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Intervention de Jacques Desallangre

Réunion du 19 novembre 2009 à 9h30
Droit de finir sa vie dans la dignité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Desallangre :

En 1999 – puisque vous parlez beaucoup des soins palliatifs –, c'est avec Gilberte Marin-Moscovitz que j'ai déposé la proposition de loi généralisant les soins palliatifs, improprement appelée depuis lors loi Kouchner. Je concluais en précisant que c'était un premier pas, avec la prise en charge de la souffrance physique, mais que cela ne devrait pas nous faire oublier les souffrances psychologiques et existentielles. Je souhaitais déjà que nous ouvrions le débat sur le droit de chacun à déterminer les conditions de sa fin de vie.

Aujourd'hui, nos concitoyens sont prêts à engager le débat au fond sur le droit de mourir dans la dignité mais le législateur que nous sommes n'a encore jamais véritablement osé. Comme souvent, nous sommes en retard sur la société et les moeurs.

Le second rendez-vous fut la loi dite Léonetti, dont tant se félicitent mais qui n'est, à mes yeux, qu'une étape ; cette loi a été écrite pour protéger les médecins, en reconnaissant la pratique de l'orthothanasie. C'était nécessaire ; cela demeure insuffisant.

Considérant que vous ne pouviez éluder le débat indéfiniment, puisque nos concitoyens sont prêts à le mener, je vous avais donné un nouveau rendez-vous et, en 2001, puis en 2003, j'ai déposé deux propositions visant à instituer le droit de mourir dans la dignité. Je considérais que le temps était venu de franchir le pas et d'accorder aux femmes et aux hommes cette dernière liberté, celle de choisir sa fin de vie ; sans doute espérais-je trop.

Dix ans plus tard, le débat s'ouvre. Sera-t-il le vrai débat sans arrière-pensée que nous attendons, que notre société attend ? Je continue maintenant d'en douter.

Dans notre pays, l'approche de la mort est, encore de nos jours, un domaine où ce qui peut rester de liberté et de droits à la personne n'est que très insuffisamment reconnu. Aujourd'hui encore, le suicide, qui reste la première cause de décès chez les 30-39 ans, est très souvent analysé comme une faiblesse psychologique. Celle-ci est mise en exergue par les opposants à cette aide au suicide. Pour eux, la demande de fin de vie est en elle-même tellement absurde qu'elle ne peut être que le fruit d'un esprit malade. La demande de fin de vie est, pour eux, le produit d'un mental diminué. La personne devient, à ce titre, non plus un citoyen doté de droits mais un patient, un sous-citoyen qui n'est plus totalement maître de lui-même. Tel un mineur, il devrait être protégé de sa propre volonté, viciée par la faiblesse de son mental. La société prend alors le relais et l'oblige alors à continuer de vivre contre son gré.

Notons aussi que, contrairement au droit pénal de pays étrangers comme l'Espagne ou la Suisse, notre code pénal ne fait aucune distinction entre la mort donnée à autrui par compassion et celle préparée et infligée dans la plus noire intention, qui est qualifiée d'assassinat. Pourtant, les juges, lorsqu'ils sont appelés à trancher, ont bien du mal ; ils rendent donc parfois des verdicts qui interprètent très fortement la loi.

Le développement des soins palliatifs depuis 1999 fut une remarquable avancée, qui doit être amplifiée ; plusieurs d'entre nous l'ont demandé. Mais d'autres y ont vu le moyen de fermer la porte à toute discussion sur l'euthanasie et le droit d'aider à mourir ; nous venons d'en avoir un nouvel exemple.

Puis, l'émotion suscitée dans le pays par la détresse de Vincent Humbert et par l'inculpation de Marie, sa mère, qui l'aida à mourir, a rouvert ce débat dans la société, mais certains, au fond, n'en voulaient pas : ils ont utilisé la loi de 2005 pour faire taire les interrogations de nos concitoyens et faire croire que nous avions répondu à la détresse humaine. Depuis lors, le dramatique et pathétique suicide de Chantal Sébire a ravivé l'aspiration au débat, car la loi de 2005 laisse sur le bord de la route toutes les personnes atteintes de maladies longues, douloureuses et irréversibles, qui vivent dans une profonde détresse physique mais aussi, souvent, morale, sans que leur survie dépende de la poursuite d'un traitement.

Pour vous qui avez utilisé la loi de 2005 afin d'éviter tout débat philosophique et moral sur la fin de vie et l'euthanasie,…

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