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Intervention de Delphine Batho

Réunion du 17 novembre 2009 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

Je rappelle tout d'abord que nous contestons les modalités de désignation du rapporteur, même si la personne désignée n'est pas en cause.

La Commission n'est pas juge de la recevabilité de la proposition de résolution. Elle ne peut que vérifier, en application de l'article 140 du Règlement, si les conditions sont réunies. L'irrecevabilité ne peut être déclarée que par le Président de l'Assemblée nationale.

Le rapporteur a évoqué le courrier de la garde des Sceaux. Je relève qu'elle est particulièrement mal placée pour invoquer la séparation des pouvoirs car elle formule des injonctions au Président de l'Assemblée nationale.

Je donne acte au rapporteur de son interprétation de l'article 51-2 de la Constitution.

J'observe que le droit des parlementaires de constituer une commission d'enquête est un droit fondamental qui ne peut être limité que par des dispositions expresses. En l'espèce, il n'y a pas d'information judiciaire en cours, donc il n'y a pas de risque d'atteinte à la séparation des pouvoirs avec l'autorité judiciaire. De même, l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires précise que les rapporteurs des commissions d'enquête « sont habilités à se faire communiquer tous documents de service, à l'exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'État, et sous réserve du respect du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs ».

En pratique, le seul obstacle à la commission d'enquête, c'est le secret. Une commission d'enquête a vocation à recueillir des éléments d'information et non pas à mettre en cause la responsabilité du Président de la République.

Il n'est pas non plus question de remettre en cause l'autonomie financière de la Présidence de la République. Si vous employiez cet argument, cela reviendrait à considérer que le rapporteur spécial de ces crédits porterait atteinte à la séparation des pouvoirs. C'est absurde !

Il y a eu un précédent sur un sujet touchant un domaine d'intervention de la Présidence de la République, avec la commission d'enquête sur les conditions de libération des infirmières bulgares détenues en Libye. A l'époque, un débat avait eu lieu à la commission des Affaires étrangères pour savoir si la création d'une telle commission d'enquête heurtait ou non la séparation des pouvoirs. Plusieurs collègues de la majorité étaient intervenus. M. Jean-Marc Roubaud avait alors indiqué qu'il considérait qu'il ne fallait pas créer de commission d'enquête et que les explications fournies par la Présidence de la République étaient claires et que la commission d'enquête n'avait pas à s'interroger sur le champ de la coopération entre la France et la Libye. M. Jean-Marc Nesme avait souligné que « le Parlement n'avait pas à interférer dans le domaine de l'exécutif » et avait estimé « que le Président de la République avait apporté les clarifications nécessaires ». Il jugeait, en outre, étonnant que le Parlement décide d'enquêter sur des actes ayant eu une issue favorable.

Le Président Axel Poniatowski avait, à cette occasion, indiqué que de nombreux commissaires partageaient ces interrogations, mais que « les membres du groupe majoritaire à l'Assemblée nationale se doivent de favoriser la plus totale transparence des activités du gouvernement ».

Le rapporteur, M. Roland Blum, avait insisté sur le fait « qu'une commission d'enquête permettra de valoriser le pouvoir du Parlement, et que son champ devra s'étendre à la coopération franco-libyenne puisque l'évolution de cette dernière est en partie liée à la libération des infirmières et du médecin bulgares ».

Il y a donc un précédent portant sur des domaines pour lesquels on aurait pu considérer qu'il y a avait une sorte de séparation des pouvoirs intangibles, qui n'a pas fait obstacle à la création d'une commission d'enquête.

Par ailleurs, il est inexact de dire que le directeur de cabinet du Président de la République et le ministre des Relations avec le Parlement auraient apporté, à l'occasion du débat budgétaire, toutes les informations nécessaires. Le ministre des Relations avec le Parlement a ainsi indiqué que la Présidence de la République ignorait les montants facturés par les instituts de sondage au cabinet Publifact.

Les parlementaires n'ont pas eu accès au contenu de ces sondages d'opinion, sur lequel la Cour des comptes s'est fondée pour affirmer qu'il s'agissait des mêmes que ceux publiés par certains médias. Un contrôle parlementaire est bel et bien nécessaire et je pense que les arguments tendant à dire que la commission d'enquête mettrait en cause la responsabilité du Président de la République, alors que tel n'est pas son objet, ne tiennent pas debout.

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