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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 10 novembre 2009 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, rapporteur :

Monsieur Grosperrin, il suffit de lire Libération pour être convaincu que le Parti socialiste peut y être lui aussi critiqué.

Non, il ne s'agit pas de notre part d'une charge contre le Président de la République ; et les partis de gauche ne sont pas les seuls à soutenir le raisonnement que je vous ai présenté : François Bayrou a mené une partie de sa campagne présidentielle sur le thème de cette proposition de loi.

Le carburant de ce texte, monsieur Kert, c'est plutôt la démocratie. Incontestablement, la pratique du pouvoir qui est celle de M. Sarkozy conduit à une sensibilisation plus forte à certaines thématiques. Ainsi, le temps de parole du Président de la République, à la suite de la décision du Conseil d'État du 8 avril 2009 et de celle du Conseil supérieur de l'audiovisuel qui a suivi, n'est plus comptabilisé de la même manière que pour les prédécesseurs de M. Sarkozy, tout simplement parce que le mode de gouvernance de ce dernier l'amène à être plus présent dans les médias. Je n'ai pas voulu établir un rapport anecdotique, mais tout le monde sait que M. Sarkozy a une certaine propension à donner son avis que ce soit sur le choix des journalistes, notamment lorsqu'ils sont chargés de présenter les journaux télévisés de 20 heures, ou même sur les grilles de programme – notamment sur la place qu'y occupent les émissions politiques.

Nous n'avons pas déposé une proposition de loi de circonstance, visant un homme en particulier ; nous nous intéressons aux relations existant entre le pouvoir exécutif et certains médias. Ce n'est pas un hasard si nous avons déposé parallèlement une demande de commission d'enquête sur le fait que l'Élysée commande et finance sur son budget des sondages dont bénéficie, ensuite, une certaine partie de la presse écrite et audiovisuelle.

Vous avez évoqué le débat sur la loi de 2000, qui nous occupait depuis 1998. Certes à l'époque, nous n'avions pas retenu le dispositif que nous proposons aujourd'hui ; nous avions été amenés à une « revoyure » des dispositifs anti-concentration et nous avions posé les bases de la télévision numérique terrestre (TNT), mais en ce temps de cohabitation, notre attention se concentrait surtout sur un média audiovisuel à très forte audience, TF1. Depuis, le paysage audiovisuel a évolué, et il ne s'agit pas ici de revoir les seuils de concentration. Je ne sais pas, d'ailleurs, s'il faudra les revoir car le développement des chaînes de la TNT et la concurrence d'Internet conduisent à une décroissance de l'audience des chaînes historiques.

Vous avez évoqué aussi les États généraux de la presse. Pour ma part, je vous renvoie à la réunion qui s'est tenue au Théâtre de la Colline le 24 novembre 2008 : les journalistes y avaient appelé au « refus impératif du mélange des intérêts industriels et médiatiques, afin de garantir que les opérateurs économiques n'aient pas d'autre objectif que l'information ». Quand les médias sont détenus par des grands groupes industriels et financiers, l'information risque d'être censurée lorsqu'elle va à l'encontre des intérêts de ces groupes. Cette proposition de loi est un peu le corollaire de la décision prise au printemps dernier sur le temps de parole du Président de la République.

Quant à la décision de la Cour de justice des Communautés européennes, qui portait sur des dispositions votées en Grèce pour assurer l'indépendance du secteur des médias par rapport à celui des travaux publics, elle fait état d'une méconnaissance du principe de proportionnalité. La présente proposition de loi, qui vise avant tout à clarifier les liens entre le pouvoir politique et les médias, ne me paraît pas concernée par cette jurisprudence.

Enfin, sur le plan économique, je ne crois pas que les dispositions que nous proposons fragiliseraient le secteur des médias, tout simplement parce que, en vertu d'un principe constitutionnel, cette loi, si par bonheur elle était votée, n'aurait pas un caractère rétroactif. Elle n'aurait donc pas pour effet d'obliger les grands groupes à se dessaisir des médias qu'ils possèdent, pas plus que de permettre aux groupes étrangers de s'en emparer avec voracité.

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