En proscrivant l'acharnement thérapeutique, la loi Leonetti du 22 avril 2005 a indiscutablement amélioré les droits des patients en fin de vie.
Pour être largement partagée, l'opinion que vient d'exprimer Jean Leonnetti n'est cependant pas celle de tous les parlementaires. Comme Manuel Valls et lui-même l'ont exposé, dans ce domaine, les clivages ne sont pas politiques. L'opinion est d'abord celle de chacun.
La loi Leonetti ne dépénalise pas l'euthanasie ; elle ne reconnaît pas le « droit à une aide active à mourir ». Bien qu'adoptée à la quasi-unanimité, elle a été fondée dès le départ sur un consensus fragile entre ceux pour qui elle constituait un point d'équilibre au-delà duquel il est impossible d'aller, et ceux qui y voyaient un point d'appui pour obtenir la légalisation de l'euthanasie et la reconnaissance du droit, pour toute personne malade, de faire respecter sa volonté de mourir dans la dignité, ainsi que l'ont décidé certains pays européens.
Ce débat sur l'euthanasie, auquel nos concitoyens semblent prêts, n'a cessé d'être entretenu par les membres de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), dont je fais partie. Il a été relancé à la suite de plusieurs affaires malheureuses, qui ont démontré que la loi française n'offre un cadre sécurisé ni aux patients sans espérance de guérison, mais dont les souffrances sont insupportables, ni aux médecins, qui sont parfois encore poursuivis et condamnés pour avoir abrégé les souffrances de patients en phase terminale d'un cancer. Notre collègue sénateur Robert Badinter a déclaré que « créer une législation pour des cas exceptionnels n'est pas la bonne façon de les résoudre ». Cependant, les cas dont il est question ne sont peut-être pas si exceptionnels qu'on le dit. Surtout, le législateur peut-il se décharger de sa responsabilité pour laisser au juge le soin de dire, au cas par cas, le droit et de décider s'il y a place ou non pour une « exception d'euthanasie », excusant ou atténuant l'acte d'homicide ?
S'inscrivant dans le cadre posé par la loi Leonetti, celui des droits de la personne en fin de vie, la proposition de loi vise à modifier le code de la santé publique – et non le code pénal – en créant un droit nouveau pour les malades en phase terminale : celui de bénéficier d'une aide active à mourir.
De « laisser mourir » à « aider à faire mourir dans la dignité », le pas est d'importance. À titre personnel, je souhaite que nous le franchissions. L'adoption éventuelle de la proposition de loi n'épuisera cependant pas le débat. Car, si elle renforce vis-à-vis du corps médical le caractère impératif des directives anticipées de fin de vie exprimées par le patient, son champ d'application est limité et en retrait sur la proposition de l'ADMD, qui vise aussi les personnes placées dans un état de dépendance incompatible avec leur dignité.
Dans la sensibilité qui est la mienne, les avis sont divers – irréductiblement divers. Mon opinion n'est pas celle, par exemple, de Michel Vaxès. Il vous le dira lors de l'examen de la proposition de loi en séance publique. C'est donc en mon nom personnel que je viens de m'exprimer.