Je voudrais tout d'abord vous donner quelques éléments qui permettront d'illustrer l'actualité de ce texte, à quelques semaines de l'ouverture du sommet de Copenhague, car les forêts tropicales jouent un rôle considérable dans la stabilisation du climat en retenant de 300 à 400 milliards de tonnes de carbone. Selon les Nations Unies, un milliard et demi d'habitants dépendent de la forêt pour leur survie. Pourtant, chaque année, 13 millions d'hectares de forêts sont détruits, soit l'équivalent de la superficie de 36 terrains de football chaque minute, ce qui intervient aussi pour 20 % des émissions de gaz à effet de serre.
La prise de conscience sur la protection nécessaire des forêts n'est cependant pas une nouveauté. Le texte qui nous est proposé est le troisième du genre, après le premier accord international sur les bois tropicaux, signé en 1983, puis un deuxième, en 1994. Le texte de 2006, qui met l'accent sur un aspect nouveau et complémentaire à ses deux prédécesseurs, permet d'arriver à un dispositif protecteur assez complet.
Ce sont des accords qui sont négociés sous l'égide de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement, la CNUCED, et qui, à la base, portent essentiellement sur des aspect économiques. En 1983, il s'agissait de mettre en place un cadre de coopération et de consultation entre pays producteurs et pays consommateurs de bois tropicaux, pour favoriser l'expansion et la diversification du commerce international, améliorer les conditions du marché, en tenant compte des perspectives de consommation, de la continuité des approvisionnements et de la rémunération équitable des producteurs. Il s'agissait aussi de soutenir la recherche et le développement, pour améliorer la gestion forestière et encourager le reboisement ainsi que pour développer des politiques nationales en faveur de l'utilisation durable, de la conservation des forêts tropicales et de la préservation de l'équilibre écologique. L'accord de 1994 vise à promouvoir une économie forestière respectueuse du développement durable dans le but que les Etats producteurs aient, en l'an 2000, les capacités de mener à bien des stratégies d'exportation de bois tropicaux et de produits dérivés basées sur des ressources provenant d'une gestion durable. L'accord de 2006 qui nous occupe aujourd'hui a été négocié pour mettre en place en place une coopération internationale entre pays producteurs et pays consommateurs, afin de lutter contre le commerce illégal des bois tropicaux.
Il faut en effet savoir que, sur les quelque 140 millions de m3 de bois tropicaux qui sont produits chaque année, la part due à l'exploitation illégale des forêts est considérable, elle peut atteindre jusqu'à 80 % de la production, et on estime qu'elle est en expansion. : Au niveau européen, par exemple, la proportion de bois tropicaux illégaux dans les importations de l'UE est estimée à 20 %. Ce nouvel accord insiste donc sur la promotion du commerce international de bois tropicaux afin qu'il fasse l'objet non seulement d'une gestion durable, mais aussi d'une exploitation légale, notamment en renforçant la capacité des pays producteurs à améliorer l'application de leur droit forestier, leur gouvernance et à lutter contre l'abattage illégal des bois tropicaux et leur commercialisation.
L'architecture de l'accord est classique. L'Organisation internationale des bois tropicaux, dont le siège est au Japon, à Yokohama, a été créée dans le cadre du premier accord. Elle regroupe aujourd'hui 80 % des forêts tropicales et 90 % du commerce mondial de bois tropicaux. Elle instaure une parité rigoureuse entre les 33 pays producteurs de bois tropicaux et les 26 pays consommateurs, parmi lesquels dominent fortement les pays européens, dont 15 membres de l'UE. Son organe exécutif est le Conseil international des bois tropicaux, qui se réunit au moins une fois l'an. Les pays membres y sont répartis en deux groupes, producteurs et consommateurs, qui disposent chacun 1000 voix au sein de l'organisation. Chacun des pays consommateurs dispose d'un minimum de 10 voix, augmenté d'une part proportionnelle, relative à son importance dans la consommation. Compte tenu de son rang dans le commerce international des bois tropicaux, la France détient, avec le Royaume Uni, le plus grand nombre de voix des membres de l'UE, avec 33 voix : elle est le cinquième importateur mondial de grumes tropicales et le cinquième exportateur de contreplaqués tropicaux que l'on fabrique à partir de nos importations de bois.
L'OIBT élabore des textes d'orientation générale, pour favoriser la gestion durable des forêts tropicales et la conservation des forêts ; elle aide aussi les pays producteurs à mettre en oeuvre des projets concrets et le secteur industriel à se développer. C'est une organisation internationale de taille modeste, financée par des contributions obligatoires des Etats membres et des contributions volontaires.
Comme je le disais, l'accord que nous examinons complète les mécanismes mis en place antérieurement, en 1983 et 1994, mais le caractère non contraignant des mesures prises au sein de l'OIBT en limite fortement l'efficacité pour réellement traiter le problème. C'est pour cette raison précise que l'Union européenne a commencé à développer en complément, ses propres instruments, notamment le Plan FLEGT (« Application des réglementations forestières, gouvernance et échanges commerciaux »), qui essaie de mettre en place des mécanismes de certification, pour garantir l'origine des produits importés, moyennant des accords bilatéraux de partenariats volontaires entre producteurs et consommateurs. Une réglementation européenne est aussi à l'étude pour la mise en place de mécanismes de vérification préalable, qui permettrait de s'assurer que les mesures nécessaires pour éliminer les achats de bois illégaux sont prises.
En d'autres termes, les choses avancent, sans doute plus rapidement dans un cadre régional qu'international. L'ensemble des efforts qui sont faits y contribue et je crois à cet égard qu'il est important que la France ratifie sans tarder cet Accord.