Ne gaspillons pas non plus le temps !
Traditionnellement, la présentation des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » est l'occasion d'établir un bilan de santé de nos entreprises publiques et d'évoquer la gestion de l'État actionnaire. Avant d'aborder plus précisément ces deux sujets, il me semble nécessaire de faire un point rapide sur les crédits du compte.
En 2009, la crise a limité les opportunités de cession et donc les recettes du compte. Hors versement au fonds stratégique d'investissement, sur lequel je reviendrai, elles s'élèvent à 358 millions d'euros. Les dépenses, hors FSI, s'établissent à 138 millions d'euros, la principale étant la souscription d'obligations convertibles émises par Air France pour 103 millions d'euros.
Pour 2010, la prévision est fixée, de manière conventionnelle, à 5 milliards d'euros de recettes et dépenses. Ce montant est dépourvu de valeur prédictive pour éviter de révéler au marché les intentions de l'État actionnaire. On peut toutefois anticiper que l'augmentation de capital de La Poste, suivie à hauteur de 1,2 milliard d'euros par l'État, mobilisera une part importante des ressources.
La faible activité du compte en 2009 est bien l'un des nombreux symptômes de la crise économique et financière que nous traversons, la plus sévère depuis la Libération. Pour gagner cette bataille, l'État actionnaire a su, avec beaucoup de pragmatisme, adapter sa stratégie. Il poursuit une politique de défense des participations historiques, en participant au financement d'Air France par exemple.
Mais l'État sait aussi aller de l'avant et mener une politique offensive en donnant une impulsion nouvelle à sa politique. Au-delà du soutien aux établissements de crédit, dont on a déjà longuement débattu dans cet hémicycle, cette stratégie volontariste peut être illustrée par deux actions conduites par l'État : la création du Fonds stratégique d'investissement et l'augmentation du capital de La Poste.
La création du FSI répond à la volonté du Président de la République de faire de la crise une opportunité pour le développement de notre pays et de donner un nouvel élan à la politique industrielle.
Avec le Fonds stratégique d'investissement, l'État mène une politique offensive d'investissement dans les entreprises innovantes en croissance. Il développe la prise de participation dans des entreprises jugées stratégiques pour le développement économique ou l'intérêt national. Il s'agit notamment de valoriser la recherche et développement pour attirer et développer des compétences scientifiques, techniques et industrielles stratégiques. Mais il ne s'agit pas de le faire à fonds perdus. La rentabilité des investissements et la viabilité des projets sont inscrites dans l'ADN du fonds.
Un point clé de cette nouvelle morphologie de l'État actionnaire est la nécessaire coordination entre l'Agence des participations de l'État et le Fonds stratégique d'investissement. L'APE exerce sur le FSI un contrôle de même nature que celui qui porte sur les autres sociétés de son périmètre. Elle est présente au conseil d'administration ainsi qu'au comité d'investissement. La cohérence de la stratégie de l'État actionnaire est un élément central et il faut espérer que les liens entre l'APE et le FSI permettent de l'assurer.
L'objectif de soutien à l'innovation, fixé au FSI, se retrouve dans la logique du grand emprunt. Pourquoi ne pas affecter une partie des fonds au renforcement du capital du FSI ? Une telle option répondrait à la double condition d'un investissement rentable pour l'économie et pour l'État. Il est vrai qu'un tel choix pourrait rencontrer certains obstacles, notamment la nécessité pour la Caisse des dépôts de suivre l'augmentation de capital alors qu'elle dispose de ressources limitées. C'est néanmoins une piste que je crois intéressante. Nous aurons sans doute l'occasion d'en débattre lors de l'examen du collectif budgétaire prévu au début de l'année prochaine.
Le changement de statut et l'augmentation de capital de La Poste constituent l'autre élément majeur de l'actualité de l'État actionnaire.
Qu'est-ce que La Poste aujourd'hui ? Avec 300 000 emplois au sein du groupe, c'est le deuxième employeur après l'État. C'est un symbole solidement ancré dans le quotidien des Français. C'est le service universel postal, le service public du transport et de la distribution de la presse, l'accessibilité bancaire, l'aménagement du territoire.
Au sein de la majorité comme du Gouvernement, nous sommes très attachés à ce que La Poste demeure cette entreprise de service public quotidiennement au contact des Français. Son évolution est aujourd'hui nécessaire car elle est confrontée à un double défi.
D'une part, La Poste doit faire face au défi de l'ouverture totale à la concurrence, qui aura lieu le 1er janvier 2011. Il semble qu'elle accuse déjà un certain retard par rapport à ses homologues européens. À titre d'exemple, on peut citer le groupe Deutsche Post World Net qui réalise un chiffre d'affaires et un résultat net trois fois supérieurs aux siens.
D'autre part, La Poste doit également faire face au défi de la dématérialisation des échanges. Son activité courrier a ainsi chuté de 3,3 % au premier semestre 2009.
Pour affronter ce nouvel environnement, le groupe doit investir entre 7,3 et 9 milliards d'euros pour la période 2009-2012, qui ne seront couverts par autofinancement qu'à hauteur de 3,6 milliards selon ses estimations. Il manque donc au minimum 2,7 milliards d'euros au groupe. Avec un endettement représentant 175 % de ses fonds propres, soit 6 milliards d'euros de dettes et 300 millions de charges financières, aucun développement par financement externe n'est plus possible. Seule l'augmentation de capital peut lui donner les moyens de sa modernisation.
Je souhaiterais insister sur un point qui me semble important. Il existe, au sein de la direction du groupe, une vraie vision de ce que sera l'entreprise dans dix ou quinze ans. L'augmentation de capital sera donc mise au service d'un projet de long terme, qui permettra à La Poste de s'adapter à son nouvel environnement.
Avant de conclure, je ferai un point très rapide sur l'état, dans le contexte de crise, des entreprises dans lesquelles l'État détient une participation. Deux entreprises souffrent particulièrement du ralentissement : Air France et Renault. Renault a profité de l'aide de l'État, directe via les prêts aux constructeurs automobiles, et indirecte via la prime à la casse. L'État a également contribué au financement d'Air France en souscrivant, à hauteur de 103 millions d'euros, à une émission d'obligations convertibles. Toutefois, il semblerait qu'Air France n'ait pas bénéficié des moyens offerts par l'État pour faciliter l'acquisition d'avions, qui ont été prévus dans le cadre du dispositif de financement de l'économie.
Madame la secrétaire d'État, pourriez-vous éclairer l'Assemblée sur ce point, en précisant pour quelle raison Air France n'a pu avoir accès à ces aides alors que, d'après les informations que j'ai reçues, les compagnies étrangères pouvaient y avoir accès ?
Par ailleurs, EDF s'est lancée dans un vaste mouvement d'acquisitions en vue de développer son parc nucléaire. L'électricien a acquis, début 2009, British Energy pour environ 13 milliards d'euros et a reçu, le 3 novembre dernier, l'autorisation du régulateur américain d'acquérir la moitié des actifs nucléaires de Constellation, pour 4,5 milliards de dollars. Cette politique de croissance externe a été financée par la dette. S'il est vrai qu'EDF perçoit des revenus réguliers et importants, l'on ne peut écarter l'hypothèse que la course au nucléaire, que l'on constate depuis quelque temps, ne conduise à mener une politique de croissance externe peut-être trop ambitieuse.
Compte tenu des précédents – je pense notamment à l'état de France Télécom à la suite de l'éclatement de la bulle Internet en 2002 –, vous comprendrez, madame la secrétaire d'État, que l'on puisse être inquiet du fort endettement du groupe. Le rapport entre dette nette et fonds propres pourrait en effet dépasser 150 % à la fin de l'année. Pourriez-vous nous dire comment EDF fera face à cette charge et si l'hypothèse de la formation d'une bulle autour du nucléaire est plausible ?
Pour conclure, je souhaiterais souligner la remarquable réactivité dont a fait preuve l'État actionnaire pendant la crise. Il a su adapter sa stratégie avec pragmatisme tout en continuant à assumer ses responsabilités, comme en témoigne l'injection de plus d'un milliard dans La Poste. Par ailleurs, après avoir auditionné quelques représentants des entreprises dont l'État est actionnaire, je tiens à saluer la qualité du travail accompli par l'agence des participations de l'État.
Pour toutes ces raisons, votre rapporteur spécial, mes chers collègues, vous propose d'adopter les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)