Notre amendement vise à abroger la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
Se protéger du risque de récidive ne doit pas signifier un enfermement ad vitam aeternam sur simple présomption de dangerosité. Même si vous ne souhaitez pas qu'on parle de peine, il s'agit tout de même d'un enfermement. Que vous le vouliez ou non, le texte prévoit la possibilité de renouveler la décision de rétention de sûreté aussi longtemps qu'on considérera qu'il y a une dangerosité potentielle.
Pour protéger notre société de ce risque, il faut le traiter. Mme la garde des sceaux ainsi que M. le rapporteur ont reconnu que les moyens de traitement existent ; ils ont notamment été mis en place par la loi de 1998, laquelle a posé le principe des soins en prison pour les délinquants sexuels et instauré le suivi sociojudiciaire. Cette loi propose une prise en charge psychiatrique et thérapeutique qui débute en prison et peut se poursuivre après la sortie par la mise en place du suivi sociojudiciaire avec injonction de soins.
Aujourd'hui – et le problème est là –, l'institution ne dispose pas des moyens de l'appliquer. C'est donc sur cet aspect qu'il incombe au Gouvernement de porter ses efforts et non sur la mise en place d'une peine perpétuelle – car il s'agit bien de cela – pour masquer la responsabilité de l'État dans l'absence de prise en charge des détenus jugés particulièrement dangereux.
Pourquoi ne donnez-vous pas les moyens de la mise en place d'un suivi médicosocial effectif dès le début de l'incarcération ? Pourquoi attendre la fin de la peine pour mettre en oeuvre un suivi sérieux ? Pourquoi ne pas proposer de placer la personne condamnée dans un centre socio-médico-judiciaire dès le début de la peine ? On gagnerait du temps !
Vous ne tentez de remédier aux insuffisances de notre système carcéral que par une logique d'enfermement. Or cette logique, au-delà de la philosophie douteuse qui la sous-tend, est dangereuse : elle vous a conduit à opérer dans ce texte des choix qui nous paraissent entièrement irrationnels.
Tout d'abord, vous remettez la décision entre les mains d'experts psychiatres qui devront se prononcer sur la dangerosité du condamné. Rappelons pourtant avec M. Senon, professeur de psychiatrie, la prudence des recommandations de la Haute autorité de santé, laquelle distingue dangerosité psychiatrique et criminologique et réserve aux psychiatres et psychologues dotés d'une formation complémentaire en psycho-criminologie l'évaluation de la dangerosité criminologique, selon une approche multidisciplinaire associant le champ socio-éducatif. La psychiatrie doit contribuer à la prise en charge socio-médico-psychologique et non se substituer au juge pour décider le placement en rétention d'un détenu ayant déjà effectué sa peine.
En outre, je l'ai dit, ce texte bafoue les principes fondamentaux de notre droit pénal. Ainsi, la rétention sera décidée non parce que le crime aura été commis, mais parce que l'on craindra qu'il le soit. Vous hochez la tête, monsieur le rapporteur ; permettez-moi néanmoins de citer l'appel du 20 mars 2008 demandant l'abolition de la rétention de sûreté, appel que je reprends à mon compte.
« Parce que la rétention de sûreté, comparable dans sa philosophie à la peine de mort, est une peine d'élimination préventive susceptible de graves dérives ; parce que la rétention de sûreté ajoute de l'enfermement à la peine de prison, déjà anormalement longue en France au regard des standards européens, et constitue en conséquence un traitement inhumain et dégradant ; parce que la rétention de sûreté implique un pronostic arbitraire de la “dangerosité”, dont les contours ne peuvent être clairement définis ni par les psychiatres, ni par les juristes ; parce que la rétention de sûreté crée l'illusion du “risque zéro” de récidive par l'exploitation démagogique de la douleur des victimes ; parce que la rétention de sûreté témoigne du renoncement des pouvoirs publics à faire de la prison un temps utile à la prévention de la récidive et à la réinsertion ; parce que la rétention de sûreté, malgré l'accomplissement de la peine, n'autorise plus l'oubli du crime, réduisant ainsi la personne à son acte criminel passé avec le risque de l'y enfermer à jamais ; parce que la rétention de sûreté est une violence institutionnelle inacceptable qui prive les détenus de tout espoir de liberté ; pour toutes ces raisons, la rétention de sûreté n'est en aucun cas un instrument de prévention de la récidive et de protection des citoyens. » Nous nous associons à tous les signataires de cet appel pour vous demander l'abrogation de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.