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Intervention de Dominique Orliac

Réunion du 19 novembre 2009 à 9h30
Droit de finir sa vie dans la dignité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Orliac :

Le 17 février dernier, nous adoptions, ici même, la proposition de loi de nos collègues Leonetti, Gorce, Jardé et Vaxès visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie. Si ce texte, qui n'est toujours pas examiné par le Sénat, apportera indéniablement un progrès quand il sera adopté, il ne réglera évidemment en rien la question de la fin de vie et du droit de mourir dans la dignité.

Et pourtant, depuis le décès en septembre 2003 de Vincent Humbert, les propositions de loi visant à la légalisation de l'aide active à mourir se sont multipliées, en provenance de tous les bancs et de toutes les familles politiques, témoignant de l'empathie de la représentation nationale pour toutes les personnes malades et leurs entourages qui souffrent.

C'est ainsi qu'avec mes collègues radicaux de gauche, après nous être longuement entretenus avec notre ancien collègue, également ancien président de l'ADMD, Henri Caillavet, nous avons déposé le 17 juin dernier une proposition de loi instaurant le droit de vivre sa mort, avant que nos collègues socialistes déposent le mois dernier la présente proposition de loi relative au droit de finir sa vie dans la dignité. En dehors de quelques points de divergence, à commencer par leurs intitulés, ces deux textes sont très proches, et surtout ils poursuivent le même objectif : instituer le principe d'un droit à l'aide à mourir dans la dignité.

J'espère surtout qu'aujourd'hui nos collègues de la majorité, en tout cas un certain nombre d'entre eux, s'associeront à notre démarche et permettront l'adoption de cette proposition de loi. Car désormais notre société est prête, et il revient au législateur de prendre ses responsabilités. C'est au Parlement, et à lui seul, qu'il revient d'instaurer, au-delà des clivages politiques traditionnels, le droit de vivre sa mort. C'est une question d'éthique et, pour chacun d'entre nous, ni plus ni moins qu'une question de conscience.

Pour quelles raisons faudrait-il encore attendre ? Ces questions ne cessent de revenir avec acuité dans le débat public depuis plus de trente ans. Comme nous l'indiquions dans l'exposé des motifs de notre texte, la première proposition de loi sur le sujet date d'avril 1978 ; elle avait été déposée par le sénateur radical Caillavet. De même, le 15 novembre 1989, le député radical Bernard Charles déposait une proposition de loi tendant à rendre licite la déclaration de volonté de mourir dans la dignité.

Nous le savons tous, ce n'est qu'une question de temps, car un jour viendra où le Parlement légalisera et encadrera l'aide active à mourir. N'attendons pas d'y être contraints par l'actualité, mais sachons devancer la progression des attentes d'une société dont la position n'a cessé d'évoluer.

Pourquoi continuer de refuser de voir la réalité telle qu'elle est ? Aujourd'hui, en France, l'aide active à mourir est pratiquée dans une totale illégalité, et cette hypocrisie n'est plus acceptable. Le temps est désormais venu d'agir. Pourquoi ne pas franchir aujourd'hui le pas nécessaire pour autoriser l'aide active à mourir ? Pour nous, il ne s'agit ni plus ni moins que d'un progrès social supplémentaire et d'un droit humain propre à une société civilisée et prétendument moderne. Face aux souffrances des malades et de leurs familles, le temps presse.

Comme la nôtre, la présente proposition de loi de nos collègues socialistes s'inspire des travaux de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité. Aussi est-elle de nature à apporter des solutions juridiques à la problématique éthique qui est posée, et donc à répondre le mieux possible aux souffrances des personnes pour lesquelles vivre est devenu insoutenable.

Dans le même temps, cette proposition de loi est relativement simple dans sa rédaction, comme du reste dans sa mise en oeuvre. Autant de raisons qui plaident en faveur de son adoption et préviennent toute objection technique de la part du Gouvernement pour nous expliquer savamment qu'il faut encore attendre.

Le texte qui nous est présenté aujourd'hui poursuit la logique de la loi du 22 avril 2005 qui a permis de mettre un terme à l'acharnement thérapeutique.

Il pose le principe d'un droit à l'aide active à mourir dans la dignité, avant d'en organiser la mise en oeuvre pratique. C'est ainsi qu'il prévoit les modalités de traitement collégial des demandes adressées au médecin traitant ainsi qu'un dispositif de directives anticipées, qu'il précise le droit à l'objection de conscience des professionnels de santé et qu'il intègre une formation sur les conditions de réalisation d'une euthanasie dans la formation des professionnels de santé.

De plus, le texte proposé met en place une Commission nationale de contrôle des pratiques relatives au droit de finir sa vie dans la dignité, qui délègue à des commissions régionales le soin de vérifier si les exigences légales ont été respectées. Sur ce point, les radicaux de gauche souhaiteraient voir supprimer la référence à des commissions régionales. Au nom du principe de l'égalité républicaine, il nous semble impératif de maintenir une seule et unique commission, de fait nationale, en charge du contrôle.

Cette proposition de loi met également en avant un argument de justice sociale. Car il est difficilement possible d'accepter, dans notre pays et dans notre République, que l'aide active à mourir s'opère dans l'illégalité en France et en toute légalité à l'étranger, comme en Belgique et aux Pays-Bas, lorsque l'on possède les moyens financiers et les connaissances nécessaires.

De ce point de vue, ce débat sur la fin de vie en rappelle d'autres qui se sont tenus ici même, à cette tribune, il y a plus de trente ans et qui ont permis le droit à l'interruption volontaire de grossesse, que personne n'entend désormais remettre en cause dans l'hémicycle, du moins je l'espère.

Enfin, je rappellerai que le meilleur moyen d'éviter d'éventuelles dérives, c'est encore de légiférer. Ne rien faire, ne pas changer la loi ne signifie pas pour autant qu'aucune pratique d'euthanasie n'existe. Soyons responsables, assumons notre fonction de législateur.

Mes chers collègues, légaliser l'aide active à mourir, ce serait accéder à une demande lucide et réitérée de tous ceux qui ont sollicité et sollicitent, dans la souffrance, une assistance à mourir. C'est un principe de justice et d'humanité.

Je le répète : le compte à rebours a commencé. Ce n'est plus qu'une question de temps, mais pour beaucoup le temps presse. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.)

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