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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 18 novembre 2009 à 15h00
Réduction du risque de récidive criminelle — Suite de la discussion d'un projet de loi après engagement de la procédure accélérée

Michèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Ceux qui ont soutenu le texte ont exprimé des idées très diverses. Des amendements ont été déposés. Ils seront étudiés dans un esprit qui, de ma part, visera toujours à être constructif. J'estime, comme je l'ai dit au début de la discussion de ce texte, que c'est par une bonne entente entre le Gouvernement et le Parlement qu'il est possible d'améliorer un texte et d'avancer vers des solutions sur un certain nombre de problèmes.

L'opposition a joué son rôle d'opposition et c'est normal dans notre démocratie. Je passe, bien entendu, sur certains propos caricaturaux, qui n'apportent strictement rien. En revanche, je veux souligner que d'autres positions, avec lesquelles je ne suis pas toujours d'accord, méritent le respect et suscitent l'intérêt. Elles ont permis d'exposer des visions différentes, voire de faire émerger des propositions.

Je ne puis évidemment partager les analyses du projet de loi développées par MM. Raimbourg et Urvoas. En particulier, il est un peu caricatural – je n'oserai dire de mauvaise foi – de comparer la rétention et la surveillance de sûreté avec la relégation qui existait au siècle dernier. On voit bien qu'avec de tels propos, on entre dans l'outrance. Or vous êtes, les uns et les autres, de trop fins juristes pour ne pas savoir que la rétention et la surveillance de sûreté sont des mesures exceptionnelles, ne pouvant être ordonnées que par l'autorité judiciaire et dans des conditions particulièrement restrictives, alors que la relégation était un enfermement automatique et perpétuel des récidivistes.

La rétention et la surveillance peuvent être prononcées lorsque le risque que font courir certaines personnes est suffisant, qu'il est établi par des évaluations pluridisciplinaires. De plus, je le rappelle, la rétention et la surveillance ne sont prononcées que pour des périodes limitées, qui ne peuvent être renouvelées que dans les mêmes conditions où elles ont été prononcées.

Ainsi, les mesures – ne l'oublions jamais, car c'est, je crois, notre préoccupation commune – créées par la loi de 2008, que le présent projet de loi a pour objectif d'améliorer, ont bien pour finalité la resocialisation de la personne. Elles visent à diminuer la dangerosité des récidivistes. Cela n'a donc rigoureusement rien à voir avec la relégation ou la tutelle pénale.

MM. Goujon, Hunault, Aeschlimann ont parfaitement indiqué les enjeux du texte : mieux protéger les victimes, pas uniquement contre la récidive ou la réitération, mais également contre les premiers faits d'agression ou de violence. Mme Barèges, MM. Morel-A-L'Huissier et Ciotti ont aussi rappelé l'importance du partage de l'information entre tous les intervenants de la chaîne de la sécurité pour assurer et la sécurité de nos concitoyens et les capacités de réinsertion de celui qui a été condamné. Je veux les remercier de leur soutien.

Plusieurs orateurs, dont M. Vaxès, se sont étonnés que le projet de loi ne reprenne pas l'ensemble des propositions du rapport Lamanda. Le projet reprend, c'est évident, les dispositions de nature législative de ce rapport. Nous sommes en présence du partage du domaine de la loi des articles 34 et 37.

Dans le rapport Lamanda, il y a, bien entendu, de nombreuses autres propositions intéressantes qui ne sont pas de nature législative. Je pense à la promotion de la recherche et de l'enseignement en criminologie. Je crois savoir que M. le rapporteur a d'ailleurs des idées très particulières sur l'enseignement de la criminologie, dont probablement la création de nouvelles disciplines qui pourraient répondre à certaines de nos préoccupations en rapprochant les problématiques de la psychiatrie et de la criminologie.

Le rapport Lamanda suggère de numériser les dossiers des condamnés ou de créer un référentiel des normes de suivi des condamnés. Je suis extrêmement favorable à ces propositions, mais la loi ne peut ordonner leur mise en oeuvre.

Vous avez dit, messieurs, à juste titre, qu'il fallait éviter les lois d'affichage. C'est justement ce que je m'efforce de faire, en faisant respecter le domaine de la loi.

J'ai également relevé quelques points sur les principaux axes du projet. La question de la réduction des peines a été soulevée par plusieurs orateurs, dont M. Nicolin, Mme Besse ou M. Dupont-Aignan. Je sais parfaitement – nous en avons parlé tout à l'heure encore lors des questions au Gouvernement – que ces réductions de peine peuvent paraître surprenantes à nos concitoyens et qu'elles leur donnent le sentiment que la peine n'est pas totalement exécutée. Mais il faut rappeler un certain nombre de choses. D'abord, les réductions de peine ne sont pas de plein droit, même quand elles sont automatiques. Le juge de l'application des peines peut tout à fait décider de les refuser en fonction du comportement du détenu. D'ores et déjà, la loi prend en compte certaines situations en prévoyant, pour les récidivistes, une limitation de moitié du crédit de réduction de peine par rapport à celui des autres détenus.

N'oublions pas, mesdames, messieurs, que l'objectif du crédit de réduction de peines dont bénéficie tout détenu n'est pas simplement de diminuer la durée de sa détention. C'est un outil qui se veut efficace pour permettre de sanctionner un mauvais comportement en détention, par le retrait total ou partiel du crédit de réduction de peine. C'est donc un élément important d'incitation pour le détenu à bien se comporter en prison. Il ne s'agit pas simplement pour lui d'avoir un comportement normal ; il faut aussi qu'il soit prêt à accepter certaines mesures visant à lutter contre la récidive, notamment à accepter des soins en détention. C'est, en quelque sorte, une épée de Damoclès. Nous avons commencé à parler, hier, des mesures de suivi médical et social. De la même façon, si le détenu ne respecte pas la surveillance qui pèsera sur lui à sa libération, il sera possible encore de la lui retirer, ce qui entraînera son retour en prison.

Je sais bien que la présentation est parfois difficile, mais je crois que le dispositif prend bien en compte les différents cas de figure.

Certains parlementaires, notamment MM. Raimbourg et Vallini, ont insisté tout particulièrement sur le problème des médecins coordonnateurs au titre des moyens mis en oeuvre pour l'injonction de soins. Il est évident que notre objectif est d'augmenter le nombre des médecins coordonnateurs. Nous prenons progressivement des mesures concrètes pour faire en sorte qu'il y en ait davantage. Ainsi, l'arrêté du 24 janvier 2008 a revalorisé l'indemnité des médecins coordonnateurs. Il a également porté à vingt le nombre de personnes qui peuvent être suivies par un médecin coordonnateur, ce qui est aussi une façon de rendre cette fonction plus attractive en mutualisant davantage les efforts. L'arrêté du 24 mars 2009 a permis à des médecins non psychiatres d'exercer la fonction de médecin coordonnateur, après le suivi d'une formation spécifique.

Compte tenu de tout cela, vous ne pouvez pas dire que des mesures n'ont pas été prises pour avancer dans ce domaine. Nous avançons lentement. Il est vrai qu'il y a, aujourd'hui, quatre médecins coordonnateurs de plus qu'il n'y en avait au début de l'année 2009. Il faut continuer.

Toutefois, nous nous heurtons à un problème plus général. Dans quinze départements qui ne sont pas dotés de médecins coordonnateurs, le véritable problème est la désertification médicale. Celle-ci s'étend aussi au cas particulier des médecins coordonnateurs. Je suis particulièrement attentive aux résultats des efforts menés au plan local par les autorités judiciaires, qui effectuent des démarches, notamment auprès des ordres départementaux de médecins, pour mieux faire connaître la fonction de médecin coordonnateur, qui n'est pas forcément bien connue, et susciter des candidatures.

Parmi les thèmes retenus et développés hier, la question du traitement inhibiteur de la libido a été évoquée par de très nombreux orateurs, pratiquement sur l'ensemble des bancs de l'Assemblée.

Je ne peux, bien entendu, pas souscrire aux propos tenus par Mme Pau-Langevin, qui a fait part de son scepticisme sur l'efficacité de ces traitements. Elle est d'ailleurs très isolée dans sa position, puisque nous avons entendu des personnes, qui ont la compétence et l'expérience nécessaires pour en parler dans cet hémicycle, confirmer que si le traitement n'a pas d'effets dans tous les cas, lorsqu'il en a, ils sont significatifs. C'est également ce qui a été rappelé par le docteur Cordier, dans une interview publiée dans Le Monde hier. L'efficacité de ces traitements n'est pas apparue à l'occasion de l'examen de ce projet de loi. Déjà, lors de l'adoption de la loi de juin 1998, qui a créé le suivi sociojudiciaire, elle était invoquée et présentée comme un facteur positif. En la matière, je crois que nous devons reconnaître, tout en disant que ce n'est pas la seule solution, que ces traitements doivent également s'accompagner de traitements psychiatriques, qu'il y a là une voie à ne pas négliger.

Je ne saurai suivre certains parlementaires qui suggèrent de ne rien faire sous prétexte que ces traitements n'auraient pas une efficacité prouvée dans 100 % des cas. Doit-on, au motif qu'il peut y avoir des cas qui échappent, ne rien faire ? Cela me paraît être une attitude peu responsable.

Je crois – ce sont les arguments que j'ai développés hier et que je continuerai à développer au cours de cette présentation – que la loi doit donner au praticien une palette de réponses à mettre en oeuvre au cas par cas. Dans cette perspective, il faut effectivement améliorer le dispositif d'injonction de soins, comme l'ont souhaité, hier soir, M. Debré ou Mme Besse, notamment en ce qui concerne les auteurs de viols contre mineurs.

Mesdames, messieurs les députés, je n'ai sans doute pas répondu dans le détail à chacune des questions que vous avez soulevées. J'ai essayé de répondre aux grandes lignes de vos interrogations, que ce soit dans la majorité, que je remercie encore une fois de son soutien, ou dans l'opposition, que je remercie de sa contribution à la réflexion. Nous aurons l'occasion d'examiner plus en détail toutes ces questions au cours de la discussion des amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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