Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Philippe Duron

Réunion du 10 novembre 2009 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Duron, rapporteur :

Je tiens à rappeler d'emblée que, dans le cadre de cette mission, il ne nous appartenait pas de nous prononcer sur l'opportunité d'un grand emprunt, mais de voir s'il était possible de mobiliser des moyens nouveaux pour améliorer la chaîne logistique portuaire.

Avec Alain Gest et les administrateurs de la commission, nous avons travaillé dans un délai très court et cela nous a conduits à décider de focaliser notre réflexion sur les deux grands ports maritimes français que sont Le Havre et Marseille. Pourquoi ce choix ? Les débats de l'année dernière sur la réforme portuaire ont mis en évidence certaines fragilités des ports français, ainsi que la nécessité d'en moderniser le fonctionnement, les infrastructures, et, en particulier, les processus de pré et post acheminements. La nécessité d'agir sur l'ensemble de la chaîne logistique – les professionnels diraient la supply chain - ne fait donc aucun doute.

Le constat, quel est-il ? Depuis une vingtaine d'années, le trafic maritime international a considérablement évolué. D'abord en volume, puisqu'il s'est développé au même rythme que la mondialisation de l'économie. Les échanges entre l'Est et l'Ouest ont notamment crû dans des proportions inimaginables jusqu'alors. Ensuite, ce trafic a fortement évolué dans ses méthodes, avec l'avènement de la « conteneurisation » comme forme la plus rationnelle d'acheminement, ce qui n'a pas manqué de transformer les navires, passés du modèle Panamax à l'Ultramax, lequel peut transporter plus de dix mille boîtes.

Dès lors, il a bien fallu que les ports s'adaptent à ces nouveaux trafics, à ces volumes inédits et à ces matériels de dernière génération. Et il faut bien admettre que nombre de ports de la mer du Nord se sont adaptés plus vite que les nôtres, depuis Zeebrugge jusqu'à Rotterdam et Hambourg, ainsi que certaines places en Méditerranée, comme Barcelone ou Gênes. Les ports ont agrandi et modernisé leurs terminaux, gagné en efficacité de pré et post acheminement, et, au final, se sont constitués des systèmes d'acheminement à terre des marchandises d'une très grande fiabilité.

Bien entendu, la France n'est pas restée inactive et je rappelle les deux grands projets initiés au cours des dernières années : Port 2000 au Havre et Fos 2XL à Marseille. Pour autant, ces opérations de modernisation n'ont pas été aussi amples ni aussi rapides qu'ailleurs. Moralité, les grands armateurs ne les ont pas trouvées suffisantes et ont souvent préféré des ports étrangers. Une part importante de l'acheminement des grandes métropoles françaises se fait même aujourd'hui à partir de ports étrangers : cela est devenu un lieu commun de dire qu'Anvers est désormais le port de Paris !

Comment améliorer la situation ? De plusieurs façons, selon les intervenants que nous avons pu auditionner, qu'il s'agisse du Port de Marseille, des grands opérateurs, des syndicats professionnels ou des grands organismes de l'Etat (VNF, RFF, SNCF…).

Il convient d'abord d'améliorer la manutention sur le port et de développer des chantiers de transport combiné pour rendre plus efficace le transbordement du bateau vers le rail. Ensuite, il faut améliorer la liaison fluviale entre les ports et leur arrière pays - le fameux hinterland. Dans la dernière décennie, le transport fluvial s'est nettement intensifié, tant sur la Seine que sur le Rhône. Les croissances à plusieurs chiffres constatées jusqu'au début de la crise économique ont démontré toute la pertinence de ce mode d'acheminement, non seulement pour les pondéreux mais aussi, aujourd'hui, pour les boîtes, jusqu'au coeur des grandes agglomérations. Or je n'ai pas besoin de rappeler que le Grenelle de l'environnement fait du report modal, notamment de la route vers le fleuve, une urgente obligation, pour combattre la congestion des axes et la pollution atmosphérique.

Que peut-on faire hors des cadres classiques de financement des infrastructures de transport que sont les grands projets d'Etat, les CPER ou les mannes de l'AFITF - dont on connaît du reste les difficultés, puisque M. du Mesnil nous a rappelé au cours de sa dernière audition en commission qu'elle n'était pas en capacité d'assurer à RFF le financement de la LGV Est, 1,5 milliard de crédits lui faisant défaut jusqu'à 2012 ?

Nous nous sommes attachés à identifier les travaux réalisables dans un délai rapide, afin qu'ils participent de la relance économique dont le pays a besoin tout en nous permettant de remplir nos objectifs de transfert modal.

A la fin de notre projet de rapport d'information figure un tableau qui dresse la liste et le chiffrage des différentes catégories d'opérations qui pourraient être réalisées rapidement et produire un effet de système sur l'ensemble de la chaîne logistique de nos deux principales places portuaires, en Manche et en Méditerranée.

S'agissant du Havre, 360 millions – soit une somme relativement raisonnable – pourraient être mobilisés au profit de l'amélioration de la logistique, dont 220 millions pour l'achèvement de Port 2000 et du port aval. La massification des flux est tout aussi nécessaire : il est impératif, d'une part, de pouvoir décharger et recharger dans un délai très bref des navires de grande capacité, et, d'autre part, de composer rapidement les trains de sortie des cargaison hors des ports. A ce titre, il convient de mobiliser 86 millions au profit de l'amélioration de la performance multimodale du port et d'améliorer la liaison entre le port du Havre et la Seine via le Grand Canal et l'écluse filiale. Il s'agit d'améliorer notablement le système – aujourd'hui trop faible - de déchargement des navires de bord à bord par barges fluviales. Il convient aussi de ne pas négliger toutes les opérations liées au brouettage, très insuffisantes au Havre comme le savent ceux qui connaissent le site. L'évolution est facilitée par le fait que le port détient désormais en pleine propriété ses infrastructures et qu'il peut donc investir directement dans des mesures d'amélioration logistique.

Enfin, il faut s'attaquer à un sujet majeur : comment sort-on du port du Havre ? Aujourd'hui, l'essentiel du pré et post acheminement est réalisé par la voie routière, du fait de sa souplesse et de sa rapidité. Et il est bien compréhensible que les chargeurs aient recours au mode le plus efficace. Les moyens d'élargir l'hinterland portuaire sont bien connus : accélérer la réalisation – bien engagée – du canal Seine Nord Europe et réhabiliter la ligne ferroviaire Serqueux-Gisors pour en renforcer la fiabilité.

Au total, les investissements au profit du port du Havre représentent un montant estimatif d'un peu plus de 2 milliards d'euros.

J'en viens au port de Marseille, dont on a beaucoup parlé en 2008 au moment de l'examen de la réforme portuaire. Si le port de Marseille a connu d'importantes difficultés, il n'en est pas de même du port de Fos, où la gouvernance et l'évolution du service rendu sont meilleures. Le port de Marseille a voté son projet stratégique mois d'un an après la promulgation de la loi et il présente aujourd'hui toute une panoplie de propositions, valables tant pour son site propre que pour celui de Fos.

Ces projets, quels sont-ils ? Il faut accélérer la préparation de Fos 3XL de manière à anticiper l'augmentation des volumes. Comme vous le lirez dans le rapport, l'un des enjeux majeurs est de capter une part plus importante du trafic vers l'Europe occidentale par les ports méditerranéens. Marseille doit être mise en situation de jouer à cartes égales avec Barcelone, Valence ou Gênes, et cela ne sera possible qu'en améliorant l'efficacité de l'acheminement. Traditionnellement, Marseille regardait plus volontiers vers la mer que du côté de son hinterland. Si la situation a évolué, elle demeure encore très perfectible.

Il convient donc d'améliorer la logistique portuaire et d'obtenir un véritable désenclavement, tant routier que ferroviaire et fluvio-maritime. L'axe de dégagement routier est à saturation et il ne permettra pas - à très court terme - de faire face à l'augmentation des volumes attendue dans le port de Fos. S'agissant du ferroviaire, il est urgent d'améliorer les lignes qui desservent tant le port de Marseille que celui de Fos. Là encore, si l'on veut augmenter le trafic, il faut pouvoir pré et post acheminer dans de meilleures conditions. Désenclavement fluvio-maritime, enfin, avec le doublement des entrepôts et la création de 1800 emplois en trois ans. Cela passe par une meilleure liaison entre le Rhône et les darses du port de Marseille. Pour ce faire, il convient de réaliser un ouvrage d'environ trois kilomètres pour un coût qui ne semble pas inaccessible.

Au total, les investissements proposés en faveur de l'amélioration du port de Marseille atteignent un montant – certes très inférieur à celui du Havre mais tout de même conséquent – de près de 600 millions.

Si l'on cumule les efforts à consentir pour les deux sites, tant pour l'amélioration de la logistique que pour la massification des flux et l'élargissement de l'hinterland portuaire, on arrive à un montant de 2,7 milliards, ce qui, compte tenu de l'enveloppe annoncée pour le grand emprunt, n'est pas prohibitif.

Cet effort renforcerait considérablement l'ensemble de la chaîne logistique française et lui permettrait d'atteindre un degré de performance sans précédent. Il est impératif d'accélérer la mise à niveau de nos grands ports pour les aider à affronter la concurrence internationale tout en renforçant la cohérence entre nos différents modes de transport. Inutile de se cacher que la route restera pour longtemps très largement majoritaire si l'on n'opère pas sans délai ces indispensables mutations !

S'agissant des chiffres précis et des analyses plus complètes, je renvoie évidemment à notre projet de rapport écrit.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion