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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 19 novembre 2009 à 15h00
Régulation de la concentration dans le secteur des médias

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Il me revient aujourd'hui de rapporter sur la proposition de loi déposée par le groupe socialiste, radical et citoyen, et visant à réguler la concentration dans les médias. Ce n'est pas la première fois que, dans cet hémicycle, nous abordons cette question. Je rappelle pour mémoire que les deux lois fondatrices, si j'ose ainsi m'exprimer, de 1986 – audiovisuel et presse – ont été modifiées en vingt-trois ans soixante fois pour l'audiovisuel et neuf fois pour la presse.

Que recherchons-nous lorsque nous voulons réguler le secteur de l'audiovisuel ou de la presse écrite, sinon garantir la liberté de communication à laquelle nous sommes tous attachés puisqu'elle fonde notre État de droit et la démocratie dans notre pays ? Encore faut-il que cette liberté d'expression et de communication soit effective.

Nous savons, les uns et les autres, qu'elle est portée par le bel article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, repris par nombre de textes à valeur constitutionnelle et par des conventions internationales. Encore récemment, le Conseil constitutionnel y faisait explicitement référence pour censurer la loi HADOPI dans une décision considérée par les constitutionnalistes comme historique, celle du 10 juin dernier.

Qui dit liberté de communication dit, en corollaire, indépendance des médias et pluralisme de l'expression politique comme de l'information.

L'indépendance des médias ne saurait être un vain mot, d'autant qu'ils sont véritablement devenus un quatrième pouvoir. Or, depuis deux ans et demi, la gouvernance de l'actuel Président de la République permet de moins en moins de garantir la séparation des pouvoirs qui protège l'indépendance et l'autonomie de notre assemblée. Nous l'avons encore constaté ce matin lorsque le Gouvernement, sur des propositions de loi déposées et défendues par l'opposition, a usé de la procédure des votes bloqués. L'indépendance de la justice, celle des médias sont tout autant mises à mal.

Le pluralisme de l'information, de l'expression politique, est en cause. J'en profite, puisque le groupe SRC en avait pris l'initiative, pour me réjouir à nouveau de la décision du Conseil d'État, reprise, par obligation, par le conseil supérieur de l'audiovisuel, et visant à décompter le temps de parole du Président de la République lorsqu'il s'exprime sur des sujets nationaux, dans le temps de parole des représentants des différents courants politiques concourant à l'expression de la démocratie dans notre pays.

De même, je pense que la proposition de loi que je suis amené à rapporter est avant tout le fruit de ce qui caractérise essentiellement le paysage audiovisuel français, dit « PAF » à une certaine époque, mais aussi la presse écrite dans notre pays. La France présente cette particularité, que l'on retrouve d'ailleurs en Italie, de ne pas avoir de « Murdoch », c'est-à-dire de grand groupe multimédias dont le seul métier serait la communication. Nous avons en revanche de grands groupes industriels et financiers dont le coeur de métier est souvent éloigné des métiers de la communication et qui possèdent les grands titres de la presse écrite, mais aussi les grands médias, qu'il s'agisse de la radio ou de la télévision.

Malheureusement, certains de ces groupes, pas tous, dont le coeur de métier, je le répète, n'est pas la communication – vous les connaissez : Arnault, Bolloré, Bouygues, Lagardère, Dassault, Pinault –, sont amenés à vivre des commandes de l'État, donc des marchés publics. Du coup, une relation, un lien coupable, si j'ose dire, s'établit entre eux et le pouvoir exécutif, disons plutôt la puissance publique car le problème ne saurait concerner uniquement l'État.

Les états généraux de la presse s'en étaient d'ailleurs inquiétés. Les journalistes avaient ainsi, le 24 novembre 2008, il y a à peine un an, lancé un appel au théâtre de la Colline, dans le 20e arrondissement de Paris, pour que les législateurs jouent leur rôle de régulateur.

Évidemment, parler d'indépendance des médias, d'indépendance des journalistes, ne saurait se résumer à la question dont nous allons traiter cet après-midi. L'indépendance des équipes rédactionnelles, par exemple, est un sujet essentiel qui nécessitera sans doute que nous tenions notre rôle.

Il reste que, aujourd'hui, s'agissant de la concentration des médias dans notre pays, il ne s'agit pas de revenir sur les seuils définis voici quelques années, les fameux 49 % pour l'audiovisuel et 30 % pour la presse écrite, peut-être parce que TF1 n'occupe plus aujourd'hui la position dominante en termes d'audience qui était la sienne il y a une dizaine d'années, l'arrivée d'internet, la concurrence des chaînes de la TNT conduisant à une répartition plus équilibrée de l'audience, faisant ainsi vivre la diversité. Qui pourrait s'en plaindre ?

De ce fait, nous nous trouvons dans une situation très franco-italienne, en présence de groupes industriels et financiers vivant des commandes de l'État et possédant de grands médias.

Sans doute, ailleurs qu'en France – je pense aux pays anglo-saxons –, parlerait-on spontanément de conflit d'intérêts.

Le problème est également la manière dont le pouvoir est exercé depuis deux ans et demi. Le décompte du temps de parole, tel qu'il résulte des décisions du Conseil d'État et mis en oeuvre par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, est bien une question d'actualité tant les interventions du Président de la République Nicolas Sarkozy dans les médias sont sans commune mesure avec celles de ses prédécesseurs.

Avant d'être élu, Nicolas Sarkozy, plus et mieux que d'autres, a su se constituer un réseau étroit d'amis. Certes, ce ne sont pas ses amitiés qu'on lui reproche, même s'il a su, de manière assez honnête et visible, les mettre en avant le soir de son élection, le 6 mai 2007. C'est la fameuse liste des invités de Mme Cécilia Sarkozy au Fouquet's, que j'ai annexée au rapport que j'ai l'honneur de vous présenter.

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