Ce qui est moderne, c'est d'accompagner les malades dans les services de soins palliatifs.
Enfin, la proposition de loi que vous proposez est hors de la réalité médicale et humaine. Il faut bien distinguer deux situations particulières. Il y a celle de la phase toute terminale, pour laquelle chacun s'accorde à dire, je crois, que la loi actuelle est suffisante. Et il y a celle, en amont, où le malade, qui vient d'apprendre qu'il souffre de telle maladie, déclare qu'il estime, en conscience, que la vie qu'il va mener ne vaut pas la peine d'être vécue. Nous ne sommes alors plus dans la démarche de l'euthanasie terminale, mais nous nous approchons de celle du suicide assisté. Nous savons que des pays tels que la Suisse, aux législations pénales assez proches de la nôtre, qui ont opté pour le suicide assisté, ont abouti à des dérives qui ont fait qu'à terme on a donné la mort à des gens qui étaient seulement las de vivre et qui ne souffraient pas de maladie grave et incurable.
Aujourd'hui la législation hollandaise est condamnée par le conseil des droits de l'homme de l'ONU. La législation suisse revient sur ses propositions. La Belgique est, une fois de plus, divisée entre des hôpitaux qui pratiquent et des hôpitaux qui ne pratiquent pas. Quant à la loi anglaise, elle émet des recommandations calquées sur le droit français. Aujourd'hui, c'est la France qui est moderne, car elle a tracé une voie originale entre le respect de l'autonomie d'une part, le respect de la fragilité et la compassion d'autre part.
Quelle société voulons-nous ? Voulons-nous une société humaniste ? Je dis bien humaniste, non religieuse. Il me suffirait, monsieur Desallangre, de vous citer Robert Badinter disant que la loi de 2005, qu'il a soutenue, était « tout à fait satisfaisante ». Ou Axel Kahn, pour qui elle est « sans doute la meilleure d'Europe ». Ou encore Alain Grimfeld, qui affirmait qu'«il serait déraisonnable de voter une autre loi ». Ces hommes ne sont pas des religieux, ce sont des agnostiques. Ils savent que si le ciel est vide, notre responsabilité n'en est que plus grande. Nous sommes condamnés, comme le disait Sartre, à la liberté et à la responsabilité, laquelle est encore plus grande envers les plus fragiles.