Cette proposition de loi sera examinée en séance publique le 19 novembre, dans le cadre de la fenêtre parlementaire réservée au groupe SRC. Elle vise à réguler la concentration dans le secteur des médias et, plus précisément, à mettre fin aux liens délétères entre le pouvoir exécutif et les grands groupes industriels et financiers qui, tout en vivant des commandes de l'État, contrôlent nombre de médias.
La « libre communication des pensées et des opinions », garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, a été consacrée par de nombreux textes internationaux. En France, depuis la loi fondatrice du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la liberté de communication a fait principalement l'objet de deux lois, celle du 1er août 1986, portant réforme du régime juridique de la presse, et celle du 30 septembre 1986, relative à la liberté de la communication. En vingt-trois ans, la première n'a été amendée que neuf fois, mais la seconde a été modifiée – en intégrant les amendements aux projets de loi de finances – soixante fois !
La liberté de communication passe d'abord par le respect du « caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion » sur lequel le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), en tant qu'organisme régulateur, doit veiller. Ce pouvoir de régulation s'est dernièrement manifesté par la prise en compte des interventions du Président de la République et de ses collaborateurs – lorsqu'ils interviennent dans le débat politique national – dans le décompte des temps de parole des représentants des différents courants politiques, même si cette récente décision du CSA résulte, de fait, de la décision – attendue – du 8 avril 2009 du Conseil de l'État, saisi sur ce sujet dès l'automne 2007 par MM. François Hollande et Didier Mathus.
La liberté de communication s'accompagne aussi d'une exigence de transparence. Tous les médias sont soumis à un ensemble de règles : interdiction de recourir à des prête-noms ; caractère nominatif des actions ; publicité des cessions d'actions. Des obligations spécifiques s'imposent aux entreprises de presse. Je vous renvoie sur ce point à mon rapport.
Enfin, des dispositifs ont été instaurés pour contrôler les concentrations. Dans le secteur de la presse quotidienne d'information politique et générale, la défense du pluralisme se traduit par l'interdiction pour une même personne physique ou morale ou un même groupe de personnes de contrôler directement ou indirectement plus de 30 % de l'ensemble de la presse, qu'elle soit nationale, régionale ou locale.
Dans le secteur audiovisuel privé, le dispositif anti-concentration prend la forme de diverses limitations, détaillées dans mon rapport. Ainsi, dans les sociétés titulaires d'une autorisation relative à un service de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre, une même personne physique ou morale ne peut détenir ni plus de 49 % du capital ou des droits de vote d'une société nationale lorsque l'audience moyenne annuelle de cette dernière dépasse 8 % de l'audience totale des services de télévision, ni plus de deux participations à 15 % du capital de services de télévision nationale, ni plus de trois participations à 5 % de ce capital.
Ce cadre juridique étant rappelé, où en sommes-nous en matière d'indépendance des médias et de pluralisme de l'information ?
Les médias français présentent la caractéristique de ne pas être organisés en grands pôles multimédias qui ne se consacreraient qu'à cette activité, tels que le News Corp de Robert Murdoch, mais d'être contrôlés par des groupes aux intérêts divers, présents notamment dans les secteurs du BTP, de l'armement, de l'aéronautique civile ou militaire. On peut ainsi citer, dans l'ordre alphabétique : Arnault, Bolloré, Bouygues, Dassault, Lagardère, Pinault.
Dans la seconde partie de mon rapport, plus polémique, je dénonce l'omnipotence du pouvoir exécutif dans les médias, en évoquant le « réseau » constitué autour du Président de la République par des industriels propriétaires de grands titres de presse écrite ou de grands médias audiovisuels, ainsi que les échanges de services que permet ce réseau. Par ailleurs, le phénomène de vases communicants qu'engendre l'existence d'un « cordon ombilical » entre les groupes industriels ou financiers et la commande publique dont ils dépendent financièrement pose un grave problème pour notre démocratie.
C'est pourquoi notre proposition de loi – dont le premier article concerne le secteur de la communication audiovisuelle et le second celui de la presse – vise à ce que le législateur assure une séparation étanche entre les détenteurs de titres de presse ou de médias audiovisuels et la puissance publique responsable des marchés publics, au niveau local comme au niveau national,.