreux agriculteurs sont insuffisants et un grand nombre d'exploitations ferment ou ne sont pas reprises.
Quelle que soit notre sensibilité, nous faisons tous le même constat. Certaines communes n'ont plus un seul agriculteur, et de nombreux départements n'enregistrent qu'une installation pour quatre, cinq ou six départs. Nous prévoyons tous une diminution importante du nombre des exploitations sur notre territoire, mais celle-ci frappe particulièrement les régions où sont pratiqués l'élevage, la polyculture ou la culture hors sol.
Le débat que suscitera l'examen de cette proposition de loi en séance publique nous permettra d'éclairer le présent et de proposer des solutions pour l'avenir.
M. Chassaigne place la question des prix agricoles au centre de sa proposition. C'est une vraie question dans un marché ouvert : comment garantir au producteur des prix suffisants ? Comment faire en sorte que les prix soient rémunérateurs et que la grande distribution achète les produits à de tels prix ? Je vous avoue, mes chers collègues, que je n'ai pas de réponse. Comment, en toute légalité, soutenir les prix du fait des réglementations européennes et imposer à des acheteurs d'acheter des produits dont les prix sont fixés ? Soyons clairs, c'est totalement impossible.
L'examen de ce texte nous donnera l'occasion de débattre de la politique européenne, dont M. André Chassaigne souhaite qu'elle soit régulatrice. De ce point de vue, il est d'accord avec le ministre Bruno Le Maire, qui oublie cependant de dire qu'il appartient à une majorité qui n'a cessé de déréguler et qui a approuvé, notamment après 1990, le démantèlement de la PAC. Mais dans cette affaire, il faut bien reconnaître également que les socialistes ne sont pas exempts de reproches. Il est vrai aussi que lorsqu'ils proposent plus de régulation, ils se heurtent au refus de la droite, et je ne parlerai pas des forces syndicales. Je me souviens parfaitement de la mise en place des quotas laitiers par un gouvernement socialiste en 1984 et des affiches électorales placardées à l'époque dans la région du sarladais où le ministre Roland Dumas avait été candidat, sur lesquelles on pouvait lire : « Dumas = quotas ». Je me souviens aussi que, en 1999, lors de l'examen d'une loi de modernisation agricole soutenue par l'ensemble de la gauche, la droite était contre nous alors que nous voulions introduire des outils de régulation.
Aujourd'hui, l'agriculture française est victime du libéralisme débridé qui régit l'Union européenne. Elle est délocalisée, sacrifiée, comme l'ont été le textile et l'industrie de la chaussure.
J'espère que le débat qui aura lieu sur ce texte nous permettra de faire entendre la voix de la France dans le concert ultralibéral que l'Europe nous impose aujourd'hui.