Le projet de loi qui nous est soumis ce matin vise à autoriser l'approbation de l'avenant à la convention fiscale entre la France et la Belgique, signé à Bruxelles le 12 décembre 2008. Il s'agit de la troisième modification de cette convention tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, signée à Bruxelles le 10 mars 1964. La question précise qui fait l'objet de l'avenant concerne plus de 34 000 frontaliers venant de France qui travaillent en Belgique, dont plus de 19 000 dans le Hainaut et plus de 6 000 en Flandre-Occidentale. Ces frontaliers résident pour la grande majorité dans le Nord-Pas-de-Calais, et de façon subsidiaire en Lorraine ou en Champagne-Ardenne.
Nous évoquons périodiquement en France le cas d'assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune qui chercheraient refuge en Belgique… tel n'est pas du tout l'objet de l'avenant à la convention fiscale. Les populations directement visées sont composées d'ouvriers à plus de 60 %, qui veulent être imposés en France, là où ils résident, bien qu'ils travaillent en Belgique. Cette règle permise par la convention franco-belge déroge au principe général posé dans les conventions fiscales du modèle de l'OCDE, destinées à éviter les doubles impositions. Si ces travailleurs souhaitent être imposés en France, c'est en raison du faible poids de l'impôt français sur le revenu comparé à l'impôt belge sur les personnes physiques. Je détaille dans mon rapport écrit les éléments chiffrés de ce déséquilibre. Le désavantage est même aggravé pour les frontaliers résidents de Belgique. En effet, ceux-ci sont soumis à l'impôt sur le revenu en Belgique conformément aux dispositions de la convention fiscale de 1964. En revanche, ils paient leurs cotisations sociales en France en vertu des dispositions du règlement communautaire qui régit l'application des régimes de sécurité sociale au sein de l'Union européenne. Le niveau des impôts étant plus élevé en Belgique qu'en France et celui des cotisations sociales plus élevé en France qu'en Belgique, les frontaliers belges subissent donc un double désavantage.
Dès lors, le régime fiscal dérogatoire applicable en vertu de la convention franco-belge de 1964 est devenu de moins en moins acceptable par l'administration belge. La négociation d'un avenant pour corriger la situation n'a pas été facile. Elle s'est déroulée sur fond de contrôles fiscaux renforcés de la part des autorités belges, qui avaient pris des circulaires très restrictives ayant pour effet de fragiliser la situation des travailleurs frontaliers. Or il était important, pour les résidents français et pour leurs employeurs, de préserver le régime dérogatoire. Le compromis trouvé, formalisé dans le présent avenant, est le suivant : le régime existant est pérennisé, pour les résidents français, pendant une période de 25 ans mais il n'y aura plus de nouveaux entrants à compter de 2011. Les autres stipulations visent à régler des questions connexes ; elles tendent en particulier à clarifier la situation juridique des salariés perdant leur emploi et celle des travailleurs saisonniers. Un élément, surtout, a retardé l'aboutissement de la négociation : le montant de la compensation financière devant être versée annuellement par la France à la Belgique pour le manque à gagner fiscal résultant du maintien en vigueur du régime dérogatoire. La Partie belge l'estimait initialement à plus de 200 millions d'euros ; c'est finalement un montant de 25 millions d'euros qui est inscrit dans l'avenant. Le compromis est honorable.
J'ai reçu les représentants des travailleurs frontaliers qui ont insisté sur la nécessité d'une ratification de cet avenant avant la fin de l'année. Je souscris à leur point de vue et vous invite donc à voter en faveur du projet de loi, ce que le Sénat a fait le 20 juillet dernier.