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Intervention de Manuel Aeschlimann

Réunion du 17 novembre 2009 à 21h30
Réduction du risque de récidive criminelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaManuel Aeschlimann :

Madame la présidente, madame la ministre d'État, mes chers collègues, c'est après avoir longuement discuté avec le grand avocat pénaliste Olivier Schnerb et recueilli ses impressions teintées d'humanisme, mais aussi de fermeté, que je vous livre ici quelques réflexions.

Nous sommes au coeur d'un débat dont la qualité et l'humanité ont été enrichies par le Conseil constitutionnel qui, en nous renvoyant la loi du 25 février 2008, a rappelé son rôle éminent de gardien des principes supra-légaux consacrés par notre constitution. Nous sommes ici à la croisée de deux chemins, dont l'un conduit à la responsabilité pénale du criminel et à la compétence des tribunaux, et l'autre aux traitements les plus lourds de la psychiatrie moderne en milieu fermé.

Or, ne nous y trompons pas, la récidive en matière criminelle, au-delà de l'inacceptable danger qu'elle représente pour nos concitoyens, peut aussi bien être commise par des individus jugés normaux selon l'avis des psychiatres, que par des individus atteints d'une grave pathologie mentale. Notre système est loin d'être parfait pour ce qui est de traiter la seconde catégorie, celle des individus dont la place devrait être dans un établissement psychiatrique, et non dans un lieu de détention pénitentiaire. Toutefois, devant une définition imparfaite, tant scientifiquement que juridiquement, de la normalité et de l'autonomie de la volonté, notre responsabilité de législateur est d'établir un suivi, tant des criminels endurcis par choix, que des criminels endurcis par la persistance d'une pathologie sans traitement.

Je ne peux m'empêcher de penser à cette phrase du Macbeth de Shakespeare : « Je me suis tant enfoncé dans le sang que, si je cessais d'avancer, le retour en arrière serait aussi dur que de continuer. » Esprit dérangé ou esprit lucide confit dans le crime ? Le Conseil constitutionnel et le premier président Lamanda, dans ses préconisations, nous ont demandé d'être les gardiens des droits de la personne condamnée et de vérifier qu'elle a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l'exécution de sa peine, d'une prise en charge et de soins adaptés aux troubles de la personnalité dont elle souffre.

La loi que nous votons est importante, car elle nous invite à faire en sorte que le placement en rétention de sûreté demeure l'ultime recours.

Nous demandons donc à la juridiction régionale de la rétention de sûreté de jouer son rôle. Les moyens que nous lui fournissons doivent correspondre à la rigueur qu'exige la sécurité de nos concitoyens et à l'humanité que requiert le traitement d'un condamné qui a payé sa dette à la société.

À l'instant où je prends la parole, je pense à toutes ces familles frappées dans leur chair par une tragédie découlant d'un crime, et dont le deuil ou la douleur ont été perturbés par le reproche légitime, ou seulement sensé, adressé à l'État.

« Si le criminel avait purgé l'intégralité de sa peine, notre parent serait encore vivant. Si le criminel avait fait l'objet d'un suivi, jamais il n'aurait pu récidiver. »

« Si le criminel avait été soigné, ses pulsions auraient disparu. »

« Si le criminel avait appris un métier, peut être aurait-il quitté la vie qu'il menait jusqu'alors. »

La loi que nous sommes en train de voter fait de nous des équilibristes, funambules contraints de suivre une ligne destinée à assurer à ceux qui nous ont demandé de les représenter la sécurité à laquelle ils ont droit, et aux criminels, qui ont déjà purgé leur peine, une présomption d'innocence à l'égard de la récidive dont ils sont soupçonnés dès leur levée d'écrou. Les articles soumis à notre vote effectuent cette traversée, mais nous invitent, pour l'avenir, à mieux définir l'irresponsabilité pénale.

Les psychiatres, qui apportent leur expertise à l'oeuvre judiciaire pour déterminer si un délinquant relève de la compétence des tribunaux ou de la psychiatrie, doivent disposer d'un meilleur matériel législatif pour que nous ne soyons pas contraints de prévoir des mesures répressives ou coercitives à rencontre d'individus que le bon sens déclarerait irresponsables. Mais c'est un autre débat, qui sera peut-être susceptible de modifier tout ou partie des textes que nous sommes en train de voter.

En l'état, et parce que des individus déclarés responsables demeurent, quelle que soit leur éventuelle pathologie, des individus dangereux, le projet de loi de réduction du risque de récidive criminelle recevra mon entier soutien.

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