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Intervention de Guy Geoffroy

Réunion du 18 novembre 2009 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy, rapporteur :

La commission des Lois est saisie, en application de l'article 88-4 de la Constitution, d'une proposition de résolution que j'ai eu l'honneur de déposer avec M. Christophe Caresche au nom de la commission chargée des affaires européennes, le 11 février 2009, sur la proposition de directive du Conseil sur la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle.

La proposition de résolution ayant été renvoyée à notre Commission avant l'entrée en vigueur du nouveau Règlement de l'Assemblée nationale, le 25 juin 2009, les dispositions du nouvel article 151-6 ne s'appliquent pas à elle. En conséquence, la commission des Lois doit examiner et adopter la proposition de résolution afin qu'elle puisse devenir définitive. Dans l'avenir, en application de l'article 151-6, alinéa 2, du Règlement, les propositions de résolution adoptées par la Commission chargée des affaires européennes seront considérées comme adoptées par la commission permanente saisie au fond si celle-ci n'a pas déposé son rapport dans un délai d'un mois suivant leur dépôt.

Le principe de l'égalité de traitement et la lutte contre les discriminations font incontestablement partie des valeurs de l'Union européenne comme de la République française. En France, le principe d'égalité est l'un des trois principes fondateurs de notre République, issu de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen. En ce qui concerne l'Europe, le principe de l'égalité de traitement et la lutte contre les discriminations ont, dès l'origine, fait partie des objectifs poursuivis par les pères fondateurs de la Communauté économique européenne. Ainsi, le principe de la lutte contre la discrimination salariale entre les femmes et les hommes figurait déjà dans le traité de Rome en 1957. Ensuite, la Communauté européenne a adopté plusieurs directives en matière de lutte contre les discriminations, à partir de 1975. Initialement limitée au domaine salarial sur la base du traité de Rome, son intervention s'est ensuite progressivement étendue à l'ensemble des questions d'emploi puis au-delà de ces seules questions, à une grande partie des discriminations, d'abord sous l'effet des décisions de la Cour de justice des communautés européennes et, ensuite, grâce au protocole sur l'Europe sociale annexé au traité de Maastricht et aux ajouts du traité d'Amsterdam en 1997. En effet, ce dernier traité a complété le dispositif, en posant les bases juridiques d'un dispositif de lutte contre toutes les formes de discriminations.

Adoptée par la Commission européenne le 4 juillet 2008, la proposition de directive du Conseil relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle, qui fait l'objet de la proposition de résolution qui nous est soumise, s'inscrit parfaitement dans cette perspective, puisqu'elle vise à compléter l'ensemble constitué des actuelles directives en vigueur.

Je rappellerai brièvement les principales étapes de la législation européenne en matière de lutte contre les discriminations. Tout d'abord, l'article 119 du traité de Rome avait prévu le principe de l'égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes. Cette disposition, intégrée dans un traité à caractère économique, permettait de lutter contre les distorsions de concurrence pouvant résulter de différences salariales importantes entre les femmes et les hommes. Ensuite, l'article 94 de ce même traité, en permettant au Conseil de prendre à l'unanimité des directives destinées à assurer le rapprochement des législations ayant une incidence sur le fonctionnement du marché commun, a conduit à l'adoption de plusieurs textes permettant de lutter contre les discriminations. Enfin, l'article 308 autorisant le Conseil, dans les mêmes conditions d'unanimité, à prendre des mesures pour réaliser un des objets de la Communauté dans des domaines où aucun pouvoir d'action n'est prévu, a également permis l'adoption de textes dans ce domaine.

De nombreux textes communautaires, encore actuellement en vigueur, sont progressivement intervenus pour assurer l'égalité entre les genres dans le travail et l'emploi ainsi que, plus largement, dans le domaine social, de la directive du 10 février 1975 à celle du 15 décembre 1997.

Dans un deuxième temps, le dispositif de lutte contre les discriminations s'est étendu à l'interdiction de toutes les formes de discriminations dans l'emploi. Tout d'abord, en 1992, le protocole sur l'Europe sociale annexé au traité de Rome par le traité de Maastricht, signé par tous les États membres à l'exception du Royaume-Uni, a confirmé que la Communauté pouvait compléter et appuyer l'action des États membres en matière d'égalité entre hommes et femmes sur l'ensemble des questions relatives au travail et à l'emploi, « en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail et le traitement dans le travail ». Ensuite, en 1997, à la suite de la renonciation du Royaume-Uni à son précédent opt out, a également été insérée dans le corps du traité, à l'article 141, la teneur du protocole de 1992, en l'étendant, en outre, à toutes les formes de discrimination dans l'emploi et en prévoyant également le principe des actions positives.

Tous les critères susceptibles d'être à la base des discriminations dans l'emploi ont ainsi été couverts : le sexe ; la race ou l'origine ethnique ; la religion ou les convictions ; le handicap ; l'âge ; l'orientation sexuelle.

Cependant, le dispositif de lutte contre les discriminations reste partiel en dehors du champ professionnel. Le traité d'Amsterdam a apporté de profondes modifications au traité de Rome, à la demande notamment de la France, en matière de lutte contre les discriminations. Ce traité a inséré à l'article 13 une disposition donnant compétence à la Communauté pour lutter contre toutes les formes de discriminations. Par la suite, le traité de Nice a prévu la possibilité de prendre, dans le cadre de la procédure de codécision, des mesures destinées à appuyer celles prises par les États membres dans ces mêmes domaines. Les dispositions antérieurement en vigueur sont ainsi devenues le paragraphe 1 de l'article 13. Deux nouvelles directives, adoptées en 2000 et 2004 sur ce nouveau fondement, ont complété l'édifice juridique européen de la lutte contre les discriminations.

Néanmoins, en dépit de ces indéniables avancées, la protection contre les discriminations en dehors du champ professionnel reste encore incomplète. La proposition de directive qui fait l'objet de la proposition de résolution qui nous est soumise permet de combler les lacunes existant encore dans le dispositif européen de lutte contre les discriminations, et constitue la « dernière pièce indispensable à la cohérence de l'ensemble » du dispositif communautaire de lutte contre les discriminations, comme l'a souligné le rapport de la Commission chargée des Affaires européennes dans son rapport d'information.

Pour autant, en dépit de sa nécessité et de la légitimité des objectifs qu'elle poursuit, cette proposition de directive suscite un certain nombre de réserves et de critiques, en raison des imperfections de son dispositif et de ses considérants. Le Sénat a accompli un travail remarquable sur cette proposition de directive et émis des réserves que je partage pleinement dans une résolution adoptée le 18 novembre 2008.

S'agissant de la proposition de résolution que nous examinons, elle émet cinq demandes précises d'évolution de la proposition de directive. Premièrement, elle demande que la rédaction et les définitions de la directive soient améliorées. Deuxièmement, le champ d'application de la directive doit être défini d'une manière plus conforme au traité. Troisièmement, les précisions nécessaires doivent être apportées pour garantir, conformément au principe de subsidiarité et au traité, le plein respect des compétences des États membres. Quatrièmement, les dispositions relatives à l'interdiction des discriminations selon l'âge doivent être améliorées, afin notamment de laisser aux États la possibilité de moduler les actions et politiques publiques selon les âges de la vie. Cinquièmement, la proposition de résolution demande une amélioration et une clarification des dispositions relatives au handicap de manière, entre autres, à assurer leur cohérence avec la convention des Nations unies sur ce sujet.

Les nouveaux contacts que j'ai eus avec les autorités gouvernementales sur l'état d'avancement des discussions me confirment dans l'idée que les améliorations demandées par la proposition de résolution doivent être prises en compte, ce qui me conduit à vous demander d'adopter sans modification la proposition de résolution de la Commission chargée des affaires européennes.

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