…pour avoir permis que ce texte vienne en séance publique en l'inscrivant dans l'ordre du jour réservé au groupe SRC.
À mon tour, je regrette profondément l'attitude du président du groupe UMP et du Gouvernement ce matin qui ont demandé le report des votes relatifs à nos propositions de loi. Nous souhaitons cependant que cette proposition de loi soit votée mardi prochain comme elle l'a été en commission des lois le 16 juin dernier.
Ce texte est le résultat d'un important travail parlementaire qui a associé la majorité et l'opposition et qui a permis d'aboutir à un consensus. Je voudrais remercier le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, de nous avoir confié cette tâche, à Jacques Alain Bénisti et moi-même. Nous avons travaillé dans le cadre d'une mission d'information non seulement pour faire l'état des lieux des problèmes posés en matière de fichiers, mais aussi pour essayer de trouver ensemble des solutions respectueuses des droits des citoyens et utiles à l'efficacité de la police.
Jamais jusqu'ici le Parlement n'avait examiné de façon globale la situation de l'ensemble des fichiers de police dont le nombre est en très nette augmentation depuis plusieurs années. Le nombre de citoyens inscrits dans ces fichiers s'est également considérablement accru ces dernières années.
La question n'est pas d'être pour ou contre les fichiers de police. Il est bien évident que pour faire leur travail, les policiers et gendarmes ont besoin de fichiers performants. Encore faut-il que l'on sache qui peut figurer dans ces fichiers, sur la base de quels critères, pour quel type de données et pour combien de temps. En la matière, les inquiétudes de nos concitoyens sont fortes en raison de la massification rapide du fichage ces dernières années.
Notre travail parlementaire trouve d'abord sa source dans la mobilisation citoyenne sans précédent contre le fichier EDVIGE à l'été 2008. La pétition du collectif « Non à EDVIGE » avait alors recueilli plus de 200 000 signatures, ce qui avait finalement conduit le Gouvernement à retirer le décret concerné.
Face aux inquiétudes légitimes sur le respect des libertés individuelles, nous avons voulu disposer d'une vision d'ensemble de l'évolution des fichiers, comprendre les besoins et les impératifs de ceux qui les utilisent, examiner tous les dysfonctionnements et nous interroger sur les choix stratégiques à opérer dans un domaine où l'évolution rapide des technologies rend les fichiers existants rapidement obsolètes. Au terme d'un travail de six mois, nous avons abouti – c'est suffisamment rare pour être souligné – à des solutions qui ont fait l'objet d'un consensus.
Sur les cinquante-sept propositions de notre rapport d'information, cinquante-trois sont consensuelles et seuls quatre points ont fait l'objet de divergences. La proposition de loi qui vous est soumise donne une traduction législative à vingt-six propositions de ce rapport.
Jusqu'au bout, jusque dans l'examen des amendements adoptés en commission, nous avons cherché, Jacques Alain Bénisti et moi-même, à préserver cette démarche consensuelle, car c'était de notre point de vue le meilleur moyen de faire bouger les choses.
Notre conviction centrale, qui est au coeur de cette proposition de loi, c'est qu'il est indispensable de légiférer sur les fichiers de police. La proposition de loi se veut ainsi une réponse d'ensemble, cohérente, globale aux problèmes qui sont posés. Elle repose sur trois piliers : une refonte du cadre législatif ; une meilleure protection des droits des citoyens ; de nouveaux outils au service de l'efficacité de la police et de la gendarmerie.
Nous avons recensé cinquante-huit fichiers de police existants à l'heure actuelle, dont 25 % n'ont aucune base juridique – on pourrait dire qu'ils sont illégaux – et seulement 17 % ont été créés par le législateur.
La pierre angulaire de notre proposition de loi consiste, je le répète, en une refonte du cadre juridique afin que toute création d'un fichier de police d'une nature nouvelle fasse désormais l'objet d'un débat public, démocratique et transparent, donc d'un débat législatif.
Il s'agirait d'une avancée démocratique majeure, dans un domaine où tous les gouvernements successifs se sont accommodés d'une situation confuse, certains fichiers étant dépourvus, je l'ai dit, de tout fondement juridique, d'autres relevant du décret, d'autres enfin, plus récents, ayant été créés par la loi.
Toutes les caractéristiques qui définissent un fichier de police engagent à notre sens les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, pour lesquelles le législateur est seul compétent, en vertu de l'article 34 de la Constitution.
De même, seul le législateur peut autoriser à déroger au principe d'interdiction générale défini par la loi « Informatique et libertés » en matière de collecte et d'enregistrement des données sensibles.
Améliorer la protection des droits des citoyens constitue le deuxième objectif de cette proposition de loi. En la matière, le problème majeur est posé par le fichier STIC, dans lequel figurent 5,5 millions de personnes mises en cause et 28 millions de personnes victimes. Ces chiffres sont considérables. De fait, le nombre de personnes inscrites dans ce fichier a augmenté de 41 % en huit ans ; cette hausse est liée à la politique du chiffre menée au sein de la police nationale.
Surtout, la CNIL a constaté lors de ses investigations que, dans les fichiers STIC et JUDEX, seulement 17 % des fiches relatives à des personnes mises en cause comportaient des informations exactes. Le taux d'erreur est donc considérable. Or ces erreurs peuvent malheureusement entraîner des conséquences très lourdes, voire dramatiques, pour la vie quotidienne de nombreux citoyens, s'agissant notamment de l'accès à l'emploi. Le titre II de la proposition de loi tend à remédier à cette absence de fiabilité des informations inscrites dans les fichiers d'antécédents judiciaires, afin d'éviter aux citoyens le préjudice résultant d'informations inexactes – un million d'emplois sont concernés – et de permettre aux services de police de disposer d'informations fiables.
Après avoir écouté tous les services concernés par l'épisode du fichier EDVIGE, ainsi que les associations qui s'étaient alors mobilisées, nous proposons une solution dans les articles 17 et 18, persuadés que c'est à la loi de résoudre le problème, en mettant fin au fichage des syndicalistes, des responsables associatifs, des élus et des responsables politiques. Il s'agirait d'un progrès démocratique important. En outre, le traitement de tout ce qui pourrait s'apparenter à des données sensibles doit être très strictement encadré.
Enfin, la troisième partie du texte permet la création, là encore par la loi, des nouveaux outils performants dont les services de police et de gendarmerie ont besoin. Loin d'une logique de fichage généralisé, il s'agit de fichiers pointus et ciblés, appelés fichiers de rapprochement, et qui permettent notamment de mieux lutter contre la délinquance sérielle. Le texte permet ainsi la création des fichiers CORAIL et LUPIN, en cours d'élaboration par les services de police.
Voilà, mes chers collègues, ce que je souhaitais vous dire dans le temps qui m'est imparti. Au cours du travail que nous avons mené sur les fichiers de police, il nous est apparu que le débat avait essentiellement lieu non pas entre députés de droite et députés de gauche,…