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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 17 novembre 2009 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Je voudrais tout d'abord féliciter le rapporteur qui a réussi, immédiatement après sa désignation, à nous faire un exposé remarquable sur le plan constitutionnel et réglementaire, alors que j'ai moi-même eu besoin de tout le week-end pour préparer l'intervention que je vais vous présenter… ! Lorsque je me remémore les débats préalables à la révision constitutionnelle au cours desquels nous avions évoqué la question de la publicité des travaux des commissions, je me dis que celle-ci serait vraiment nécessaire.

J'estime que Mme Alliot-Marie n'a pas la compétence pour décider de la recevabilité d'une résolution demandant la création d'une commission d'enquête. Et nous ne disposons pas davantage de cette compétence. Pour notre part, nous ne faisons rien d'autre que de mettre en oeuvre l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui fait partie du bloc de constitutionnalité, et qui dispose que « tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ». En l'occurrence, nous cherchons bien à déterminer l'emploi de la contribution publique, et certainement pas à mettre en cause la responsabilité de quiconque ! Nous devons en effet savoir comment 3 millions d'euros de fonds publics ont été utilisés pour commander des sondages favorables à celui qui les a demandés, lesquels ont ensuite été diffusés dans la presse.

Une question se pose : le Président de la République fait-il partie du champ de contrôle de l'article 24 de la Constitution ? On nous oppose la séparation des pouvoirs, mais il s'agit d'un argument que l'on utilise lorsque l'on est à court de véritables arguments ! La Cour des comptes est ainsi une juridiction et pourtant elle contrôle l'utilisation des fonds publics par la Présidence de la République. Par ailleurs, je souhaite rappeler que le Conseil d'État a décidé, par un arrêt François Hollande et Didier Mathus contre CSA du 8 avril 2009, que le temps de parole du Président de la République à la télévision devait, lorsqu'il participe au débat politique national, s'imputer sur le temps de parole de la majorité gouvernementale. Enfin, on ne peut pas prétendre que la commande de sondages d'opinion fasse partie des compétences régaliennes du Président de la République.

Par ailleurs, à l'article 89, alinéa 5, de la Constitution, il est écrit que « la forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision ». Cette formule est issue de la loi constitutionnelle du 14 août 1884 : au cours des débats, le président du Conseil Jules Ferry avait expliqué que cette formule visait à s'opposer au retour à la monarchie et à préserver de la fonction présidentielle. Si en 1884 cette formule a été ainsi définie, il ne me choque pas que l'on en ait encore cette lecture aujourd'hui.

Enfin, je voudrais rappeler à mes collègues de l'UMP le discours prononcé par Nicolas Sarkozy à Épinal le 12 juillet 2007, dans lequel il déclarait : « Au nom de quoi le chef de l'État, qui devrait être le premier des Français, serait donc le seul à devoir s'organiser pour ne pas avoir à assumer ses responsabilités ? Je suis responsable ».

Au total, ne nous cachons pas derrière le droit, il y aujourd'hui pour vous un simple avis d'opportunité politique à donner. Vous nous avez dit que vous étiez contre, cela se suffit sans qu'il soit besoin que vous vous masquiez derrière des palinodies juridiques.

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