Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui afin de débattre d'une proposition de loi qui concerne un sujet à la fois délicat et très médiatisé.
En préambule, je souhaite attirer votre attention sur l'intitulé pour le moins ambigu de ce texte : « proposition de loi relative au droit de finir sa vie dans la dignité ».
Au premier abord, on pourrait croire qu'il s'agit de la perspective de bien vieillir, de finir sa vie dans la dignité. Or ce n'est pas l'objet de cette proposition de loi, qui autorise « toute personne majeure, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable » à demander « une aide active à mourir », afin d'« [éviter de subir] une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée et qu'elle juge insupportable [et de] mourir dans la dignité ».
Il me semble essentiel de réfléchir à ce que ce signifie la dignité. A-t-on le droit de dire que l'homme qui souffre perd sa dignité ? La dignité se définit comme le sentiment de la valeur intrinsèque d'un être humain. Chaque homme est et reste toujours digne.
Comme l'a si bien souligné notre collègue Jean Leonetti la semaine dernière, lors de l'examen de cette proposition de loi en commission des affaires sociales, nous avons une expérience de la mort par la mort des autres. De nos jours, cette expérience suscite en nous, outre la peur ancestrale de la mort et de la souffrance, celle de la dépendance et de la dégradation. Malgré l'intense émotion que le sujet de la fin de vie peut provoquer en nous lorsque nous sommes informés de destins tragiques comme ceux de Chantal Sébire ou Vincent Humbert, nous devons mener notre débat de façon raisonnée et posée.
La présente proposition de loi fait franchir une étape décisive à la loi du 22 avril 2005 relative aux « droits des malades et à la fin de vie » qui prévoit qu'une équipe médicale ne doit pas poursuivre des traitements par une « obstination déraisonnable » et fait obligation de dispenser des soins palliatifs. Elle met un terme au « maintien artificiel de la vie » en instaurant un droit au « laisser mourir ». Bien entendu, interrompre le traitement ne signifie pas interrompre les soins qui sont dus jusqu'au bout de la vie.
La proposition de loi, qui nous est aujourd'hui présentée, veut aller beaucoup plus loin en légalisant la pratique de l'euthanasie active, transformant ainsi le droit de mourir en droit à mourir qui est un droit donné par un tiers. Ce droit, qui engage la responsabilité du groupe, dépasse largement la question de la seule liberté individuelle. Il est de nature à rompre le consensus qui fit adopter la loi de 2005 actuellement en vigueur. Nous devons, pour autant, veiller, pour cette loi comme pour toute loi, à son application et à sa bonne adaptation au contexte sociétal. C'est ce qui a été fait en novembre 2008 par la mission d'évaluation de la loi de 2005 qui a remis un rapport d'information présenté par notre collègue Jean Leonetti. Le rapport insiste sur le fait que la loi de 2005 est encore mal connue des soignants comme des patients et de leurs familles. Mal connue, cette loi est aussi mal appliquée et ne donne pas toute sa mesure. Le rapport met, de plus, en lumière l'insuffisance de l'organisation des soins palliatifs ainsi qu'une nécessaire amélioration de la formation des personnels de santé. Ce rapport de 300 pages avance vingt propositions et préconise, entre autres, la mise en place d'un observatoire des pratiques médicales de la fin de vie. Cet observatoire devait remettre chaque année un rapport au Parlement faisant état des problèmes liés à la fin de vie en France et comportant des études thématiques. Depuis la présentation de ce rapport, une année s'est écoulée. Quelles avancées ont été réalisées ? Quelles nouvelles questions se posent ? La loi de 2005 est toujours mal connue et, de ce fait, mal appliquée. Elle représente pourtant une véritable avancée et doit être améliorée. Le groupe Nouveau Centre demande le développement des unités de soins palliatifs, actuellement en nombre très insuffisant. En vue d'une meilleure assistance et prise en charge des personnes souffrant de maladies graves ou incurables, nous devons mobiliser davantage de moyens pour le renforcement et l'amélioration de la formation des personnels de santé accompagnant les personnes en fin de vie. Comme l'écrit la psychologue Marie de Hennezel, auteur du rapport de mission « La France palliative », nous considérons que « la fin de vie est encore la vie ». Il nous faut donc aller plus loin dans la réflexion du législateur sur les droits des malades et la fin de vie. Approfondissons la loi actuelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)