Monsieur le secrétaire d'État, mon intérêt pour les archives nationales s'explique par le fait qu'elles doivent s'installer à Pierrefitte-sur-Seine, commune de ma circonscription. Évidemment, si le budget de la culture ne comportait que cette mesure, je le voterais des deux mains…
La hausse du budget de la culture pour 2009, soit une progression de 2,6 % par rapport à 2008, s'explique uniquement par l'affectation de fonds de concours. Or, ces dotations extrabudgétaires – 35 millions d'euros engrangés par l'État grâce à des cessions immobilières – ne devraient même pas être versées au projet de loi de finances ! Par ailleurs, elles sont allouées pour la seule année 2009 et ne constituent pas une ressource pérenne, sauf à vendre d'autres immeubles l'année prochaine. En 2008, leur montant, fixé à 18 millions d'euros dans les documents budgétaires, s'élève seulement à 14 millions d'euros. Alors que budget 2008 était censé augmenter de 3,2 %, les documents budgétaires de cette année font état, « pour mémoire », d'une hausse de 0,5 % à périmètre constant. On peut donc gager que la hausse comptable de 2,6 % pour 2009 sera, en réalité, nettement moindre. Votre enthousiasme, d'ailleurs mesuré, monsieur le secrétaire d'État, mérite donc d'être relativisé.
C'est sans doute pour cette raison que le ministère de la culture, malgré son triomphalisme, propose des réformes pour le moins « rigoristes ». Il s'agit, selon ses propres termes, de « dégager des synergies par la réorganisation des services », et de « maîtriser les coûts grâce à la modernisation de la gestion des activités ». Les opérateurs sont invités à appliquer une gestion d'austérité et voient leurs subventions largement réduites – avec, par exemple, 40 millions d'euros d'autorisations d'engagement en moins pour les grands musées. Les opérateurs se trouvent alors dans l'obligation de « diversifier leurs sources de financement » et d'« améliorer leurs taux de ressources propres, comme le mécénat, la valorisation des domaines et des actifs immatériels… ». La désertion de l'État se traduira par toujours plus de commercialisation et de mercantilisation de la culture. Les monuments nationaux devront ouvrir des espaces à la location et faire de l'événementiel, les musées ouvrir plus de boutiques et vendre casquettes et tee-shirts pour se financer. Ce que le Gouvernement appelle « filialisation des activités commerciales » revient, en fait, à appliquer à la culture les méthodes du secteur privé et de l'industrie culturelle.
Dans le domaine de la création, les établissements publics nationaux – Opéra, Comédie Française, Cité de la musique… – voient leurs crédits de fonctionnement baisser de 10 millions d'euros et doivent se débrouiller pour compenser ces coupes claires. Sans doute est-ce pour contrebalancer ces crédits en baisse que le Gouvernement a envisagé, avant d'abandonner ce projet, l'annexion de la MC93 de Bobigny par la Comédie Française.
Partout est prônée, au nom de la RGPP, la maîtrise des coûts et de l'emploi public. Plus de 100 postes sont supprimés cette année en vertu du dogme du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Les opérateurs sont contraints de « dégager des synergies », autrement dit, de couper dans l'emploi, les dépenses et les services proposés.
« Une plus grande efficacité dans la réalisation des missions du ministère sera recherchée par l'ensemble des acteurs, et notamment par les établissements publics qui seront incités à développer leurs ressources propres. Dès 2009, leurs subventions seront diminuées de 1 % en moyenne », est-il écrit. Si l'on comprend bien les arguments du ministère de la culture, c'est dans un souci d'« efficacité » que les subventions sont coupées, et ce « dès 2009 ». Cela veut sans doute dire que 2009 n'est que le début de cette politique de « désubvention ».
Ce budget est d'ailleurs pluriannuel. Il s'étale sur trois ans et prévoit, pour 2010 et 2011, une hausse de seulement 0,6 % par an. Il est donc, compte tenu de l'inflation, quasiment récessif. Pour les deux prochaines années, sont programmés environ 120 millions d'euros d'autorisations d'engagement en moins. Quand on entend le ministre du budget nous annoncer, en préambule de l'examen de la loi de finances, que « la colonne vertébrale des budgets 2009, 2010 et 2011 est de réaffirmer la nécessité de réduire le poids exorbitant de la dépense », on tombe des nues ! Après que les caisses de l'État, prétendument vides, se sont soudain remplies pour soutenir les tenants de la finance, voilà que la moindre dépense est désormais présentée comme « un poids exorbitant » ! L'État peut secourir les banquiers et les institutions financières à hauteur de centaines de milliards d'euros, mais il doit surtout s'abstenir d'augmenter les crédits consacrés à la culture ou aux services publics. Dans ces conditions, le serrage de ceinture imposé à ce budget de la culture, comme à de multiples autres budgets, est purement et simplement inacceptable. C'est la raison pour laquelle nous votons contre.